L'avocat général a demandé ce mercredi 27 années d'emprisonnement pour l'auteur de l'incendie de la rue Erlanger en 2019. Dix personnes sont décédées. Le verdict est attendu jeudi prochain.
Selon l'accusation, l'incendie dans lequel 10 personnes ont perdu la vie est le résultat d'une "action volontaire, vengeresse et disproportionnée".
L'avocat général Rémi Crosson du Cormier a demandé que cette peine soit assortie de 18 ans de sûreté et de 15 années de suivi socio-judiciaire, comportant une obligation de soins et d'indemnisation des victimes.
Discernement altéré
Le représentant de l'accusation a admis que le discernement de l'accusée était "altéré" au moment des faits, comme l'ont conclu deux expertises psychiatriques. Mais il a demandé au jury de ne pas appliquer la réduction de peine que permet le Code pénal dans ce cas, "au regard de la gravité extrême de la tragédie".
Essia Boulares est "la seule auteure de cette terreur" qui a emporté dix personnes dans la mort, blessé près de 100 autres personnes et plongé tant de familles dans la douleur, a-t-il affirmé.
"Les incendiaires" font partie des criminels "qui troublent le plus gravement l'ordre social", a affirmé l'avocat général en commençant son réquisitoire devant la cour d'assises de Paris, comparant la scène vécue par les victimes cette nuit-là - les cris, l'attente, l'intervention des pompiers et des forces de l'ordre - à celle d'un "attentat terroriste".
Si Essia Boularès a bien "une personnalité complexe", sa décision de mettre le feu n'est ni "un geste délirant", ni "un geste impulsif", mais le résultat de "sa colère non maîtrisée et exacerbée par son alcoolisme", a estimé l'avocat général.
S'exprimant clairement au cours des débats, mais luttant souvent pour ne pas fermer les paupières dans le box, en raison du "lourd traitement" qui lui est prescrit, l'accusée n'a pas réagi à la peine réclamée.
Essia Boularès entre addiction et troubles psychiatriques
Essia Boularès, une femme de 44 ans qui souffre d'addictions et d'importants troubles psychiatriques, a reconnu avoir mis le feu dans son immeuble du XVIe arrondissement de Paris la nuit du 4 au 5 février 2019, après un différend avec un voisin.
Les fumées toxiques et les flammes avaient envahi en quelques minutes les huit étages de cet immeuble ancien en fond de cour, difficile d'accès pour les secours, piégeant de nombreux habitants dans leur appartement.
Incarcérée peu après les faits, Essia Boularès a effectué l'essentiel de sa détention provisoire dans une unité hospitalière spécialement aménagée (UHSA), une structure dédiée aux détenus nécessitant des soins psychiatriques.
Dans la matinée, les avocats des victimes avaient appelé le jury à "rendre une justice à la hauteur de leurs souffrances" et à protéger la société "de manière durable et efficace" des actes d'Essia Boularès.
"Cette accusée que l'on infantilise à dessein, pour atténuer sa responsabilité, (...) n'a rien d'une gamine ni d'une folle", a argumenté Julie Duvivier, avocate d'une jeune femme qui vivait au premier étage.
Comme d'autres, elle a demandé au jury de ne pas retenir l'"altération" du jugement d'Essia Boularès, "atteinte de troubles qui l'amèneraient à s'intoxiquer involontairement, "parce qu'il n'y a que ça qui l'apaise".
Pour l'avocate, cet état mental, "qu'on voudrait vous présenter comme atténuant", constitue au contraire "un contexte aggravant" qui "mène au geste criminel qu'elle a commis, sous stupéfiants et en état d'ivresse, c'est-à-dire en sachant parfaitement qu'elle deviendrait dangereuse".
Les deux avocats d'Essia Boularès doivent plaider mercredi après-midi. Le verdict est attendu jeudi.
Avec AFP