En avril 2019 dans le Bois de Boulogne, des policiers de la BAC ont interpellé – sans afficher le moindre signe d’identification – six jeunes dans une voiture, à tort. Un policier a utilisé son arme, la balle passant à quelques centimètres de la tête du conducteur.
Une nouvelle fois, des images de vidéo-surveillance contredisent la version de membres des forces de l'ordre dans une affaire de violences policières. Les faits remontent au 30 avril 2019, et se déroulent en pleine nuit dans le Bois de Boulogne (XVIe arrondissement). Aux alentours de deux heures du matin, la voiture conduite par Paul, un jeune accompagné par cinq amis âgés de 16 à 22 ans, est encerclée par trois véhicules de police, comme on peut le voir sur une vidéo diffusée dimanche par Mediapart.
Paniqué, Paul ignore au moment des faits qu'il s’agit de policiers de la brigade anticriminalité (BAC). Les fonctionnaires n'ont ni brassard, ni gyrophare, et n'indiquent à aucun moment leur identité. Paul décide de faire marche arrive pour tenter d'échaper à ce qu'il pense être une attaque de la part de voyous. Son véhicule heurte celui d'une équipe de policiers.
Les agents soupçonnent le groupe d’un vol de sac à main, ils pointent aussitôt leurs armes en direction de la voiture des jeunes hommes. L'un d'entre eux tire à quelques centimètres de la tête de Paul. Sur les images "on voit un policier, armé, qui est à plusieurs mètres du véhicule et qui n’est donc absolument pas en danger, qui ne trouve rien de mieux à faire que de tirer en visant la tête du conducteur." explique Me Raphaël Kempf, l'avocat du jeune.
"Les policiers arrivent sur place comme des cowboys. Sans gyrophare, sans avertir qu’ils sont de la police quand ils sortent de la voiture. Ils n’ont aucun brassard. Rien ne permet de distinguer si ces personnes sont des policiers ou des voyous."[Les policiers] arrivent sur place comme des cowboys
La vidéo de @Mediapart est glaçante. Il faut aussi lire l’article La préfecture de police de Paris a menti pour couvrir les tirs d’un policier sur des jeunes innocents https://t.co/lZdflm1WDU pic.twitter.com/SJydX90FRS
— Thomas Portes ✊ (@Portes_Thomas) November 29, 2020
"La balle est passée à quelques centimètres de la tête du conducteur"
L’avocat dénonce une intervention menée d’une façon "illégale et disproportionnée" : "Ce qui me marque le plus, c’est que la première réaction d’un policier qui arrive sur une intervention, qui n’était pas justifiée, c’est de sortir son arme et de tirer à plusieurs mètres de distance sur la portière conducteur avant de la voiture. La balle est passée à quelques centimètres de la tête du conducteur. Mon client, Paul, a cru y passer. Il a eu la peur de sa vie, il a eu peur de mourir. C’est un sentiment indescriptible, et dont la police est malheureusement responsable."Quelques minutes plus tard, les jeunes sont sortis violemment de leur voiture, mis à terre et placés en garde à vue.
"Paul a reçu plusieurs coups, son épaule a été luxée, ce n’est pas anodin, précise Me Raphaël Kempf. Les policiers l’ont frappé alors qu’il était à terre." Après une plainte déposée par les policiers, Paul sera poursuivi pour violences avec arme par destination, alors qu’aucun policier n’a été blessé.
Son avocat dénonce un phénomène "de criminalisation, d’accusation des victimes" dans le cadre des affaires de violences policières : "Les six jeunes sont placés en garde à vue, et à la fin de leur garde à vue, le procureur de la république de Paris, a décidé de poursuivre Paul devant le tribunal. C’est lui qui s’est retrouvé accusé, et qui risquait de la prison." Traumatisé, le jeune homme a finalement été relaxé plus d’un an après les faits, grâce à la diffusion des images de vidéo-surveillance à l’audience.
"Ça rappelle encore une fois l’importance capitale d’avoir accès à des vidéos, souligne Me Raphaël Kempf, qui indique avoir mis plus d’une année à obtenir la copie des images de vidéo-surveillance, après de multiples relances. Légalement, dans le code de procédure pénale, la parole d’un policier ne vaut pas plus que celle d’un citoyen comme vous et moi. Elles sont équivalentes. Mais dans les faits, devant les tribunaux, devant les procureurs, la parole des policiers est plus valorisée. Et ça, c’est extrêmement problématique."Ça rappelle encore une fois l’importance capitale d’avoir accès à des vidéos
Un constat qui inquiète l’avocat : "Je me demande combien de personnes ont été condamnées à tort, et sont allés en prison à tort, parce que des policiers ont dit qu’elles s’étaient rebellées ou qu’elles avaient été violentes, alors que cela était faux ?"
"Il faut s’interroger sur la façon dont le préfet de police lui-même n’a pris aucune décision à l’encontre de ces policiers"
De son côté, Pascale Pascariello, journaliste pour Mediapart et spécialiste des violences policières, invite à "s’interroger sur le système" : "Il faut s’interroger sur l’institution policière aujourd’hui, et la façon dont les policiers se couvrent. Sur la façon dont l’IGPN ne fait pas le travail de façon impartiale. Sur la façon dont le préfet de police lui-même n’a pris aucune décision à l’encontre de ces policiers."A ce jour, les policiers concernés n’ont pas été suspendus de leur fonction. "Les policiers n’ont pas été sanctionnés, pas inquiétés… Et le policier qui a tiré en visant la tête de mon client est toujours sur le terrain avec son arme à feu", pointe du doigt Me Raphaël Kempf. L’avocat et son client attendent désormais l’ouverture d’une information judiciaire pour tentative de meurtre, "parce que c’est la tête qui est visée et qu’on tire avec une arme létale", et par ailleurs l’ouverture d’une information judiciaire pour violences en réunion.Le policier qui a tiré en visant la tête de mon client est toujours sur le terrain avec son arme à feu
Cette nouvelle affaire de violences policières survient dans un contexte de forte polémique autour de la proposition de loi sur la sécurité globale, mais aussi après le passage à tabac du producteur de musique Michel Zecler.