Les meilleurs internationaux du MMA se sont donnés rendez-vous ce samedi à Paris. Une consécration pour un sport, à la réputation sulfureuse, qui lutte depuis une vingtaine d'années pour sa reconnaissance. Grégory Bouchlaghem, pratiquant le MMA depuis les années 90, nous raconte les étapes de sa lente éclosion.
Dans sa salle du Maccabi Martial Arts située dans le 10e arrondissement de Paris, le ton est rapidement donné. Avec son sourire et sa voix qui porte, Grégory Bouchlaghem donne des directives à ses différents élèves. Si certains tapent le sac à coups de poings et de pieds, d'autres perfectionnent leur technique de judo au sol.
Ce professeur d'arts martiaux propose des cours de MMA. Comprenez Mixed Martial Arts, que l'on peut traduire en français par 'arts martiaux mixtes'. Il s'agit d'un sport de combat mêlant la boxe, la lutte, le jiujitsu et le judo ainsi que d'autres styles de combat issus du monde entier et qui se déroule en cage. "C'est une discipline qui va droit au but, dans lequel on cherche le meilleur style pour faire plier son adversaire", explique l'enseignant.
Un sport longtemps interdit en France
Longtemps décrié en France, le MMA va vivre ce samedi le plus grand événement de son histoire en France. En effet, l'UFC, ligue américaine qui réunit les meilleurs combattants du monde, organise pour la première fois une soirée sur le sol de l'Hexagone. Celle-ci se tient à l'AccorHotels Arena de Paris deux ans après la légalisation du MMA en 2020. Le Français Ciryl Gane est en tête d'affiche.
La France a été l'un des derniers pays à bannir officiellement les combats professionnels de cette discipline. Pour justifier l'interdiction, les autorités françaises s'étaient appuyées sur une recommandation du Conseil de l'Europe datant de 1999 qui estimait que "la lutte en cage", constituait "un danger pour les spectateurs" et "compromettait la santé des combattants". L'instance européenne avançait également que "la violence et les actes barbares et sauvages commis au nom du sport sont dénués de valeur sociale dans une société civilisée qui respecte les droits de l'homme".
"Notre discipline a longtemps été perçue comme un sport de fous "
C'est au milieu des années 1990 que Grégory Bouchlaghem découvre par le biais de cassettes vidéo, le MMA. "La première soirée de l'histoire de l'UFC faisait s'opposer huit combattants tous différents en termes de style et avait pour but de déterminer qui était le meilleur, entre un boxeur et un pratiquant de jujitsu par exemple. Avec des amis, on s'échangeait les cassettes, mais cela restait un sport de niche". La perspective d'un sport de combat encourageant la polyvalence plaît à celui qui s'essaye d'abord au karaté à 17 ans avant de pratiquer le jujitsu quelques années plus tard.
"J'aimais beaucoup ce type d'affrontement, car cela me rappelait les combats des héros de dessins animés que je regardais. Comprendre que je pouvais dominer mon adversaire en utilisant des techniques complètements différents des siennes, représentait quelque chose de nouveau pour moi", se souvient-il. Avec la lutte et le kickboxing, il poursuit sa diversification technique et découvre la scène amateure du MMA à l'étranger.
Si aux États-Unis, le sport en est à ses balbutiements, mais gagne peu à peu en popularité, en France, les aficionados et les pratiquants souffrent d'une image peu reluisante. "On était perçus comme des fous pratiquant un sport ultraviolent. C'est en partie vrai, car le fait de s'enfermer dans une cage pour recevoir des coups et subir des clés de bras n'est pas commun", sourit Grégory Bouchlaghem.
Pour passer professionnel, il s'expatrie au Japon où il dispute 9 combats professionnels au cours des années 2000. Un an plus tard, il devient notamment le premier français à battre un combattant ayant exercé à l'UFC. Au travers de ces joutes, le combattant gagne en confiance. "Lorsque j'étais adolescent, j'étais timide et avait du mal à m'affirmer, les combats m'ont permis de m'émanciper", livre-t-il.
"Le MMA est entré dans l'ère du temps car les règles sont devenues de plus en plus sécuritaires "
En parallèle, il démarre à 21 ans une carrière d'enseignant d'arts martiaux, l'un des premiers pour le MMA en France. "Ce qui plait aux gens, c'est d'abord ce côté défouloir. Ensuite, ils s'intéressent aux techniques propres aux différents styles", explique le professeur de 44 ans aujourd'hui.
Après des débuts difficiles pour son sport en termes d'image, il note durant les années 2010 une montée en flèche de la popularité du MMA. "C'est entré dans l'ère du temps, car les combats de l'UFC ont commencé à circuler de plus en plus sur Internet et les règles sont devenues de plus en plus sécuritaires, ce qui a rendu son acceptation plus simple auprès du grand public. "
C'est avec cet objectif de transmission de savoirs qu'il s'associe en 2013 au magazine Karaté Bushido pour tourner des vidéos Youtube sur l'univers du MMA. Certaines vidéo dépasseront le million de vues. On le voit affronter, lors de combats d'entraînement, des spécialistes de différents arts martiaux. Des techniques de self défense sont aussi visibles. "C'est important de montrer aux gens qu'à travers le MMA, on peut se sortir de situations périlleuses de différentes manières. Que ce n'est pas qu'un sport de combat violent", indique-t-il.
Concernant l'UFC en France, le professeur note que "cela reflète la popularité grandissante de ce sport chez nous et c'est une bonne nouvelle. Le MMA finira par supplanter les autres arts martiaux et séduira de plus en plus de jeunes", anticipe-t-il.
Aujourd'hui, l'UFC revendique 3,8 millions de fans en France, ce qui en fait "le deuxième pays le plus important en Europe sur les réseaux sociaux" de l'organisation.
L'UFC Paris est aujourd'hui un des événements sportifs les plus attendus de l'année. L'intégralité des 15 000 places mises en vente a toute été vendue en l'espace de 20 minutes. Samedi, en cas de victoire de Cyril Gane, l'un des meilleurs Français, l'UFC Paris pourrait devenir un des principaux rendez-vous du MMA en France.