Quatre lycées de Montreuil en compétition et la finale le 20 mai prochain… Depuis trois ans, le concours d’éloquence, lancé par la ville de Montreuil veut développer et renforcer les compétences oratoires des jeunes.
En avril 2019, Assia Kachkach, 18 ans, élève de terminale au lycée Jean-Jaurès remporte la finale du premier concours d’éloquence de la ville de Montreuil.
"C’est en passant dans les couloirs du lycée que j’ai vu une affiche qui annonçait qu’un concours d’éloquence était organisé dans le cadre du lycée", raconte Assia. "Quelques semaines plus tôt, j’avais vu le film de Yvan Attal 'Le brio'". "Ce film retrace l’histoire d’une jeune fille de banlieue qui fait ses études de droit à Assas et qui est confrontée à un prof raciste qui va ensuite l’aider à participer à un concours d'éloquence", explique-t-elle. "Je venais de regarder ce film génial", souligne la jeune fille, "et ça a fait tilt dans ma tête, je me suis dit que j’avais envie de tenter l’aventure, et c'est comme ça que je me suis inscrite".
On découvre beaucoup de choses sur soi.
Assia Kachkach
"J’ai senti que ma parole avait un poids"
Lors d’un atelier de préparation au concours d’éloquence, la jeune fille a eu une expérience qui l’a beaucoup marquée : "On devait préparer une plaidoirie sur l’affaire Jacqueline Sauvage, une femme victime de violences conjugales qui a tué son mari de trois coups de fusil. Lorsque je me suis levée et que j’ai pris la parole pour défendre cette femme, j’ai senti que ma parole avait un poids, que j’avais réussi à me livrer sur un thème très intime devant des gens que je ne connaissais pas et ça a été une expérience marquante et enrichissante".
Les ateliers et les master class qu'elle a suivi ensuite lui ont beaucoup appris. "J'ai appris que parler avec son cœur c’était hyper efficace, que parler de soi c’était aussi parler aux autres et qu’on était toujours fier de soi quand on avait pris la parole pour partager une opinion qu’on avait", ajoute-t-elle.
"La prise de parole c’est très important", analyse-t-elle. "On appelle ça, l'art oratoire et c’est un pouvoir, j’en suis persuadée. Savoir parler et savoir s’exprimer c’est une réelle arme et ça sert tous les jours, en fait ça sert tout le temps !", dit-elle enthousiaste.
Un concours qui se déroule en plusieurs étapes
De janvier à avril, des professeurs des lycées Jean-Jaurès, Eugénie-Cotton, Condorcet et du lycée horticole organisent, avec leurs élèves, des ateliers rhétoriques afin de les exercer à l'éloquence et à l'argumentation. Ces ateliers ont lieu à raison d'une séance de deux heures par semaine. Pour épauler les professeurs, des intervenants extérieurs sont sollicités : on trouve des acteurs, des musiciens, des comédiens ou des coachs d'expression orale.
Enfin le vendredi 20 mai 2022, ce sera le grand jour. Celui de la finale où dans un esprit ludique, les meilleurs de chaque lycée s'affronteront dans une joute verbale.
Ce qui est essentiel d’offrir, selon moi, aux jeunes gens de ce pays, c’est une formation à la rhétorique.
Clément Viktorovitch
Outre les ateliers hebdomadaires donnés dans les lycées, trois grandes leçons dites "master class" sont organisées pour faire bénéficier les lycéens de l'expérience de Clément Viktorovitch, enseignant et journaliste, rompu aux techniques oratoires.
"Ce concours est né d’une idée du maire de la ville, Patrick Bessac, qui souhaitait offrir à tous les lycéens et lycéennes de sa commune une formation à l’éloquence", explique Clément Viktorovitch, docteur en sciences politique et chroniqueur à la télévision.
"Ça fait bientôt 15 ans que je travaille sur les questions de rhétorique et d'argumentation", poursuit-il. "Et la première chose que j’ai dit au maire c’est qu’une formation à l’éloquence, c’est bien, un concours d’éloquence, c’était pas mal, mais qu’en réalité, ce qui est essentiel d’offrir, selon moi, aux jeunes gens de ce pays, c’est une formation à la rhétorique".
Éloquence et rhétorique, deux notions assez différentes
"L’éloquence c’est l’art de bien parler, de capter l’attention de son auditoire et c’est tout à fait essentiel. On sait aujourd’hui que la prise de parole est devenue une compétence professionnelle", explique l'enseignant.
Pour Clément Viktorovitch, la rhétorique est une compétence plus large : "C’est l’art d’argumenter, de défendre ses pensées, son point de vue… On forme ainsi de jeunes citoyens qui pourront participer au débat public et qui pourront faire valoir leur voix et leur contribution".
Participer au débat public, c'est justement ce que la lauréate du concours d'éloquence 2019 a fait. Elle a pris la parole lors d'un rassemblement organisée par la mairie contre la venue d'Éric Zemmour à Montreuil.
Pour défendre les idées de diversité d'acceptation de l’autre, elle s'est exprimée devant des centaines de personnes rassemblées le mercredi 9 février sur la grande place de la ville, devant la mairie. "La diversité, c’est ce qui fait que la France est ce qu’elle est et ce n'est sûrement pas un hasard si ça rime avec fraternité", déclare-t-elle avec un grand sourire.
"On m’avait demandé de prononcer un discours qui faisait écho à la situation et c’est avec plaisir que j’ai pu le faire", confie-t-elle, satisfaite.
