A-t-il tué par peur d'être tué ou pour contrôler la vente du cannabis ? Kodjo Ben Hodor, surnommé le "tueur aux mocassins", est jugé à partir de vendredi aux assises de Seine-Saint-Denis pour un meurtre et un assassinat sur fond de trafic de drogue.
Poursuivi pour le meurtre en 2009, à Saint-Ouen, et l'assassinat en 2011, à Pantin, de deux cousins, l'accusé, 34 ans, encourt la réclusion criminelle à perpétuité.
Le 8 juin 2011, alors que la brigade anticriminalité (BAC) surveille l'entrée d'une cité considérée comme un point de vente du cannabis, les policiers voient arriver un homme à scooter. Costume chic, chaussé de mocassins, il s'approche d'une voiture aux vitres teintées, sort une arme et abat en plein jour de trois balles de gros calibre son passager, Sekou Timera, connu notamment pour usage et détention de stupéfiants.
Hodor, qui chute de son scooter en s'enfuyant, sera interpellé et identifié grâce à ses empreintes digitales après avoir donné une fausse identité.
Celui que médias et enquêteurs ont surnommé le "tueur aux mocassins" était recherché depuis 2009. L'homme au style toujours apprêté, connu sous le nom de "costard" dans la cité des Francs-Moisins, à Saint-Denis, où il a grandi, avait été mis en examen après une fusillade qui avait fait deux morts à Saint-Ouen.
Sur le terrain de sport d'une cité aux portes de Paris, connue pour les stupéfiants, deux jeunes s'étaient alors défiés pour un différend financier qui pourrait, selon ses enquêteurs, trouver son origine dans le business de la drogue et le contrôle du quartier.
L'explication avait mal tourné. Ils avaient sorti leurs armes et des balles avaient été tirées. Hodor, qui accompagnait l'un des deux, avait récupéré au sol l'arme de son ami touché et tiré plusieurs fois avant de prendre la fuite.
- Libéré pour une erreur de procédure -
Cette fusillade de 2009 avait donc fait deux morts: l'ami d'Hodor et un certain Moussa Bathily, dont le corps avait été retrouvé à côté d'un pistolet semi-automatique.
L'enquête révèlera que Moussa Bathily et Sekou Timera, la victime de 2011, étaient cousins. "Les deux événements sont liés et l'un trouve son origine dans l'autre", résume Joseph Cohen-Sabban, avocat de Kodjo Ben Hodor.
Selon lui, son client se savait menacé depuis la mort de Bathily et subissait "une pression monstrueuse". "En 2009, c'était de la légitime défense. Puis, il a eu peur d'être tué, alors il a pris les devants", plaide-t-il.
"Bathily et Timera n'étaient pas des enfants de choeur, mais pas des caïds non plus", assure pour sa part l'avocate de la famille de la victime de 2011, Gaëlle Dumont. Elle relève qu'Hodor a tué "avec un incroyable sang-froid" et se demande s'il n'avait pas "repris les affaires" de son ami tué à Saint-Ouen.
"C'était un petit escroc mais dans les stups personne ne le connaissait", répond Me Cohen-Sabban, décrivant un homme "singulier", "qui riait tout le temps".
En raison d'une erreur de procédure à l'origine d'une vive polémique - la justice avait oublié de prolonger dans les délais légaux sa détention provisoire -, Kodjo Ben Hodor sera libéré pendant près d'un mois en 2012.
"Au moment de sa libération, mes clients étaient choqués. Ils ont eu peur d'avoir un nouveau mort dans la famille", se souvient Me Dumont.
Il sera à nouveau interpellé dans une enquête pour tentative d'achat d'arme, dossier pour lequel il a finalement été relaxé, mais pour laquelle le parquet de Bobigny a fait appel. "L'affaire sera étudiée le 3 juillet par la cour d'appel de Paris", précise le parquet.
Pour l'avocat de Ben Hodor, cette tentative d'achat d'arme "était un montage pour le remettre en prison". L'accusé se trouve actuellement en détention provisoire, mais dans le cadre du meurtre et de l'assassinat pour lesquels il va être jugé.
Le procès doit durer jusqu'au 20 juin.