La cinquième vague continue de frapper l’Île-de-France, avec plus de 3000 cas de Covid pour 100 000 habitants au niveau régional. A Villepinte, la maison d’arrêt compte 179 détenus positifs au Covid-19.
Alors que le taux d'incidence a atteint les 3140 cas pour 100 000 habitants en Île-de-France, selon les derniers chiffres de Santé Publique France, la région continue d’être fortement touchée par le rebond épidémique actuel. La cinquième vague frappe notamment les maisons d’arrêt : à Villepinte, en Seine-Saint-Denis, on compte ainsi 179 détenus positifs au Covid-19.
Il s’agit du plus gros foyer actuel dans les prisons françaises. "Aujourd'hui, nous avons 179 personnes détenues qui sont positives", explique le directeur de l'établissement, Michaël Merci, à l'occasion d'une visite de la prison. D’après lui, le chiffre est monté à 202 cas le 1er janvier, sur un total de 988 détenus, à la suite d'une opération de dépistage massif menée deux jours plus tôt.
On compte 28 cas parmi les salariés, précise le ministère de la Justice. L’opération de dépistage a été organisée suite à la détection de deux cas positifs le 22 décembre dernier, avec la présence du variant Omicron. Sur 621 prisonniers testés, 168 s’étaient alors révélés positifs.
Suppression des activités collectives
Bibliothèque, salle de sport, travail aux ateliers… Toutes les activités collectives ont été supprimées. Des combinaisons intégrales et des masques FFP2 ont été distribués aux surveillants lorsqu'ils sont dans les bâtiments de détention et aux détenus qui continuent à travailler (buanderie, cuisine, distribution des repas...). Et les parloirs ont été supprimés pour les détenus positifs et les cas contacts. Pour les parloirs maintenus, une paroi de plexiglas est en place sur toute la hauteur.
Pour l’ensemble des cas détectés le 30 décembre, l'isolement doit prendre fin le 9 janvier. Des allégements pourraient être décidés "si d'ici 15 jours il n'y a pas de reprise épidémique", explique Michaël Merci.
863 contaminations ont été détectées au niveau national, sur un total de 70 000 détenus. On compte par ailleurs 1 029 cas sur environ 40 000 personnels, d’après les derniers chiffres du ministère, arrêtés au 4 janvier. Au total, 31 établissements se trouvent en situation de cluster, c'est-à-dire avec au moins trois cas simultanés.
La Chancellerie reconnaît que le taux de couverture vaccinale est "inférieur à celui de la population générale", du fait d'une "réticence de la population pénale à se faire vacciner". 47% des détenus ont un schéma complet de vaccination contre 76,9% pour la population générale, selon les chiffres communiqués par le ministère de la Santé jeudi 6 janvier.
"Continuer à envoyer du monde en prison quand on connaît la situation, c’est invraisemblable"
Dominique Simonnot, la contrôleuse générale des lieux de privation de liberté (CGLPL), devait initialement assister à un concours d’éloquence à Villepinte jeudi, "évidemment annulé". "Au virus, s’ajoute la surpopulation des maisons d’arrêt, c’est intolérable, dénonce-t-elle. Continuer à envoyer du monde en prison quand on connaît la situation, c’est invraisemblable… Les magistrats ont leur part de responsabilité."
"Je ne sais pas si on se rend compte des conditions dans lesquelles vivent les détenus, alors que le virus circule, poursuit-elle. Il y a quelque chose d’indigne, d’indécent. Dans les quartiers arrivants, il n’y a plus les moyens d’isoler les détenus assez longtemps, on ne peut plus respecter les périodes d’isolement. Et après, dans certaines maisons d’arrêt, les gens sont à trois par cellule." Quant au taux de vaccination, inférieur à celui de la population générale, Dominique Simonnot rappelle avoir "demandé à ce que le vaccin soit distribué en priorité dans les lieux clos. Pour les détenus comme les personnels pénitentiaires, les risques de contamination sont énormes".
"Aujourd’hui à Villepinte, la situation est censée être sous contrôle, mais à quel prix ?, s’interroge la contrôleuse générale des lieux de privation de liberté. Toutes les activités sont annulées. Des détenus qui nous écrivent nous racontent avoir demandé à leur famille de ne plus venir parce que c'est trop dur."
Dominique Simonnot précise avoir saisi le ministre de la Justice, Éric Dupond-Moretti. "Il faut que les ministres agissent. Les ordonnances prises par Nicole Belloubet au printemps 2020 avaient permis de décélérer la population carcérale, avec 58 100 détenus en juillet 2020. On est remonté à 70 000 détenus en décembre. Et je redoute la période électorale qui s’annonce très dure, avec des discours irresponsables. Malheureusement on ne va pas dans le sens de la raison", estime-t-elle.