Le Comptoir des minéraux et matières premières (CMMP), l’industriel qui a broyé de l'amiante de 1938 à 1975, en pleine ville, ne paiera pas les travaux de dépollution de son ancienne usine.
Les juges de la deuxième chambre civile du tribunal de Paris ont rendu leur décision le 22 octobre. Les associations de victimes de l'amiante sont révoltées. L'usine accusée d'être responsable de maladie liée à l'amiante sur des dizaines de riverains n'indemnisera pas les victimes.
Mené à partir de 2009, le démantèlement de « l’usine-poison » est un chantier au coût financier de plus de 9 M€. Une facture salée à laquelle ne s'attendaient pas les responsables du site. Ils ont donc décidé d'engager une procédure au civil, pour contester cette créance.
Le CMMP, avait vendu le site en 1999 à une société immobilière et s’était pourtant engagé à verser 478 400 €, dans le cadre d’un protocole d’accord signé avec la ville d’Aulnay, juste avant le début des travaux. La ville d’Aulnay a supporté l’essentiel de ces dépenses (déboursant aussi 6 M€ pour le déménagement de l’école maternelle voisine).
La conclusion des magistrats reste paradoxale : le CMMP a bel et bien commis une « faute », celle d’avoir laissé son usine à l’abandon au moins 17 ans (de sa fermeture en 1991 au début des travaux en 2009). Mais il n’aura pas à rembourser le coût de sa démolition.
La PDG Joëlle Briot de l'usine est soulagée. Elle affirmait en septembre que son entreprise n’y survivrait pas.
Me François Lafforgue, avocat des trois associations intervenant dans la procédure (Addeva, Aulnay environnement et Ban Asbestos) ne comprend pas cette décision : « Le jugement nous est favorable en ce qu’il reconnaît les fautes du CMMP. Mais le tribunal n’en tire pas les conclusions qui s’imposent et n’envoie pas de signal fort. Les indemnités versées aux associations [NDLR : 1 € symbolique] sont très faibles alors qu’elles ont joué un rôle très important de lanceur d’alerte. »
Ces associations, qui ont recensé près de 140 victimes, malades ou défuntes, du CMMP, ont alerté durant des années sur la nocivité de cette usine, pour ses salariés et pour les habitants autour. Visé par 25 plaintes au pénal, le CMMP a finalement bénéficié d’un non-lieu en 2013.
En 2014, une recherche inédite a toutefois été lancée par l’Agence régionale de santé (ARS) pour retrouver 13 000 anciens écoliers du quartier, susceptibles d’avoir inhalé des fibres d’amiante entre 1938 et 1975.
Les parties ont deux mois pour faire appel.