Une cartographie, publiée par Airparif et Île-de-France Mobilité le 14 octobre, présente les niveaux de particules fines présentes dans les stations de métro. Outre 62 millions d'euros investis depuis 2020, plusieurs solutions sont possibles pour réduire ce danger pour les usagers.
"Nous ne sommes pas là pour donner des préconisations mais pour établir un diagnostic." Airparif est à la qualité de l'air, ce que le GIEC est au dérèglement climatique. L'organisme de surveillance vient de publier une étude qui détaille la concentration de particules fines PM10 dans stations souterraines de métro et de RER. Produite en partenariat avec Île-de-France Mobilité (IDFM), cette cartographie "inédite en France" est accessible au public (ici) depuis le 15 octobre.
Ce travail se base sur un croisement de mesures et d'hypothèses, le tout relié par une intelligence artificielle. "Les résultats ne sont donc pas tout à fait exacts mais donnent une idée assez proche de la réalité", explique Jean Baptiste Bernard, physicien spécialiste des particules fines au CNRS de Poitiers. Pour lui, c'est la "variabilité des sources" de cette pollution qui rend son évaluation tout aussi complexe que son traitement.
À Paris, treize stations de métro présentent des niveaux de concentration en particules fines supérieurs aux seuils, d'après @Airparif. Au printemps 2023, notre carte réalisée avec @vert_de_rage_F5 listait certaines stations parmi les plus polluées. https://t.co/YRrfe8CyKR pic.twitter.com/qHeRjQnZhr
— Brice Le Borgne (@BriceLeBorgne) October 15, 2024
Freinage, ventilation et fréquence du trafic
"La fréquence du trafic ou la configuration de la gare ne peuvent pas être modifiées mais il existe des facteurs importants sur lesquels on a la main", précise-t-on chez Airparif dont l'étude, même si elle ne donne pas de directive, permet de "cibler des solutions". En première ligne, la qualité du matériel de freinage qui génère le niveau le plus important de particules fines", selon Airparif. La ligne 5, en particulier, "présente un vrai problème de matériel roulant" s'alarme Jean-Baptiste Renard.
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L'aération des stations est un autre facteur déterminant. "Certaines sont très mal ventilées. Les plus profondes sont davantage sujettes au problème et à l'accumulation des particules fines", détaille le chercheur du CNRS. À la surface, "les grilles sont souvent placées au niveau des pots d'échappement des voitures", ajoute Jean-Baptiste Renard. "Il existe donc aussi une respiration passive de l'air extérieur". Sur ce point, la voix d'Airparif dissone. L'organisme avance qu'on trouve "peu de gaz polluants dans les stations".
Une autre piste de travail évoquée par Airparif est l'efficacité "des portes palières comme celles qui existent sur la ligne 14".
61 millions d'investissements depuis 2020
Six des treize stations de métros les plus polluées sont concernées par des améliorations de leur système de ventilation. "Comme à Belleville, où une solution de traitement de l’air basée sur la filtration électrostatique est en cours d’expérimentation pour 1 an, avec des résultats attendus début 2025" indique IDFM qui n'exclut pas d'étendre le dispositif en cas de succès. Des "solutions architecturales" pourraient également être trouvées comme les travaux à Saint-Michel-Notre-Dame (RER C) qui ont ouvert la station sur les quais de Seine.
Ces prises de conscience sont une très grande avancée. Mais expulser les particules à l'extérieur c'est un peu se débarrasser du problème chez le voisin.
Jean-Baptiste Renardà France 3 Paris Île-de-France
Des travaux qui s'élèvent à 61 millions d'euros hors renouvellement du matériel roulant. Sur ce point, "des semelles de frein moins émissives sont d’ores et déjà en phase d’expérimentation pour le MF01, matériel roulant des lignes 2, 5 et 9" ajoute IDFM qui indique également des tests sur les RER C et A.
Pour Jean-Baptiste Renard, ces "prises de conscience sont une très grande avancée". Reste que pour lui, expulser les particules à l'extérieur "c'est un peu se débarrasser du problème chez le voisin". Le physicien invite à travailler dans les rames où la "pollution calculée est identique à celle sur les quais". Il s'interroge : "pourquoi ne pas essayer d'arroser les stations pour accrocher les particules sur le sol comme c'est le cas en Corée du Sud ?"
Notre réaction :
— Respire Association (@respireasso) October 15, 2024
🟢 Les points positifs :
- c'est une bonne chose que ça bouge donc on se félicite qu'il y ait des études et des cartes et que la RATP arrête de nier le problème
- les choses évoluent sur le freinage avec des efforts réels de la RATP donc c'est aussi positif… https://t.co/tTLMCtVAEH
Un vrai danger pour les usagers
Devant l'Assemblée nationale mercredi 9 octobre, le PDG de la RATP Jean Castex a rappelé qu'aucune étude n'a jamais été en mesure de prouver la nocivité de l'air du métro. "Une sortie pas acceptable" pour Jean-Baptiste Renard. "Beaucoup d'articles scientifiques ont déjà prouvé le lien de causalité entre les particules fines et la mortalité du Covid" martèle le spécialiste du CNRS qui précise que leur "inhalation augmente la possibilité de développer des virus".
Par ailleurs, l'air respiré à la surface doit aussi entrer dans les calculs des niveaux maximums d'exposition recommandés par l'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) selon le physicien. "La recommandation pour une heure d'exposition dans le métro se justifie", selon Jean-Baptiste Renard, "mais elle ne prend pas en compte la pleine réalité de l'exposition d'un citadin".
Selon la cartographie, un tiers des 426 stations présenteraient des niveaux de pollutions faibles. Mais 3% des quais, uniquement situés sur les lignes 2,5 et 9, concentreraient des niveaux de particules supérieures à 480 µg/m3. Ce seuil est le taux maximal défini par l'Agence nationale de sécurité sanitaire pour une heure d'exposition.