Le verdict est attendu ce soir dans l'affaire Théo. La fin d'un procès de neuf jours dans lequel trois policiers sont jugés pour violences volontaires avec circonstances aggravantes. Alors que les jurés sont partis délibérer depuis près de 10 heures, de nombreux soutiens du jeune homme affluent au tribunal.
À l’issue de neuf jours d'audience, la cour d'assises de Bobigny s'est retirée à 10h ce matin pour délibérer. Après avoir écouté une dernière fois les trois policiers accusés de violences volontaires sur Théodore Luhaka. Auteur du coup de bâton télescopique de défense qui a engendré de graves lésions anales au jeune homme, l'ancien policier Marc-Antoine Castelain a indiqué à la cour "ne rien avoir à ajouter". Tout comme son collègue Jérémie Dulin. Renvoyé pour violences volontaires, Tony Hochart, 31 ans, s'est quant à lui exprimé brièvement. "Je tenais juste à dire que je regrette les conséquences qu’a eues cette interpellation. Je pense avoir fait mon travail dans le respect des lois et je fais confiance en la justice."
Ce jeudi, l'avocat général avait requis à l'encontre des fonctionnaires de trois mois à trois ans de réclusion criminelle avec sursis. Très loin des peines maximales prévues par la loi, de sept à quinze ans de prison pour de telles infractions.
Pas de quoi satisfaire les familles de victimes de violences policières présentes en grand nombre depuis ce matin devant la salle d'audience fermée. Elles sont venues soutenir Théodore Luhaka et sa famille dans cette dernière ligne droite avant le verdict.
À quelques heures de la décision, Faty Chouviat, la mère de Cédric Chouviat mort à Paris en janvier 2020 lors d'un contrôle policier, affirme ne pas se faire "d'illusions". "Il a été demandé du sursis dans les réquisitions, c’est comme si les policiers n’avaient rien fait, c’est une mascarade." Faty Chouviat s'est rendue plusieurs fois au tribunal de Bobigny depuis le début du procès. "Lundi, j’étais derrière les parents de Théo qui ont dû regarder les vidéos des violences commises sur leur fils. Je ne sais pas comment ils ont fait. J’essaye de me préparer au procès qui aura lieu pour mon fils, dans un an ou deux, mais on n’est jamais prêt à vivre ça. Quant à Théo, je le sens perdu aujourd'hui. J’espère qu’il pourra un jour se relever."
"Ils doivent être écartés de la police définitivement"
Amal Bentousi, présidente du collectif "urgence contre les violences policières", se tient également aux côtés de la famille de Théodore Luhaka depuis neuf jours. La sœur d'Amine Bentousi, abattu d'une balle dans le dos par un policier qui a été condamné à cinq ans de réclusion criminelle avec sursis, dit attendre beaucoup de l'institution judiciaire aujourd'hui. "Chaque procès est violent à vivre pour les familles qui sont passées par là, pour celles dont les procès sont à venir et pour celles qui ont subi des non-lieux. Mais notre présence est importante."
Depuis la mort de son frère en 2012, son combat a été de "visibiliser" les violences policières. Affirmant que l'affaire Théo n’est que "la partie immergée de l’iceberg". "S’il n’y avait pas eu de vidéo dans cette affaire, nous ne serions pas là. C’est pour ça qu'on appelle les gens à filmer ces violences qui existent même si c'est difficile à croire pour des gens qui ne vivent pas dans ces quartiers."
Depuis quelques années, Amal Bentousi qui a repris des études de droit tente aussi de sensibiliser les futurs magistrats et avocats sur la question des violences policières à travers des conférences. Avec le sentiment d'avoir "fait bouger les lignes". "Il y a eu la création d’un collectif, on nous a entendus. Nous avons réussi à créer un rapport de force mais il faut maintenant passer à l’étape supérieure : condamner les policiers dont on a reconnu le comportement violent, sans céder à la pression des syndicats parce qu’on aurait besoin d’eux, parce qu’il y a bientôt les JO. Ils doivent être écartés de la police définitivement. Mais est-ce que le système est prêt à cela ? On ne peut pas demander aux citoyens de respecter la police si la police n’est pas respectable."
Un avis partagé par Samia El Khalfaoui, la tante de Souheil El Khalfaoui tué en 2021 à Marseille par un policier lors d'un contrôle routier. "Qu’il y ait ce procès, c’est super pour Théo, pour qu’il avance. Il aura fallu sept ans mais il a eu un procès et c'est très positif car beaucoup d'affaires n'arrivent pas jusque-là." La jeune femme se dit en revanche beaucoup plus inquiète quant à l'éventuelle condamnation des policiers et espère des peines fermes. "Aucune famille n’acceptera de la prison avec sursis. C’est pour cela que nous sommes là. Le fait de porter un uniforme ne peut pas absoudre des violences barbares commises dans l’exercice de leurs fonctions."
Le verdict est attendu dans la soirée.