Le verdict du plus long procès pour une affaire criminelle depuis la Seconde Guerre mondiale doit être rendu ce mercredi. Retour sur les principaux points à retenir des dix mois d'audiences d'un procès historique.
Il est un peu plus de 12h30 le mercredi 8 septembre 2021. Le procès des attentats du 13 novembre 2015 s’ouvre devant la cour d’assises spéciale de Paris, présidée par Jean-Louis Périès, 65 ans. Un procès historique, hors-norme qui débute six ans après la nuit d’horreur du 13 novembre 2015. En Seine-Saint-Denis, au stade de France, et à Paris, au Bataclan et sur des terrasses du Xe arr., 130 personnes perdent la vie.
Ce procès va durer près de dix mois, et voir passer 350 avocats, 2579 parties civiles, le tout dans une salle temporaire et inédite, entièrement construite pour l’occasion.
Une organisation qui a de quoi donner le vertige. "Cela repose la question qu’on se pose tous en permanence, nous, victimes, de se dire quelle peut être notre place individuelle dans quelque chose d’aussi gigantesque", confiait le président de l’association de victimes et de familles de victimes du 13-Novembre "Life for Paris", Arthur Dénouveaux dès le jour d’ouverture du procès.
"Décédé dans mes bras"
Sept semaines durant, les victimes et familles endeuillées se succèdent à la barre. Elles témoignent, parlent, se libèrent. Les larmes sont là, mais aussi, parfois, un sentiment de culpabilité. C’est le cas d’Helen. Elle était au Bataclan ce soir-là. Le 21 octobre, elle raconte, au micro de France 3 Paris Île-de-France, cette nuit d’horreur. "C’est Nick qui m’a attrapée et jetée par terre. Il a pris une balle à ce moment-là. Une balle qui était pour moi. J’ai essayé de le réanimer mais je n’ai pas réussi."
Nous avons avancé vers ces portes avec l’idée qu’on ne les franchirait peut-être jamais au retour.
Commissaire de la BAC
Les policiers aussi sont appelés à la barre pour témoigner. Ils décrivent les scènes de crime. L’un d’eux, un enquêteur, confie : "Je ne peux qualifier ces choses. Je peux seulement vous dire qu’une victime a été traversée par 36 balles. Une autre 22. Une autre encore 14". Le commissaire de la BAC (brigade anticriminalité) fait le récit de son entrée dans le Bataclan. "Nous avons avancé vers ces portes avec l’idée qu’on ne les franchirait peut-être jamais au retour". "On doit notre vie au commissaire de la BAC et à son équipier", nous raconte Bruno Poncet, rescapé du Bataclan.
L’ami qui m’accompagnait est décédé dans mes bras. Ce sang, je sais à qui il appartient.
Marie, rescapée du Bataclan
Ce procès, c’est aussi celui des images et des sons des attentats. Les draps de couleur qui recouvrent les cadavres éparpillés autour des terrasses, les rafales de kalachnikov, ou encore les traces de sang dans la fosse du Bataclan.
Le 1er avril 2022, Marie, rescapée de la salle de spectacle témoigne à notre micro. "L’ami qui m’accompagnait est décédé dans mes bras. Ce sang, je sais à qui il appartient." "Pour nous qui avons perdu nos enfants, c’est extrêmement pénible. On est profondément triste. Mais c’est aussi une manière de vivre, et de mieux comprendre", indique le même jour Philippe Duperron, président de l’association "13Onze15 Fraternité-Vérité", qui s’est constituée partie civile.
"Surprise"
Dans ce procès, un nom revient en permanence. Celui de Salah Abdeslam. Français de 32 ans. Principal personnage de l’affaire et seul survivant du commando du 13-Novembre.
Mutique depuis six ans, Salah Abdeslam a décidé de parler, mais quand il veut et à qui il veut. Insolant, provocateur, il use de son droit au silence au moment d’aborder le 13-Novembre.
Il faut attendre son ultime interrogatoire sur trois jours pour que la parole revienne. Il livre sa vérité, et verse quelques larmes. "Cela s’est terminé par le fait qu’il a demandé pardon formellement, ce qui est une surprise", explique à notre micro le 15 avril, Georges Salines, père de Lola, tuée au Bataclan.
Réquisitoires, dernières paroles…
Le 10 juin, dans l’après-midi, les avocats généraux exposent leur réquisitoires. Pour Salah Abdeslam, ils requièrent la perpétuité avec une peine de sûreté incompressible. Une peine rarissime qui rend très infime la possibilité d'un aménagement de peine.
Le lundi 27 juin, après deux semaines consacrées aux plaidoiries de la défense, la parole est donnée une toute dernière fois aux accusés. Un moment clé. Dernier à s'exprimer devant la cour lundi, Salah Abdeslam a rappelé aux juges que c'était "avec l'épée du parquet sur le cou" qu'il prenait la parole.
Ajoutant : "L'opinion publique dit que j'étais sur les terrasses avec une kalachnikov à tirer sur les gens. L'opinion publique pense que j'étais au Bataclan et que j'ai tué des gens. Vous savez que la vérité est à l'opposé", a affirmé d'une voix posée le Français de 32 ans. "J'ai fait des erreurs, c'est vrai, mais je ne suis pas un assassin, je ne suis pas un tueur. Si vous me condamnez pour assassinats, vous commettrez une injustice", a-t-il lancé.
Verdict attendu ce mercredi
Depuis lundi, la cour s'est retirée dans un lieu tenu secret pour délibérer. Elle doit rendre son verdict mercredi en fin de journée. La fin d'un procès hors-norme.
De leur côté, les victimes, leurs familles et les associations se préparent à "l’après-procès".
Retour en images sur les temps forts du procès avec Laurence Barbry et Louise Simondet