Patrimoine : la transformation d’un ancien monastère parisien suscite des critiques

Alors que le diocèse de Paris souhaite transformer le monastère de la Visitation en colocations solidaires, l’association de défense du patrimoine Sites & Monuments dénonce un projet architectural "brutal" menaçant "l’une des rues les plus pittoresques de la capitale".

Le site est voisin de l'hôtel de Chambon, propriété de Gérard Depardieu. Situé dans le 6e arrondissement, entre les rues de Vaugirard et du Cherche-Midi, l’ancien monastère de la Visitation doit bientôt être transformé en logements. La parcelle, d’une surface de plus de 7000 m2, doit bientôt être restructurée dans le cadre d’un projet de colocations solidaires.

Sur le site, "l’hôtel particulier de Clermont-Tonnerre a été construit au 17e siècle", retrace Stéphane Bazin, chef de projet opérationnel. "Les sœurs de l’ordre de la Visitation de Sainte-Marie se sont installées dans la première moitié du 19e siècle, explique-t-il. Elles ont fait évoluer la propriété en complétant l’hôtel historique par un bâtiment qui le prolonge, qu’on appelle le pensionnat ou l’hôtel Ségur. Il y a aussi un grand jardin de 4000 m2 et une vacherie, qui était utilisée par les sœurs jusqu'aux années 1970. C’était l’un des derniers lieux avec des vaches dans la capitale."

"Les sœurs se sont retirées au début des années 2010 et le monastère a été confié au diocèse, en convenant que le lieu conserve sa vocation chrétienne d’accueil", poursuit-il. Le projet de colocations solidaires rassemble trois associations, pour accueillir des personnes polyhandicapées, des femmes enceintes en situation difficile et des personnes en situation de grande précarité. "Des jeunes volontaires s’engagent sur le plan de leur foi et vont emménager dans les logements pour vivre avec ces populations, dans des lieux communs", résume Stéphane Bazin.

Dans le cadre de la transformation du monastère, le chef de projet opérationnel indique que "les deux grands hôtels vont être conservés et entièrement rénovés". Il ajoute que "des bâtiments, qui présentent le moins d'intérêt patrimonial, vont également être détruits", et que "d’autres bâtiments neufs vont être construits" avec 43 logements, mais aussi une crèche et deux commerces.

"On va dénaturer un monastère"

Le projet suscite des critiques de la part de riverains et d’associations. Julien Lacaze, le président de Sites & Monuments, pointe du doigt un projet architectural "brutal", en citant notamment la démolition de plusieurs bâtiments dont "une boulangerie", "une blanchisserie" et "une infirmerie". "Pour 3400 m2 de surface de plancher supplémentaire, on va dénaturer un monastère, un élément patrimonial important même s’il est insuffisamment protégé", estime-t-il.

Il dénonce également la destruction de "pilastres en pierre époque Louis XVI de l’enceinte de l’ancien hôtel de Clermont-Tonnerre", et d’"une ancienne vacherie". "C’est un bâtiment incroyable. La municipalité actuelle nous répète que l’avenir est le circuit court et l’agriculture dans la ville… Là, on pourrait réhabiliter l’ensemble à des fins pédagogiques pour en faire une mini-ferme urbaine. Mais du béton va se déverser à l’endroit de cette vacherie", insiste Julien Lacaze.

Le président de Sites & Monuments - qui a lancé une pétition - critique aussi le réaménagement du jardin du monastère. "Un projet social avec de bonnes intentions peut se faire au détriment de l’intérêt général. Là, le jardin sera fractionné en petites parcelles. Il y avait l’opportunité de créer un grand jardin public qui profite à tous dans Paris", affirme Julien Lacaze, qui appelle la Ville à "une expropriation pour cause d’utilité publique" en raison d’un manque d’espace vert.

"Dans une ville déjà très densifiée", "le projet va dénaturer la rue du Cherche-Midi, l’une des plus pittoresques de la capitale, avec un immeuble massif et un souci d’intégration". "C’est un îlot de fraîcheur, il y aura des incidences sur la biodiversité", déclare aussi Julien Lacaze, qui cite l'abattage et le replantage d’arbres.

"La justice a tranché"

De son côté, Stéphane Bazin juge ces critiques "un peu anachroniques". "Le permis de construire a été obtenu en 2018 après beaucoup de travail avec les services de la Ville mais aussi la commission du vieux Paris et les Bâtiments de France… Le projet a été attaqué par plusieurs requérants dont la SCI (société civile immobilière, NDLR) de monsieur Depardieu, et la justice a tranché et rejeté leurs demandes. Comme pour chaque projet, il y a du pour et du contre, mais la chose a été jugée", souligne-t-il.

Le chef de projet opérationnel note par ailleurs que "le jardin est une propriété privée". "Le diocèse propose de désenclaver le quartier, avec un cheminement piéton ouvert au public et un petit square aménagé en aire de jeu pour les familles", explique-t-il. "Ce qui est magnifique dans ce projet social et solidaire en plein Paris, c’est de ne pas laisser ces personnes en difficulté en périphérie. C’est d’inclure ces populations au cœur de la ville, de ne pas les oublier. Et d’un point de vue visuel, ça sera beaucoup plus agréable, aujourd’hui c’est un peu une forteresse, là le lieu va respirer", indique-t-il.

L’association Sites & Monuments, elle, a déposé une demande d’instance de placement du monastère. "Une procédure qui peut permettre au ministère de la Culture de figer les choses pendant un an lorsqu’un bâtiment présentant un intérêt patrimonial est menacé", précise Julien Lacaze. Pour ce qui est du projet de transformation, Stéphane Bazin annonce que les travaux sont en cours de préparation, mais restent suspendus en raison des contraintes liées aux JO de 2024.

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