Théâtre : deux bouffées d'oxygène pour rire masqué

Est-il possible de continuer à aller au théâtre comme avant ? Certains affirment que l'art nait de contraintes. De nouveau, les artistes nous prouvent qu'ils sont capables de s'adapter aux drôles de périodes. Voici deux spectacles taillés pour rentrer à l'heure : Album de Famille et Camille Chamoux.

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Comme de nombreux théâtres, le Studio Hébertot annonce la couleur dès sa page d'accueil : "Nos spectacles durent 1h15, vous êtes donc assuré(s) de quitter le Studio 45 minutes avant le couvre-feu." A l'affiche cette semaine pas moins de neuf propositions très variées : pour la famille avec Aladin La prophétie ; pour les amateurs de Brassens au féminin avec Contrebrassens ; pour ceux qui préfèrent les textes classiques de Saint-Augustin "Qu'est-ce que le temps". Nous avons choisi une comédie chantée par la Compagnie du Sans-Souci. Une jeune troupe que nous avions découvert le temps d'une série dans notre JT il y a 3 ans déjà, avec à l'affiche une des révélations d'Avignon : Carnet de notes, une ode salutaire aux profs et à ce qu'ils nous apportent pour nous permettre de se construire. Cette fois-ci le spectacle proposé est la reprise de la pièce qui les avait fait connaitre à Paris comme dans toute la France : Album de famille. L'occasion de poser trois questions à Isabelle Turschwell, la metteuse en scène et comédienne de cette comédie chantée - comprenez un récit construit autour de chansons très connues ou beaucoup moins. 

  • Vous reprenez au Studio Hébertot votre spectacle Album de famille dans une période particulière : le couvre-feu. Avez-vous été obligée de raccourcir le spectacle ? Si oui, comment avez-vous fait vos choix ?
Non, nous n'avons pas eu besoin de raccourcir le spectacle car il dure 1h15. En revanche nous faisions avant le couvre feu un rappel dans le hall du théâtre avec la chanson de Brassens "Maman, Papa", ce qui nous permettait aussi d'échanger avec le public. Ce n'est, hélas, plus possible... 
  • De Jacques Brel à Richard Antony, des Fatals Picards à Didier Bénureau, les chansons qui composent la trame narrative de ce spectacle sont très éclectiques. Pourquoi ces choix-là pour parler de la famille ?
Nous avons avec Mariline Gourdon Devaud et Lauri Lupi (le co-metteur en scène) répertorié plus de 100 chansons sur le thème de la famille, le choix étant, en priorité, le texte. Puis avec Lauri, nous avons fini par en extraire une bonne vingtaine et avons construit l'histoire de cette famille "classique", le père, la mère, le fils, la fille. Nous avons souhaité raconter cette histoire de façon chronologique sur une trentaine d'années. Il y avait, bien entendu, les chansons incontournables, celles que nous voulions absolument inclure comme "Le petit garçon" de Reggiani (qui a bercé mon enfance), ou "La famille" de Michel Jonasz. Se sont imposées également des chansons d'auteurs beaucoup moins connus comme David Sire ("Le zoo") ou Philippe Lars ("Le tango des familles"). Nous désirions par dessus tout que les quatre personnages aient suffisamment à défendre, repartir les chansons de façon équilibrée. Les choix se sont donc naturellement imposés. 
  • Le spectacle a obtenu un Devos d'or et un succès public à travers toutes la France. Comme pour le suivant Carnet de notes, quel plaisir trouvez-vous à vous ré-approprier des chansons existantes, connues ou pas, et de jouer avec le sous texte ?
Il est vrai que j'éprouve énormément de plaisir avec mes complices et partenaires à chercher des chansons et à trouver comment les agencer afin de construire une histoire cohérente. Se ré-approprier les paroles et parvenir à créer un dialogue entre deux, trois, jusqu'à sept personnages pour Carnet de Notes, est ce qui m'enthousiasme! Trouver la liberté dans la contrainte de texte. Souvent le public pense que les chansons sont des créations et non des reprises, c'est probablement que le défi que nous nous donnons est relevé et que l'histoire passe au premier plan. Nous souhaitons, avec nos spectacles, raconter des tranches de vie ( sur la famille pour "Album..." ou sur l'école pour "Carnet de Notes"), en nous appuyant sur la richesse de la chanson française.  Au théâtre du Petit Saint-Martin, la durée du spectacle est garantie sur l'affiche : Le temps de vivre, un exposé sur la finitude en 70 minutes pile. Camille Chamoux en fait d'entrer de jeu un running gag avec son régisseur Rico. Ce dernier aurait, parait-il, un chien incontinent qu'il est obligé d'emmener uriner à heure fixe. Et puis, comme elle le dit, elle aussi préfère les spectacles et les films de moins de deux heures : "c'est bien moins cher coté parking pour le stationnement de la voiture ou pour le baby-sitting". Pendant plusieurs mois, le théâtre de la Porte Saint-Martin à Paris n'a pas désempli avec son précédent spectacle Née sous Giscard avec déjà une affiche que l'on n'oublie pas : Camille Chamoux, candidate en maillot de bain une pièce et diadème sur la tête, pour une campagne électorale. Avec ce nouveau spectacle, la comédienne prend "Le Temps de Vivre" en nous expliquant la différence essentielle entre l'obsession du chronomètre et la sagesse d'un minuteur, entre Proust et Epicure. L'idée est simple : au lieu de courir à la recherche du temps perdu, savourons le temps qui nous reste. Comme pour son précédent spectacle, où elle nous faisait entrer dans sa chambre de jeune fille, Camille Chamoux a "la bonne idée de s'éloigner des sketches et du stand-up pour construire un spectacle en forme de comédie sociologique à un personnage et de conversation avec le public." Elle est devenue femme et mère de famille ; nous pénétrons cette fois-ci dans sa salle à manger.
Mais ce nouveau spectacle qui finit tôt implique aussi d'arriver à l'heure et même avant pour celui-ci, car vous serez récompensé par un gag bonus spécial primo arrivants. Nous ne divulgacherons pas davantage cet excellent "seule en scène", co-écrit avec la comédienne Camille Cottin (Globe de Cristal pour la série Dix pour cent) et mis en scène par l'humoriste Vincent Dedienne (Molière de l'humour pour S'il se passe quelque chose…).  Mais sachez seulement que vous en saurez plus sur l'auteur réel ou supposé de cette citation, modèle du genre pour les bacs littéraires et apprentis philosophes : "L'art nait de contraintes et meurt de liberté."

Ces deux spectacles sont également visibles en matinée le samedi ou le dimanche.
Horaires des deux spectacles
- ALBUM DE FAMILLE de la compagnie du Sans-Souci
Studio Hébertot 78 bis Boulevard des Batignolles Paris 17e
du 1er OCTOBRE au 22 NOVEMBRE 2020
​du jeudi au samedi à 19h – dimanche à 17h

- LE TEMPS DE VIVRE de Camille Chamoux
Théâtre du Petit Saint-Martin 17 rue René Boulanger Paris 10e
Mercredi, jeudi, vendredi 19h
Samedi 16h30 et 19h

 
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