Scènes : Le Montespan ou le plus grand cervidé cornu de l'Histoire de France

Quelle bonne idée, en cette année de célébration de Molière, que d'adapter sur la scène du Théâtre de la Huchette le roman historique de Jean Teulé : "Le Montespan, l'histoire du plus célèbre cocu de France" Une intrigue sur l’envers du décor flamboyant du roi Soleil à travers le portrait de celui d'un empêcheur de tourner en rond qui va tenter par tous les moyens de lui faire de l'ombre : l’époux révolté de la seconde favorite officielle de Louis XIV.

Il y a 500 naissait Jean-Baptiste Poquelin devenu Molière et l'auteur favori du jeune Louis XIV. Et c'est un 28 janvier 1663 en l'église Saint-Sulpice à Paris que se mariaient Louis-Henri de Pardaillan de Gondrin et Françoise de Rochechouart de Mortemart. Pour sacrifier à la mode de l'antiquité, elle se fait appeler Athénaïs et le nom que l'histoire de France a retenu est Marquise de Montespan, favorite du roi qui exerça à la cour un trafic d'influence sans pareille.

Versailles est un pays effroyable et il n'y a pas de tête qui n'y tourne. La cour change les meilleurs.

Madame de Montespan à son mari

Mais l'histoire n'a pas retenu le nom de cet hobereau privé de son épouse par le Roi, jusqu'à ce qu'en 2008 l'écrivain Jean Teulé le transforme en cocu magnifique amoureux de sa femme, chose rare à l'époque. De celle « qu’on n’aime qu’une fois dans une vie ». Mais aussi les amours du monarque Louis XIV pour la jeune Mme de Montespan - amours que l’époux bafoué refuse d’accepter et dénonce avec véhémence dès qu’il en a l’occasion. Son livre enlevé, sidérant, tendre et amer parfois, est désormais à découvrir pour la première fois sur scène, au Théâtre de la Huchette, dans une adaptation endiablée signée Salomé Villiers.

Les Montespan, un couple extraordinaire

Quatre ans plus tôt, le 28 janvier 1663, en l'église Saint-Sulpice à Paris, Louis-Henri de Pardaillan de Gondrin, marquis de Montespan, a épousé Françoise de Rochechouart de Mortemart. Une union placée sous le signe de l’amour, ce qui n’était pas très fréquent dans le milieu de l’aristocratie à l’époque. Une union marquée aussi par les difficultés financières, liées au nécessaire train de vie dispendieux que se doit de mener tout aristocrate qui fréquente les cercles qui gravitent autour de la cour royale.

Que d'histoires parce que le roi aime à se rôtir le balai dans ma fille.

Le duc de Mortemart, beau-père de Montespan

La belle Françoise se fait appeler Athénaïs et les charmes de ses bons mots vont rapidement attirer l’attention de Louis XIV. Elle va ainsi remplacer la première favorite du roi et exercer à la cour un rôle d’influence sans pareille, avant d’entrer à son tour en disgrâce et d’être remplacée par Mme de Maintenon - que Louis XIV épousera secrètement après la mort de la reine.

L’Histoire a laissé dans l’ombre le mari d’Athénaïs. En 2008, l'écrivain Jean Teulé en fait le personnage principal de son roman. Les lecteurs y découvrent le portrait d’un cocu magnifique, amoureux de sa femme, envers et contre le roi. Le roman obtient un grand succès et s'est vendu à plus de 500 000 exemplaires.

Jean Teulé confiait à l’époque :

C’est par hasard que j’ai découvert la vie du marquis de Montespan totalement méprisé à son époque et oublié. Un noble qui refusait l’honneur suprême – et la richesse qui allait avec – d’accepter avec le sourire que sa femme soit la favorite de Louis XIV. C’était incroyable à la cour.

Jean Teulé, écrivain

Son récit, enlevé, sidérant, tendre - et amer parfois - est désormais à découvrir sur scène, au Théâtre de la Huchette, dans une adaptation endiablée signée Salomé Villiers.

Louis-Henri de Pardaillan, marquis de Montespan, « époux séparé quoique inséparable »

Ce spectacle, comme le roman qu’il adapte, est centré sur le refus du Marquis de Montespan d'abandonner sa femme au monarque en échange d'avantages pécuniaires. Ce gascon fiévreux en aurait pourtant bien besoin, lui qui, croulant sous les dettes, se retrouve ruiné. Il a cherché par des éclats guerriers à retrouver une santé financière en tentant d’attirer sur lui le regard de Louis XIV. En vain. C’est son épouse que le roi Soleil va décider d’illuminer.

"Les cornes poussent à la tête du marquis." Montespan devrait se sentir flatté, comme tout bon courtisan, et courber le dos en attendant que le roi se lasse de sa nouvelle conquête amoureuse. Il va au contraire se révolter contre l’arbitraire d’un souverain qui ne respecte pas le sacrement du mariage et qui bafoue ainsi l’honneur de ses sujets. Une révolte bien solitaire toutefois, car elle provoque l'hilarité à Versailles, à Saint-Germain et dans les salons mondains du Marais. "J'ai proposé au roi les services de ma propre épouse mais, hélas, elle ne lui plaît guère." Molière dans le dénouement d’Amphitryon se fait l’écho de cet esprit de galanterie mondaine qui autorise le roi à se placer au-dessus des lois morales dictées par la religion :

Un partage avec Jupiter N’a rien du tout qui déshonore ; Et sans doute il ne peut être que glorieux De se voir le rival du souverain des dieux.

Extrait d'Amphitryon de Molière

Dans sa fronde, Louis-Henri de Pardaillan a le sens du spectacle. Puisqu’il fait rire à ses dépens, il n’hésite pas à adopter un comportement ouvertement effronté. Il débarque ainsi à la Cour dans un carrosse drapé de noir et surmonté d’immenses ramures de cerf pour proclamer son cocuage. Il va jusqu’à traiter le roi de « canaille » et entend le contaminer par la petite vérole qu’il souhaite ardemment attraper en fréquentant les prostituées. Sa recherche du scandale le conduit à l’exil forcé sur ses terres. Il ne reverra plus jamais Athénaïs. Qu’à cela ne tienne, dernier panache lors de l’écriture de son testament : il reconnait comme ses propres enfants légitimes les enfants adultérins que Louis XIV a conçus avec Athénaïs et signe d’une formule insolente « Montespan, époux séparé quoique inséparable ».

"Quel est ce doigt qui n'a pas d'ongle ?" Madame de Montespan

Dans son adaptation, Salomé Villiers a su insufflé à ce personnage la verve qui le caractérise dans le roman de Jean Teulé. Les bons mots pleuvent et rendent hommage à l’écriture savoureuse qui marque le roman. L’acteur Simon Larvaron s’empare de ce langage fleuri qui nourrit le texte de la pièce et parvient à rendre attachant ce marquis cocufié dont il endosse le costume.

A ses côtés, une Athénaïs jouée par Salomé Villiers elle-même. Un rôle qui met en lumière la complexité d’un personnage présenté comme partagé entre son amour fulgurant pour le marquis de Montespan et son désir de se frayer une place au soleil à la cour de France. La Montespan brûle d’appartenir à ce monde qu’elle fréquente dans un premier temps par nécessité financière ; mais elle va s’y consumer peu à peu, en s’adonnant à la magie noire dans l’espoir de continuer à régner sur le coeur du monarque qui l’a élue première femme du royaume.

Auprès de ce duo flamboyant, un acteur caméléon : Michaël Hirsch. Mention spéciale aux multiples facettes de ce comédien, également humoriste à la radio et sur les réseaux sociaux. Il accomplit avec brio la lourde charge de condenser sur ses épaules la vingtaine de personnages qui apparaissent tout au long de la pièce. Sa première apparition donne le ton : son corps masqué par le rideau de scène, il alterne montées et descentes pour présenter aux spectateurs son visage grimé, portrait caricaturé du lieutenant de police Gabriel Nicolas de la Reynie. L’acmé comique de ses transformations : le jeune roi d’Espagne, auprès duquel Montespan va chercher refuge - un benêt qui déclenche des fous rires interminables dans la salle.

Le Grand Siècle mis en scène de manière endiablée

La réussite de cette adaptation tient également à la mise en scène. Le comédien Etienne Launay signe ici avec talent une nouvelle expérience dans cette fonction. Le fil conducteur de ses choix : "C’est dans la pure tradition des tréteaux que j’ai souhaité mettre en scène cette épopée fantastique. Comme Molière à son époque, j’ai imaginé une troupe de comédiens allant de place en place, dépliant son décor, allumant les bougies, et racontant la folle histoire du Marquis de Montespan. L’acteur devient conteur et redevient personnage dans un rythme vif accompagnant le spectateur au fil de l’action."

Il parvient ainsi à relever le défi de taille inscrit dans la structure du roman de Jean Teulé : faire rentrer 44 années, 21 lieux et 26 personnages dans une heure trente de spectacle et un espace scénique minuscule. Décors en tulle, projections, jeux sur les ombres, le clair obscur. Le tout amplifié par les musiques de Lully, pour donner l’illusion de participer à la comédie de ce Grand Siècle.

A vous maintenant de vous frayer un chemin dans la foisonnante intrigue savoureusement hilarante. On ne dévoilera pas davantage les multiples rebondissements de de ce grand spectacle sur un personnage historique hors du commun tombé dans les oubliettes de la grande Histoire. Réjouissons nous, bonheur le livre de Jean Teulé est à découvrir sans tarder pour la première fois sur la scène du théâtre de la Huchette.

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