Procès du 13-Novembre. "Soulagement", "sentiment de justice", "peur du vide"... Les réactions suite au verdict

Alors que la cour d'assises spéciale a rendu son verdict mercredi, comment réagissent les parties civiles, les associations et les différents avocats face aux peines prononcées et à la conclusion du procès ?

Suite à 10 longs mois d'audiences et près de six ans après les attentats, l’attente était interminable pour certains. Salah Abdeslam, le seul membre encore en vie des commandos qui ont fait 130 morts le 13 novembre 2015, a été condamné mercredi à la réclusion criminelle à perpétuité incompressible, soit la peine la plus lourde du code pénal. Au sein du palais de justice historique de Paris sur l’île de la Cité, la salle d'audience n'avait jamais été aussi pleine, avec une ambiance électrique et une forte émotion parmi les rescapés et proches de victimes.

"Les peines sont assez lourdes… Ils ne sortiront pas tout de suite de prison. On va savourer, je ressens beaucoup de soulagement", estime Sophie, les larmes aux yeux. "Dix mois de procès, ça aide à se reconstruire. C'est fini, ça va faire un vide", résume cette rescapée du Bataclan. Au-delà du cas de Salah Abdeslam, les autres accusés se sont vus infliger des peines allant de deux ans de prison à la perpétuité, avec période de sûreté pour certains et incompressible pour d'autres. Les trois accusés qui comparaissaient libres, condamnés à des peines de prison mais sans mandat de dépôt, sont ressortis libres.

"Je sens que j'ai grandi. C'est important de voir que la justice a été rendue. C'était nécessaire. C'est un moment un peu flottant, comme si on claquait une grande porte ferrée", réagit David Fritz, qui a également survécu à l’attaque au sein de la salle de spectacle.

"C'est un vrai soulagement d'en avoir fini avec le procès. Je suis venu quasi tous les jours. Ça n'a pas toujours été facile. Il y a une peur du vide aujourd'hui mais il est temps d'en sortir", raconte un autre rescapé du Bataclan, Bruno Poncet. "J'ai mis six ans à sortir du Bataclan. Je viens d'y passer dix mois. J'ai même été dans des recoins où je ne voulais pas mettre les pieds. Je pense vraiment qu'aujourd'hui, moi, je n'ai qu'une envie, c'est d'en sortir définitivement. Lundi, je retourne au travail. Je pense qu'il va falloir de longues semaines pour redescendre un peu, avancer pour un peu vivre les choses et analyser ce que je viens de vivre. Mais vraiment, il y a un besoin de retourner à un quotidien normal", raconte-t-il.

"Certaines peines peuvent paraître un peu lourdes. Je me pose la question de nos prisons qui sont déjà surchargées. J'ai peur qu'on crée des monstres", s’interroge-t-il par ailleurs. "On sort grandi de ce procès. Si on avait répondu comme les Américains, avec un Guantanamo français, on aurait tout perdu", juge tout de même le rescapé.

"Il n'y a pas eu un écrasement de tout par l'émotion suscitée par nos témoignages"

Pour ce qui est des associations de victimes, Philippe Duperron, président de 13Onze15, estime que la "réparation" des victimes "consistait essentiellement dans la tenue du procès, la possibilité offerte de s'exprimer, de déposer leur douleur et leur souffrance". "Maintenant, ceci dépend de chaque individu, certains avaient besoin de cette peine" de prison, ajoute-t-il.

Le verdict est "la preuve qu'il n'y a pas eu un écrasement de tout par l'émotion suscitée par nos témoignages", réagit Arthur Dénouveaux, président de Life for Paris, dans un entretien à franceinfo. D’après lui, la peine prononcée à l'encontre de Salah Abdeslam est "un résumé de l'immense gâchis qu'est le terrorisme". Il estime également que pour la "société française", il reste "un devoir d'inventaire" à faire parce que l'on "vit dans la peur" qui "nous fait prendre des décisions qui sont néfastes pour l'avenir".

Comme beaucoup, Marie-Claude Desjeux, présidente de la Fenvac (Fédération nationale des victimes d'attentats et d'accidents collectifs), exprime "un soulagement" : "A la fois parce que toutes ces victimes, elles attendaient des peines sévères. Et on s'est posé beaucoup de questions, on a évolué au fur et à mesure de ces dix mois d'audience. Donc les impressions que l'on a, en tous les cas, les réflexions que j'ai entendues, celles de beaucoup de victimes, c'est qu'elles ont un sentiment de justice aujourd'hui."

Toujours du côté des victimes et leurs proches, Me Catherine Szwarc, avocate de partie civile, salue aussi le verdict. "Tous les accusés qui ont été déclarés coupables et bien ils sont coupables de l'intégralité de la scène de crime qui est constituée par les trois lieux : le Stade de France, les terrasses quelles qu'elles soient et le Bataclan. Donc ce ne sont plus les attentats du Bataclan, ce n'est plus l'attentat du Bataclan, ce sont vraiment les attentats du 13-Novembre, avec une seule scène de crime et des victimes qui sont toutes aussi légitimes les unes que les autres", analyse-t-elle.

"La perpétuité, c'est éteindre la lumière, c'est éteindre l'espoir"

Parmi les avocats de la défense, les réactions varient. "La cour pour la plupart des accusés n’a pas suivi les réquisitoires, et ça je pense que c’est une chose qu’il faut absolument souligner et à laquelle il faut rendre hommage parce que les réquisitoires ont été sans nuance, extrêmement sévères et encore une fois la cour a fait la part des choses, et ça ça signifie que l’œuvre de justice a été accompli, et il faut le souligner, encore une fois" affirme Me Isa Gultaslar, avocat de Sofien Ayari, condamné à 30 ans de réclusion avec une période de sûreté des deux tiers.

"Ce n’est pas parce qu’effectivement on a autant de douleur, de sang et d'innombrables victimes - 130 de morts et des centaines et centaines de blessés - que ces individus qui ont comparu avec ces charges-là étaient tous des monstres et étaient tous dénués d’humanité", estime Me Xavier Nogueras, avocat de Mohamed Amri, condamné à 8 ans de prison. Et d’ajouter : "Je pense que les réponses qui ont été apportées, la réponse judiciaire qui a été apportée, cette individualisation, et bien elle leur rappelle un petit peu cette humanité sur ces bancs des accusés."

Me Marie Violleau, avocate de Mohamed Abrini, condamné à la perpétuité avec 22 ans de sûreté, déclare quant à elle dans un entretien à franceinfo que "la perpétuité, c'est éteindre la lumière, c'est éteindre l'espoir". "Ça reste une perpétuité, une peine de perpétuité, ce n'est pas rien, c'est extrêmement lourd, c'est compliqué à encaisser pour celui qui est dans le box et pour ses avocats aussi", commente l’avocate. Son client a été reconnu coupable de complicité de meurtres et tentatives de meurtres.

Salah Abdeslam fera-t-il appel ?

Les deux avocats de Salah Abdeslam, invités de France Inter ce jeudi matin, ont déclaré ne pas pouvoir "se satisfaire de cette décision", ne souhaitant pas "réagir à chaud" et "être dans l'effet d'annonce" sur la possibilité de faire appel ou non.

"On a un délai de 10 jours, on va l'exploiter, on va prendre le temps d'en discuter avec le principal intéressé et évidemment, qu'en dernier lieu, c'est une décision qui lui revient", indique Me Martin Vettes, estimant la condamnation "pas conforme à la justice". "Salah Abdeslam écope de la même peine, de la même manière, dans les mêmes termes, qu'Oussama Atar qui est le commanditaire du 13-Novembre, celui qui dès la fin de 2014 a pensé les attentats du 13 novembre, les a conceptualisés, les a organisés pendant près d'un an", ajoute l'avocat.

"Ce procès était extrêmement important, extrêmement émouvant, bouleversant, néanmoins on ne peut pas cacher une déception de voir qu'il y a eu, je pense, quelque chose d'un peu étrange dans l'application du droit", résume Me Olivia Ronen, également avocate de Salah Abdeslam. "On propose de condamner une personne dont on sait qu'elle n'était pas au Bataclan comme si elle y était", dénonce-t-elle.

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