"On n'en peut plus, on est à bout": des dizaines de greffiers, soutenus par avocats et magistrats, se sont rassemblés mercredi devant le tribunal de Bobigny pour dénoncer une charge de travail "intenable" dans une juridiction qui fonctionne grâce au "système D".
"Justice sans moyens = Justice morte", derrière une pancarte, une greffière de 28 ans raconte son ras-le-bol. "On se tue à la tâche. Ça fonctionne à la bonne volonté des gens", dit la fonctionnaire, en poste aux audiences de comparution immédiate.Les greffiers du Tribunal Judiciaire de BOBIGNY sont en grève aujourd’hui.
— Barreau de la Seine Saint Denis (@Barreau93) March 4, 2020
La Justice va mal, son budget est dérisoire.
À Bobigny encore plus qu’ailleurs, les greffiers, personnels administratifs, magistrats et avocats qui travaillent au quotidien sont à bout. #RasLeGreffe ✊? pic.twitter.com/8KRC6ifkoG
Pour elle, l'heure moyenne de fin des audiences "c'est 21H00-22H00 tous les soirs". Résultat, les onze heures de repos quotidien prévues par la loi ne sont souvent pas respectées. A ses côtés, des magistrats et des avocats, en grève depuis deux mois et venus apporter leur soutien à ces fonctionnaires qui croulent sous les dossiers dans une juridiction "où les difficultés sont plus aiguës qu'ailleurs".
Le taux de greffiers mobilisés s'élevait à 44 % mercredi, selon Cyril Papon, responsable CGT, qui souligne une mobilisation "rarissime". Parmi leurs revendications: une "trentaine" de fonctionnaires supplémentaires au tribunal et une revalorisation salariale. Les grévistes pointent aussi le "turn-over", avec des agents qui "partent dès qu'ils peuvent": un tiers des fonctionnaires du tribunal change chaque année, selon le syndicaliste.
A Bobigny, deuxième tribunal de France, les effectifs ont été renforcés ces dernières années, après plusieurs grèves dans la juridiction. Mais le nombre d'audiences a lui aussi augmenté, soulignent les grévistes. Un greffier, en poste à l'instruction depuis près d'un an, assure faire chaque mois 30 à 40 heures supplémentaires non payées."On a des délais de notifications, de convocations. Si on ne les respecte pas des détenus peuvent demander à sortir", dit-il. "On n'en peut plus, on est à bout", ajoute une de ses collègues."Un greffier gagne 1.600 euros net au démarrage. Déjà c'est compliqué si vous habitez dans la Creuse mais ici à Paris... Quand je suis arrivée j'ai dû faire neuf mois à l'hôtel, là je vis en HLM", explique cette femme de 42 ans.
"Sur mon bureau j'ai des dossiers de 2013, 2014... C'est incompréhensible, et pour les victimes et pour les mis en examen", ajoute-t-elle. "Mais Bobigny on s'en fout, c'est le 93 !" Avocats, magistrats et greffiers ont appelé à une journée de mobilisation nationale le 12 mai.