Le procès s’est ouvert hier midi au palais de justice de Paris. D’un côté, la foule des avocats, des parties civiles, des journalistes, de l’autre, le public. Plusieurs salles d’audience de retransmission sont ouvertes à ceux qui veulent suivre les débats.
Plusieurs salles de retransmission de l’audience sont ouvertes au public au sein du palais de justice. Hier, premier jour du procès, elles se sont remplies doucement tout au long de la matinée. Pourtant certains sont arrivés très tôt.
Elle était inquiète de ne pas se réveiller et rater ce rendez-vous avec la justice. Monique est arrivée aux aurores sur l’île de la Cité. "J’étais sûrement la première à rentrer", se plaît-elle à dire. "J’ai vu le lever du jour. Les rues étaient barrées de chaque côté par les policiers, on aurait dit une scène de cinéma", s’exclame-t-elle.
Monique, "née pendant la guerre", à la retraite aujourd’hui, a gardé son franc-parler de militante. Elle voulait voir les accusés, "ces abrutis, ces pauvres mecs qui se sont s’attaqué à des innocents, tout cela au nom de Dieu." Depuis des années, elle, qui voulait être "avocate des veuves et des orphelins" assiste régulièrement à des procès.
"C’est par la justice que l’on peut mesurer authentiquement la valeur ou la nullité de l’Homme. L’absence de justice c’est l’absence de ce qui fait Homme". Monique attribue cette sentence à Platon. Des mots qu’elle a vu écrits dans la cour de la Sorbonne en mai 68 et qui sont restés gravés dans sa mémoire. Ils la guident encore aujourd’hui.
Des curieux et des habitués des procès
JP 1 s’étonne. Il ne voit pas JP 2 dans la salle de retransmission. C’est ainsi qu’ils se nomment. Les 2 JP sont ce que l’on appelle "des habitués". Ils ne ratent jamais un procès. Dans la vraie vie, ils ne se côtoient pas. Ils ne se voient qu’à l’intérieur des tribunaux.
"Le procès Pasqua, Santini, l’appel de Jérôme Kerviel, celui de Sarkozy, de Tapie, de Mélénchon, le procès des attentats de Charlie Hebdo", égrène fièrement JP 1. "J’ai commencé il y a pas mal d’années", plaisante-t-il.
Un peu par hasard explique-t-il. "J’habitais à côté du tribunal de Versailles et je connaissais une greffière". Le virus ne l’a pas lâché. Il est de tous les procès et se rend même aux comparutions immédiates au nouveau palais de justice aux Batignolles. "Un bâtiment qui n’a pas d’histoire. Alors qu’ici, sur l’île de la Cité, il y a une histoire, il y a eu de grands hommes. Il y a eu Marie-Antoinette !", rappelle-t-il.
J’aime cela. Suivre les débats, les procédures, comprendre ce que dit de la société un procès.
JP1, ancien fonctionnaire, "un travail qui n’avait rien à voir avec la justice" est à la retraite. Il avoue : "J’aime cela. Suivre les débats, les procédures, comprendre ce que dit de la société un procès. Aujourd’hui, j’attends que la justice fasse son travail mais les principaux coupables ne seront pas là", regrette-t-il.
Autre regret parmi « les habitués », ne pas être dans la salle et ne suivre le procès qu’à travers un écran. "L’émotion sera moins palpable", craint une dame assise dans le fond de la salle.
Emmanuelle, elle, est arrivée à 8 heures ce matin bien avant l’ouverture de l’audience prévue à 12 heures 30.
Le procès des attentats de janvier 2015 a été pour elle un révélateur. Elle l’a suivi presque en totalité et en a écrit un livre : Le verdict est mercredi, 41 audiences au procès des attentats de janvier 2015. "Ce procès m’a beaucoup remuée car il y avait 17 victimes facilement identifiables. Celui-ci est différent, 130 morts, des centaines de blessés. Il y aura une certaine distance", estime-t-elle
Encore aujourd’hui dès que je rencontre quelqu’un à Paris, je lui parle du 13 novembre.
Et de poursuivre : "Ce qui m’intéresse, c’est la réponse judiciaire à ce qui s’est passé". "Le 13, je dormais mais cela m’a marquée. Encore aujourd’hui dès que je rencontre quelqu’un à Paris, je lui parle du 13-Novembre. Et puis c’est un procès historique dans un contexte particulier avec la campagne présidentielle qui va commencer."
Des étudiants
Dans la salle de retransmission, beaucoup d’étudiants ont également pris place. Luna, Victoria et Sérena sont toutes les trois en troisième année de droit. En fonction de leur cours, elles viendront assister aux débats pendant les 9 mois que va durer l’audience. Elles sont ici pour "observer comment travaille la justice dans un procès exceptionnel".
"Ce qui sera intéressant, c’est d’écouter les différentes plaidoyeries notamment celles des avocats de la défense", explique Sérena. "On est là en tant qu’étudiante mais aussi citoyenne", ajoute Luna. Selon les trois étudiantes, il faut "entendre les témoins, les victimes et puis il y a un devoir moral pour se rappeler ce qui s’est passé."