Peut-on encore boire l'eau potable au robinet à Paris et en Île-de-France ?

L'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) a révélé jeudi, dans un rapport, la présence importante dans l'eau potable de résidus d'un pesticide, le Chlorothalonil. Tout le Bassin parisien est concerné, y compris Paris.

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En ouvrant le journal Le Monde, Loretta, une habitante du XXe arrondissement de Paris, s'interroge : "Je me demande si je ne vais pas retourner à l'eau en bouteille !" Comme près de 7 Français sur 10, elle avait fini par être convaincue que boire l'eau du robinet était une bonne idée. Ça, c'était avant la révélation de la contamination de toutes les eaux distribuées dans la région Ile-de-France et dans la capitale.

Le rapport de l'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) publié ce jeudi 6 avril met à mal nos certitudes sur la qualité de l'eau que nous buvons tous les jours. Ce rapport révèle en effet l’existence de métabolites de Chlorothalonil dans l'eau courante de nos robinets. Il s’agit de résidus d'un pesticide pourtant interdit depuis 2019.

Quelle est cette contamination ?

Nom de code de ce pesticide : R471811. Plus précisément il s'agit d'un fongicide qui a longtemps été utilisé dans de nombreuses cultures : vignes, céréales, pommes de terre. Le produit en question, c’est le Chlorothalonil.

Problème : après usage, ce produit se dégrade pour former des dérivés chimiques, appelés métabolites, qu’on retrouve dans les sols et dans l’eau souterraine. L’Anses, l’agence de l’état qui s’occupe de notre sécurité sanitaire, a contrôlé plusieurs points d’eau potable.

Et l'on ne parle pas de quelques cas isolés. L'Agence a découvert ces sous-produits de pesticides "dans plus d'un échantillon sur deux", et parce qu'il a conduit à des dépassements de la limite de qualité "dans plus d'un échantillon sur trois". L'Anses précise dans son rapport que "ces résultats attestent qu'en fonction de leurs propriétés certains métabolites de pesticides peuvent rester présents dans l'environnement plusieurs années après l'interdiction de la substance active dont ils sont issus."

Large inquiétude

À Barbery, une commune à proximité de l'Oise, pas très loin de Chantilly, un habitant se pose des questions sur le brossage des dents de ses enfants. Sa famille a déjà arrêté de boire de l'eau du robinet car certains habitants ont découvert début mars que leur réseau d’eau potable était pollué. Ils ont eux-mêmes demandé à un laboratoire agréé d'effectuer des analyses. En cause : les résidus du Chlorotalonil, ce pesticide que l'Europe a pourtant interdit depuis quatre ans. "C’est quatre à vingt-deux fois supérieur à la valeur de 0,1 qui est la valeur de conformité de l’eau. Aujourd’hui, sur ce paramètre, sur ce pesticide, dans notre village, on distribue une eau non conforme", résume Didier Malé, président de l’Association Regroupement des organismes de sauvegarde de l’Oise. Selon les autorités sanitaires, la majorité des régions françaises seraient touchées. France Télévisions a pu consulter ces relevés d’analyses.

Alors à l'issue d’un rapport révélant la présence de pesticides dans l’eau potable, peut-on encore boire l'eau du robinet ?

La réponse du Dr Damien Mascret est clairement oui sur le plateau du JT du 19/20.

Est-ce dangereux pour la santé ?

Le gouvernement se veut rassurant et estime que la découverte d'un résidu de fongicide dans l'eau potable ne présente pas de risque sanitaire.

Pour le moment, selon l'Anses, le dépassement de la limite de qualité dans l'eau ne signifie pas qu'il existe un danger. Mais les autorités sanitaires devraient toutefois rester vigilantes.

La Commission européenne n'avait pas renouvelé en 2019 l'autorisation du Chlorothalonil, commercialisé par l'entreprise allemande Syngenta. La France avait accordé un délai de grâce jusqu'en mai 2020 pour l'écoulement des stocks de ce produit. Bruxelles soulignait à l'époque qu'il était "impossible à ce jour d'établir que la présence de métabolites du Chlorothalonil dans les eaux souterraines n'aura pas d'effets nocifs sur la santé humaine". La Commission citait les conclusions de l'Autorité européenne de sécurité des aliments, qui estimait que le Chlorothalonil "devrait être classé comme cancérogène de catégorie 1B", c'est-à-dire cancérogène "supposé".

L'eau reste bonne à boire selon le SEDIF

Au moment où le Syndicat des Eaux d’Île-de-France (SEDIF), fondé en 1923, fête ses 100 ans cette année, la gestion de la ressource en eau potable est devenue une priorité en ces temps de sécheresse climatique. L’établissement public gère l’eau potable pour 135 communes de la région parisienne et dessert 4 millions d’usagers. Dans le journal Le Monde, le Syndicat confirme que "plus de 3 millions d’entre eux reçoivent une eau dont les teneurs en métabolites de Chlorotalonil sont quatre à cinq fois supérieures au seuil réglementaire". Mais il nous précise immédiatement, quand on l'interroge : "Que les Franciliens se rassurent : ils peuvent continuer à consommer l’eau du robinet ! En effet, la limite réglementaire de 0,1 µg/L par substance individuelle pour les pesticides n’est pas établie sur des critères sanitaires. L’eau peut être consommée si la valeur sanitaire (qui n’est pas la valeur réglementaire évoquée ci-dessus), déterminée par les autorités sanitaires sur des éléments scientifiques n’est pas atteinte."

Le SEDIF a déjà une solution mise en place dans une de ses usines à Méry-sur-Oise (95). Depuis 1999, elle est équipée d’une filière de traitement membranaire de nanofiltration. Le SEDIF a constaté son efficacité pour retirer le métabolite du Chlorothalonil de l’eau. "Les membranes abattent complètement le R471811". Il complète : "Aussi, le projet 'Vers une eau pure, sans calcaire et sans chlore' vise à implanter ce traitement sur les usines de Choisy-le-Roi et de Neuilly-sur-Marne au sud et à l'est de Paris, à échéance 2030 – 2032. C’est aujourd’hui la meilleure technique disponible pour y faire face. Nous aurons l’occasion d’en parler prochainement lors d’un débat public organisé sous l’égide de la Commission nationale du débat public (CNDP)."

Le SEDIF se projette comme un des pionniers avec ce procédé, mais le débat public promet d'être houleux car cette technique pose question.

Initialement, le Syndicat souhaitait installer pour la première fois ce dispositif dans l'usine d'Arvigny (77). Mais le projet a rencontré une forte opposition, à la fois d'associations de protection de l'environnement mais également des élus, notamment ceux de la communauté d'agglomération Grand-Paris-Sud. Après un refus du projet par le préfet en janvier 2022, le SEDIF a finalement privilégié une réflexion coordonnée avec les communes avoisinantes sur l'approvisionnement en eau potable du territoire, rapporte le journal Actu Environnement.

Pour le Syndicat, ce procédé présente plusieurs intérêts : "l'amélioration de la qualité de l'eau en réduisant les micropolluants ainsi que le chlore et le calcaire, mais également la diminution de l'usure des appareils électroménagers grâce à cette eau adoucie."

Le projet prévoit une augmentation de 30 à 40 centimes par m3 sur la facture d’eau des Franciliens.

SEDIF - Syndicat des Eaux d’Ile-de-France

À l'inverse, ses opposants pointent quatre inconvénients à cette technique : les investissements sont très importants - 800 millions d’euros ; la technique est très gourmande en électricité ; la quantité d'eau à prélever d'environ 15 % en plus ; enfin le rejet dans le milieu naturel des matières retenues par la technologie.

Sans oublier la facture pour le consommateur car cela signifie payer plus cher l'eau du robinet : de 36 à 48 euros par an et par foyer. Le SEDIF estime que "le projet prévoit une augmentation de 30 à 40 centimes par m3 sur la facture d’eau. Mais, en distribuant une eau moins calcaire, cela permettra une réduction de la consommation d'énergie à l'échelle du territoire du SEDIF, en limitant aussi l'entartrage pour allonger la durée de vie des appareils électroménagers. Une étude menée en mars 2023 par le cabinet In Extenso a estimé ce gain à 94€ par an et par foyer."

La tentation est grande d'acheter de l'eau en bouteille

Le risque est alors fort de se tourner vers l'eau en bouteille, comme le fait encore un Français sur deux, selon le baromètre annuel de l'Observatoire de l'eau.

Mais le prix du litre d'eau en bouteille est plus cher que celui de l'eau du robinet, jusqu'à 100 fois plus, sans compter les déchets plastiques à recycler. Et à Paris, la Régie municipale affirme être la moins chère d'Île-de-France, et jusqu'à 200 fois moins chère que l'eau en bouteille. Actuellement, elle coûte moins de 0,004 € le litre.

Concernant cette contamination, nos voisins suisses ont dix ans d'avance, comme le rapporte le journal Le Monde. Ils ont "découvert ce métabolite les premiers, au milieu des années 2010, ont immédiatement demandé aux agriculteurs de cesser de s’en servir (...) C’est la vigilance de chimistes de la Confédération helvétique qui a alerté les autorités de différents Etats membres, dont la France."

"On s’est notamment basé sur les recherches de l’Institut fédéral suisse des sciences et technologies aquatiques pour intégrer les métabolites du Chlorothalonil dans la liste des 150 substances sur lesquelles nous voulions avoir plus de visibilité", nous dit-on à l’Anses. Le point d’alerte était clair, puisque nos collègues trouvaient des produits de dégradation de ce fongicide à peu près partout, jusque dans l’eau d’Evian."

Et ça, c'était avant que l'on retrouve aussi des résidus de nanoplastique dans 7 eaux minérales testées par l’association Agir pour l’environnement l'été dernier. En 2018, d'autres études scientifiques prouvaient déjà la présence de micro-plastiques dans l'eau en bouteille de nombreuses marques du monde entier. Plus de 90% des échantillons d’eau étaient contaminés.

La qualité de l'eau parisienne

Quant à la parisienne quinqua, Loretta, elle a choisi. Elle retourne dans sa cuisine pour se servir un verre d'eau du robinet comme chaque jour. Ce n'est pas Eau de Paris qui la contredira.

Sur son site, la régie municipale en charge de la distribution dans la capitale revendique une "eau équilibrée et sûre" : "Chaque année, plus de 300 000 paramètres microbiologiques ou physico-chimiques sont analysés par le laboratoire d’Eau de Paris pour assurer la surveillance sanitaire et garantir la qualité irréprochable de l’eau fournie aux Parisien·ne·s. C’est donc une eau rigoureusement surveillée, et qui respecte en tous points les limites de qualité réglementaires qui sont parmi les plus strictes au monde qui est livrée par Eau de Paris."

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