Plateformes de livraison : "On n'est de moins en moins payés alors qu'on travaille comme des chiens"

Deliveroo, Just Eat, Uber Eats... Plusieurs syndicats appellent les livreurs de plateformes numériques à une grève nationale les 2 et 3 décembre pour lutter pour leur rémunération. Les livreurs parisiens se retrouveront dès samedi midi sur la place de la République.

Leïla travaille comme livreuse depuis six ans pour différentes plateformes. "J’ai travaillé pour Deliveroo, Stuart, Just Eat, Uber Eats mais le constat est le même partout, explique cette mère de famille de quatre enfants. On n'est de moins en moins payés alors qu'on travaille comme des chiens, par tous les temps."

Au cœur des revendications des livreurs : une meilleure reconnaissance de leurs métiers et des revenus convenables. Cette fois-ci l'étincelle est venue de chez Uber Eats expliquent la CGT et Union Indépendants dans un communiqué conjoint.

La plate-forme a lancé un nouveau système de tarification qu'Union Indépendants accuse de provoquer une "baisse drastique de la rémunération", estimée de 10 % à 40 % "par rapport à la grille tarifaire précédente".

"Depuis le 1er novembre, l'ensemble des livreurs Uber Eats subissent une baisse conséquente de leurs revenus" à la suite de "la mise en place d'un nouvel algorithme, opaque et incompréhensible, calculant le montant de leurs courses", ont-ils expliqué. Ceux-ci demandent le retrait de la nouvelle tarification ainsi que "la transparence du prix des courses et l'augmentation significative des rémunérations", précise le communiqué.

"Nous appelons en réalité l'ensemble des livreurs de toutes les plateformes à se mobiliser car si la rémunération chez Uber Eats n'est pas bonne, elle est du même niveau pour la plupart des plateformes", précise Fabian Tosolini d'Union Indépendants.

Comme des centaines d’autres livreurs Uber Eats, Leïla est très remontée face à cette nouvelle baisse des rémunérations et compte se faire entendre. "Il y a un appel au black-out, qui commence ce dimanche, il s’agit de ne pas se connecter à l’application, et puis la CGT et Union-Indépendants appellent à la grève les 2 et 3 décembre", explique la livreuse qui travaille chez Deliveroo.

"Lorsque j'ai commencé, on était plus ou moins bien payé, environ 20 euros l'heure", explique la mère de famille. "La concurrence était faible, et on avait une clientèle en forte augmentation puisqu’on était en période Covid", rappelle Leïla. Les livreurs sont des autoentrepreneurs qui doivent payer leurs charges ainsi que leur véhicule et son entretien, le téléphone…

"Pendant le Covid, les plates-formes ont recruté énormément. La flotte de livreur avait doublé, lorsque les restaurants ont rouvert et que les gens sont sortis de chez eux, on s’est retrouvé avec 60 000 livreurs en France, on était trop nombreux avec beaucoup moins de commandes. Les tarifs des plates-formes ont baissé, et on a perdu 30 % de chiffre d’affaires de 2021 à 2022. Le minimum de prise en charge s’élevait à 4,15 euros, la prestation est passée à 2,60 euros et n'a pas cessé de baisser…", décrit la livreuse.

Boycott pendant 48 heures

"Je suis mère de famille de quatre enfants, je n’ai pas droit au chômage. Je n’ai pas d’assurance maladie. Ma fille s’est fait opérer hier et c’est son grand frère qui a dû rester avec elle". "J’ai un arrêt de travail de sept jours pour rester auprès d'elle mais en fait je suis obligée d’aller bosser car chez Deliveroo même si je leur montre mon arrêt de travail, ils me diront 'Mais ça ma cocotte ce n'est pas notre problème' et si je ne bosse pas, je ne serai pas payé", déplore-t-elle.

Leïla est motivée, elle veut que les choses changent pour elle et pour la génération future. "Je m'accroche car moi j'ai des enfants et je ne veux pas que ce soit la génération de demain qui hérite de cette situation et je veux me battre pour que cela change dans ce secteur", lance-t-elle convaincue.

"Avant il fallait faire 5 commandes pour faire 25 euros et maintenant tu en fais plus pour avoir tes 25 euros. Nous quand on sort de la maison, on ne se dit pas 'Je fais 50 km et je rentre on se dit quand j'ai gagné 50 euros je rentre et tu y passes 5 heures ou 10 heures, tu ne sais jamais", reconnaît la jeune femme de 33 ans.

"Pour l'instant ce sont les livreurs qui se rebellent, mais il viendra un jour ou ce seront les clients", imagine Leïla. "La plateforme taxe les clients, les restaurants et après il nous jette les miettes", résume-t-elle.

L'appel à la grève de l'ensemble des livreurs de plateformes les 2 et 3 décembre est maintenu, malgré une réunion avec Uber Eats mardi portant sur le changement de rémunération qui a mis le feu aux poudres. La promesse était de garantir un minimum par heure travaillée de 11,75 euros, elle pourrait passer à 14 euros pour six mois, annonçait il y a une semaine Uber Eats dans un communiqué.

"Mais même si la plate-forme appliquait ce tarif, en enlevant l'Urssaf (environ 2,80 euros) et les charges personnelles, on arrive au mieux à 10 euros de l'heure nets… Alors certes c'est un peu mieux mais là il annonce cet accord pour 6 mois et au bout de 6 mois il se passe quoi ?", interroge Leïla.

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