A la fin du mois, une salles d'audience du tribunal de grande instance de Meaux doit être délocalisée à côté du centre de rétention administrative du Mesnil-Amelot. Avocats, magistrats et associations d'aide aux immigrés s'indignent et dénoncent "une justice d'exception".
Le centre du Mesnil-Amelot (Seine-et-Marne) est le plus important centre de rétention administrative de France. Les personnes sans-papiers y sont retenues avant d'être expulsées. Le 30 septembre prochain, une salle d'audience du Tribunal de grande instance de Meaux s'y installera, à deux pas des pistes de l'aéroport de Roissy. Dans cette salle c'est le sort des sans-papiers qui doit être décidé.
Une seconde salle d'audience, dont l'ouverture est prévue en décembre, sera accolée à la zone d'attente pour personnes en instance (zapi) de l'aéroport, où sont temporairement enfermés les passagers non admis sur le territoire français par la police aux frontières.
Auparavant ils devaient être accompagnés jusqu'à Meaux ou Bobigny pour connaître la décision du juge des libertés et de la détention.
Deux projets loin de faire l'unanimité
Pour les associations d'aide aux immigrés, d'avocats et de magistrats, ces projets bafouent plusieurs fondements du système judiciaire, comme la publicité des débats ou l'indépendance des juges.
"La justice doit être rendue au coeur de la cité, pas comme ça sur une piste d'aéroport", martèle Robert Feyler, le bâtonnier du barreau de la Seine-Saint-Denis, soutenu par le Conseil national des barreaux.
La ministre de la Justice, Christiane Taubira, a fait valoir à plusieurs reprises qu'elle ne faisait qu'exécuter une délocalisation actée sous l'ancienne majorité, qui a coûté 2,7 millions d'euros pour la seule salle de Roissy. Sans tout à fait cacher ses réticences. "Le lieu où l'on rend la justice n'est pas anodin", a-t-elle concédé cette semaine.
Selon les autorités judiciaires, ces audiences sur place "amélioreront les conditions humaines, de traitement" alors que les étrangers peuvent passer jusqu'à trois fois devant le juge en vingt jours.
"Ce n'est qu'une question de rentabilité, d'industrialisation des reconduites à la frontière", rétorque Stéphane Maugendre, qui préside l'association Gisti.
"C'est la police aux frontières qui empêche les étrangers d'entrer en France, qui les place en zone d'attente, qu'elle gère d'ailleurs. C'est elle qui demande qu'ils y soient maintenus. Le magistrat risque d'être complètement phagocyté" s'il rend justice sur place, argue-t-il.
Dans une lettre ouverte publiée le 18 juillet dernier, l'association avait déjà interpellé la Garde des Sceaux.
Pour la Ligue des droits de l'Homme et le syndicat de la magistrature, c'est une « justice d'exception, à l'écart du public ».
Une réunion doit être organisée ce mardi 17 septembre entre les chefs de la cour d'appel, les professionnels et les associations réticents au projet.
>> Le reportage de Farid Benbekaï et Philippe Aliès