Photos à l’appui, des élèves et des parents d’élèves dénoncent des agissements à caractère raciste. Des élèves se sont grimés le visage en noir lors d'un carnaval organisé au sein du lycée privé catholique Sainte-Céline à la Ferté-sous-Jouarre. Des plaintes ont été déposées.
Le lycée privé catholique Sainte-Céline dans la tourmente depuis l’affaire révélée par nos confrères de Libération et la diffusion de photos sur les réseaux sociaux. Le 7 mars dernier lors du carnaval organisé au sein de l’établissement, trois élèves recouvrent leur visage de peinture noire et se munissent de lances en guise de déguisement. Une élève assure qu'ils ont imité "des cris de singes". Des nombreux camarades ont été surpris et choqués par un tel accoutrement.
Ce déguisement s’apparente au "black face" une pratique qui fait référence aux "minstrel shows". Des spectacles nés dans la première partie du XIXe siècle aux Etats-Unis pendant lesquels des Blancs se noircissaient le visage dans le seul but de se moquer des Noirs. Un comportement raciste dénoncé par de nombreuses associations de lutte contre les discriminations.
Une enquête administrative et une plainte pour établir les faits
Quelles étaient les véritables raisons d'un tel déguisement ? Fallait-il dissuader les élèves de se déguiser ainsi ? Selon les témoignages les versions divergent. Des parents d'élèves ont cependant saisi le Conseil représentatif des associations noires (Cran). Selon Maître Alex Ursulet, un des avocats de la fédération d'associations, une plainte a été déposée mardi contre X pour "injures publiques à caractère racial, provocation publique à la haine raciale, discrimination".
La rectrice Julie Benetti partage l’émotion légitime suscitée par la diffusion de photos d’élèves au visage grimé en noir lors d’un carnaval de leur établissement. En lien avec la direction diocésaine, elle diligente une enquête administrative. Elle saisit aussi le procureur.
— Académie de Créteil (@AcCreteil) March 13, 2024
L'académie de Créteil a saisi la justice, et dans un post publié sur X prend l'affaire au sérieux. La ministre de l’Education, Nicole Belloubet, a également réagi.
Tout acte raciste à l’École, ou ailleurs, doit être dénoncé et sanctionné.
— Nicole Belloubet (@NBelloubet) March 13, 2024
J’ai demandé à la rectrice de l’académie de Créteil de faire immédiatement toute la lumière sur cette affaire et de prendre, sans délai, toutes les mesures nécessaires. https://t.co/eOxzE8909u
Dans un communiqué, la Direction diocésaine de l'enseignement catholique de Meaux affirme que les élèves auraient voulu "se déguiser en guerrier Massaï", elle ajoute "ces jeunes lycéens ont alors été convoqués par la direction où ils ont affirmé qu’il n’y avait aucune connotation raciste, de moquerie ou d’arrière-pensées."
Ils ont affirmé qu’il n’y avait aucune connotation raciste, de moquerie ou d’arrières pensées
Direction diocésaine de l'enseignement catholique de Meaux
La chef de l'établissement et le directeur diocésain regrettent également que la situation ait pu heurter des élèves et leur famille. "Il va de soi bien entendu que nous collaborerons activement avec les enquêteurs pour que la vérité soit faite" précisent-ils.
Le maire de la commune Ugo Pezzetta s'est déplacé dans l'établissement pour rencontrer le personnel éducatif et les élèves. Au micro de l'équipe de France 3 Île-de-France, il déclare que les élèves avaient plutôt l'intention de dénoncer le racisme et pointe les réseaux sociaux. "Les réseaux sociaux se sont emparés du sujet en ne mettant en avant que le black face, en mettant en avant des jeunes racistes alors que ce n’est pas du tout le cas. On parle de quatre jeunes qui avaient la même envie et la même nécessité de combattre le racisme." Il lance également un appel au calme, les lycéens mis en cause seraient victimes d'intimidations et de menaces.
Le procureur ouvre une enquête préliminaire
À la suite des révélations dans la presse et des plaintes déposées, le parquet de Meaux confirme l'ouverture d'une enquête préliminaire du chef de "provocation à la discrimination, à la haine ou la violence". Les investigations ont été confiées à la Brigade de recherches de Coulommiers. Les enquêteurs devront notamment établir si des cris de singes ont bien été émis.
Du côté du Cran, certains regrettent que ces affaires aboutissent peu en justice, l'un de ses membres Haïdari Nassurdine explique que "porter un dossier de black face devant un tribunal c’est se rendre compte qu’il n’y a pas de loi qui interdit cette pratique. Alors on gagne parfois parce qu’il y a des cris de singes. Il y a alors une déshumanisation qui ouvre les portes d’un racisme avéré. Mais sur le black face en lui-même il n’y a pas de loi et c’est toute notre problématique". Le Cran souhaiterait que les sanctions soient éducatives et que l'on comprenne que "se grimer en Noir n'est pas récréatif ".