Ce mercredi a été publiée une réédition critique et annotée du livre d’Adolf Hitler, Mein Kampf . Le texte a été retraduit et accompagné de commentaires d'historiens. Une édition nécessaire pour "comprendre l’Histoire" selon Jacques Fredj, directeur du Mémorial de la Shoah.
Un groupe d’historiens et de traducteurs spécialistes du nazisme a travaillé pendant plus de dix ans sur une réédition critique, analytique et annotée du texte de Mein Kampf, ouvrage qu’Adolf Hitler écrit durant son incarcération, après l’échec de son coup d'État en 1923. Le livre, dont la réédition, Historiciser le Mal est parue ce mercredi aux Editions Fayard contient des éléments autobiographiques du dictateur allemand et il y détaille également des éléments de son projet politique pour l’Allemagne. "Hitler écrit Mein Kampf entre 1924 et 1925 lorsqu’il est en prison à Landsberg, c’est une sorte de profession de foi qui est écrite dans un certain contexte", précise Jacques Fredj, directeur du Mémorial de la Shoah à Paris.
Il était donc fondamental qu’on ait une nouvelle traduction plus professionnelle, moins orientée , qui plus est, accompagnée d’un travail critique de la part d’historiens pour replacer l’ouvrage dans son contexte historique
Sur ces éléments de contexte, l’historien explique: "Dans ce livre Hitler règle notamment ses comptes avec l’extrême droite allemande de l’époque, l’ouvrage regorge d’éléments tout à fait incompréhensibles pour un public français d’où l’importance d’une réédition accompagnée d’un discours historien presque 100 ans après" . Le spécialiste appuie ses propos en rappelant que l’édition de Mein Kampf dont les historiens disposaient en France jusqu’alors était une édition datant de 1934, "très orientée idéologiquement et dont la maison d’édition souhaitait faire la part belle au nazisme" et de poursuivre "Il était donc fondamental qu’on ait une nouvelle traduction plus professionnelle, moins orientée , qui plus est, accompagnée d’un travail critique de la part d’historiens pour replacer l’ouvrage dans son contexte historique" .
« Une réédition fondamentale pour comprendre l’idéologie nazie »
Jacques Fredj souligne également l’aspect fondamental de cette réédition en ce qu’elle facilite le travail des chercheurs. "Pour comprendre l’Histoire de la seconde guerre mondiale, il faut forcément rentrer dans les archives des bourreaux. Si l’on souhaite comprendre l’idéologie et la vision du monde nazie, il n’y a pas d’autres solutions" . Ainsi, selon lui, cette réédition critique participe à fournir de nouveaux éléments permettant de comprendre la sophistication de l’idéologie nazie, en particulier dans la mise en place de la Shoah :"Il convient donc pour les chercheurs d’avoir le maximum d’outils critiques possibles afin de pouvoir expliquer au mieux la vision du monde chez les nazis".
« La réédition ne réveillera pas l’antisémitisme en France car il est déjà présent »
Sur la question de la pertinence de rééditer Mein Kampf dans le contexte actuel, celui qui est l’auteur de plusieurs ouvrages sur l’histoire des Juifs d’Europe durant la Seconde Guerre Mondiale apporte la précision suivante "Celle-ci ne réveillera pas l’antisémitisme en France car il y est déjà présent", affirme t-il tout en apportant une nuance à son propos : "l’antisémitisme qui sévit aujourd’hui en France comme on a pu le voir à travers, entre autres, le meurtre de Sarah Halimi est d’une autre nature que celui de l’idéologie nazie".
Bien que l’historien admette une montée de l’antisémitisme ces dernières années se traduisant par des crimes à caractère antisémite, il tient à rappeler que "ce livre est le fruit de dix ans de travail et la réflexion qui en découle émane du temps des historiens qui est un temps long de l’analyse et de la réflexion ". En cela, Jacques Fredj réitère l’importance du discours historien et du travail critique sur des œuvres telles que Mein Kampf et explique que si "faire des rapprochements avec notre époque semble anachronique tant les formes de l’antisémitisme diffèrent, ces travaux critiques et analytiques peuvent donner certaines clés pour comprendre notre époque". Et ainsi de conclure "l’objectif de l’Histoire est d’enseigner le passé pour comprendre le présent".