Dans l'affaire Théo, la cour d'assises de Seine-Saint-Denis a condamné ce vendredi soir les trois policiers à des peines allant de trois mois de prison à douze mois de prison avec sursis. En dessous des peines requises et prévues par la loi, provoquant la colère de familles de victimes de violences policières. Une victoire cependant pour Théodore Luhaka, lourdement blessé en 2017.
19h15. Après plus de neuf heures d’attente, dans une salle comble plongée dans le silence, le verdict tombe enfin. Les trois anciens policiers d'Aulnay-sous-Bois sont reconnus coupables de violences volontaires sur Théodore Luhaka, près de sept ans après l'interpellation qui l’a laissé handicapé. Marc-Antoine Castelain, l’auteur du coup de matraque à l'origine de la perforation de la zone péri anale du jeune homme, est condamné à une peine de douze mois de prison avec sursis, assortie de cinq ans d’interdiction d’exercer sur la voie publique et de port d’arme. La cour n'a cependant pas retenu la qualification criminelle, estimant que le coup de matraque n’avait pas provoqué avec certitude une infirmité permanente.
Les deux autres fonctionnaires, Jérémie Dulin et Tony Hochart écopent quant à eux de trois mois de prison avec sursis, ainsi que deux ans d’interdiction d’exercer sur la voie publique et de porter une arme. Ils étaient jugés pour des coups portés sur Théo lorsque le jeune homme était menotté au sol et ne représentait aucun danger. Des "violences illégitimes" selon la cour d'assises qui a rendu ce vendredi soir une décision en deçà des réquisitions, bien inférieure aux peines maximales prévues par la loi, entre sept à quinze ans de prison pour de telles infractions, suscitant la colère et l'incompréhension à l'extérieur de la salle d'audience."C'est une mascarade ! C'est scandaleux"
Brandissant des pancartes réclamant "du ferme" pour les policiers et des affiches représentant les visages de personnes mortes à la suite d’interventions policières, plusieurs militants ont hurlé leur dépit. "C'est une mascarade ! C'est scandaleux," crie Samia El Khalfaoui, la tante de Souheil El Khalfaoui tué en 2021 à Marseille par un policier lors d'un contrôle routier. "Ils ont été reconnus coupables sur tous les faits et ils ne prennent que du sursis alors qu’ils ont détruit la vie de Théo ! C'est révoltant !" Une amertume partagée par d'autres familles de victimes de violences policières venues en nombre à Bobigny. "Combien du temps allons-nous demander justice ? Que ce système arrête de protéger ces policiers qui ont commis des actes de barbarie ! On ne veut plus se contenter de sursis ! S’époumone Amal Bentousi, présidente du collectif "urgence contre les violences policières". Elle est la sœur d'Amine Bentousi, abattu en 2012 d'une balle dans le dos par un policier qui a été condamné à cinq ans de réclusion criminelle, avec sursis.
"C'est une décision d'apaisement"
A ce moment-là, la famille de Théodore Luhaka est encore dans la salle. Formant un cercle autour du jeune homme, s'étreignant sans un mot. De longues minutes de recueillement avant une sortie sous une salve d’applaudissements. Peinant à se frayer un chemin dans la foule, Théodore Luhaka laisse finalement son avocat s'exprimer à sa place. "C'est une décision d'apaisement que nous prenons comme une victoire, a déclaré Maitre Antoine Vey, ému. La condamnation vendredi de trois policiers pour l'interpellation violente en 2017 de Théo Luhaka, jeune homme noir érigé en symbole des violences policières, est pour nous une victoire."
Une satisfaction partagée par l'avocat du gardien de la paix de Marc-Antoine Castelain qui a salué une décision "mesurée". "C’est l’immense soulagement. Pour la première fois aux yeux de la France entière, il est établi le fait, comme il le dit depuis le premier jour, qu’il n’est pas un criminel", déclare Maitre Thibault de Montbrial. "Pour autant, la gravité de la blessure de Théodore Luhaka que personne ne conteste et pour laquelle mon client éprouve la plus grande compassion a été reconnue aussi." Son client, comme les autres policiers condamnés, ont quitté le tribunal par une porte dérobée par crainte d'être pris à partie par la foule massée dans la salle des pas perdus.
Le parquet a dix jours pour faire appel des condamnations. Avant le procès, la préfecture de police avait également fait savoir que "d’éventuelles sanctions disciplinaires seraient prononcées" à l’issue de la décision judiciaire. Le principal condamné risque la radiation.