L’ancien président de la République est intervenu en tant que témoin ce mercredi devant la cour d'assises spéciale. Sa déposition, à laquelle s’opposaient plusieurs avocats de la défense, a attiré de très nombreux médias à l'audience.
"Bonjour monsieur le président…
— Bonjour monsieur le président"
C’est après cet échange avec le président de la cour d'assises Jean-Louis Périès, qui provoque quelques rires dans la salle d’audience, que François Hollande débute son témoignage, dans le cadre du procès des attentats du 13-Novembre. Cité à la barre à la demande de l’association de victimes Life for Paris, l’ancien chef d’Etat, qui était en poste au moment des attaques, justifie d’abord sa venue en évoquant "cette nuit funeste du 13 novembre 2015".
Vêtu d’un costume gris et d’une cravate bleue, l’ancien président de la République dit vouloir expliquer ses décisions "dans les mois qui ont précédé et qui ont suivi" : "Ce témoignage, je le dois à toutes les victimes. A celles et ceux qui ne sont plus là, qui veulent comprendre, à celles et ceux qui ont survécu… Je sais leur souffrance, je répondrai donc à toutes leurs questions." Le témoin affirme notamment vouloir "justifier l'engagement et la lutte de la France contre l’islamisme".
Ce groupe ne nous a pas frappés pour nos actions à l'étranger
"Daech nous a frappés pour ce que nous représentons, ce que nous incarnons : une République laïque, un pays qui chérit la culture, qui aime le sport et qui ne conçoit pas le bonheur comme une perversité", estime François Hollande. Et d’ajouter : "Ce groupe ne nous a pas frappés pour nos actions à l'étranger mais pour nos modes de vie, ici".
"Dans une démocratie, pour punir les responsables ou les complices d’une attaque monstrueuse, la réponse est celle du droit et non de la vengeance, conclut l’ancien chef d’Etat, au cours de son propos liminaire. C’est pourquoi la démocratie sera toujours plus forte que la barbarie. C’est toujours elle qui l’emporte."
"La menace est bien antérieure"
Suivent les questions de la cour. L’ancien président socialiste doit d’abord revenir sur le déroulé de la soirée des attentats. Alors présent en tribune présidentielle au Stade de France à l’occasion du match de foot entre la France et l’Allemagne, il raconte avoir eu la confirmation de l’attentat avec la deuxième détonation à proximité de l’enceinte sportive. Au PC de sécurité du stade, on l’informe ensuite des attaques visant les terrasses.
François Hollande dit alors prendre conscience de l’"envergure" des attaques. Après avoir évoqué la sécurisation du stade, il rappelle s’être "éclipsé" pour se rendre à la cellule de crise, au ministère de l’Intérieur. Convocation du conseil des ministres afin de déclarer l’état d’urgence, fermeture des frontières, prise de parole devant les médias… Après avoir mis en avant plusieurs de ses décisions, il revient sur son déplacement jusque devant l’entrée du Bataclan : "Je vois des personnes sortir le regard hagard, agrippés les uns aux autres".
Quant à l’état de la menace terroriste à l’époque, l’ancien chef d’Etat s’explique : "La menace est bien antérieure, avec la constitution d’une cellule en Syrie dont l’objectif est de préparer des attentats en Europe. Le porte-parole de l’Etat Islamique déclare qu’il veut punir les Occidentaux et les 'sales Français'. Nous sommes mi-2014, nous ne sommes pas encore intervenus en Irak et bien sûr pas en Syrie." Et d’affirmer : "Chaque jour, nous étions sous la menace, nous savions que des opérations se préparaient… Mais nous ne savions pas où, comment et quand ils allaient nous frapper".
L’ancien président s’exprime également sur la polémique autour de la non-utilisation des effectifs d’une brigade de l’opération sentinelle près du Bataclan : "Je n’ai pas été informé que l’unité sentinelle était présente et pouvait intervenir, mais elle n’a fait que respecter la consigne. Ce sont des opérations extrêmement délicates… Tous les ordres ont été traduits comme il convenait." Après avoir cité plusieurs mesures concernant le terrorisme et la sécurité, François Hollande s’interroge : "Est-ce qu’on en a fait jamais assez ?"
Un témoignage critiqué par plusieurs avocats de la défense
Viennent ensuite les questions des parties civiles. Pour rappel, les terroristes ont mentionné plusieurs fois le nom de François Hollande au cours de l’attaque menée au Bataclan, en justifiant selon eux le massacre comme une riposte aux bombardements de la France en Irak et Syrie.
Interrogé à ce propos, l’ancien chef d’Etat répond : "Ce sont formules apprises par eux, une espèce de refrain. Quelle était l’intention du groupe qui les avait conditionnés ? Nous faire renoncer à nos interventions en Irak et en Syrie et nous attaquer parce que nous sommes la France."
Quand il y a un attentat, c'est forcément un échec. Mais combien d’attentats sont déjoués ?
"La première frappe n’interviendra que le 27 septembre. Le commando s’était organisé bien avant que je ne décide l’intervention en Syrie", débutée le 7 septembre 2015, ajoute François Hollande. "Quand il y a un attentat, c'est forcément un échec. Mais combien d’attentats sont déjoués ?", répond l’ancien président, quand Me Delas, l'avocat de LifeforParis, le questionne vis-à-vis de possibles "trous dans la raquette des services" de renseignement.
Si le témoignage de l’ancien chef d’Etat a débuté peu avant 16h, la journée d’audience avait commencé par un long débat entre les avocats de la défense et ceux des parties civiles. Du côté de la défense, certains conseils avaient demandé à la cour de s’opposer au témoignage de François Hollande mais aussi (entre autres) du politologue Gilles Kepel, craignant parfois "une tribune politique", une "instrumentalisation", et un "spectacle" devant journalistes, bien plus nombreux ce mercredi que lors des précédentes journées d’audience. Une demande d’opposition finalement rejetée.