À l'issue de 1er tour de l'élection présidentielle, avec 30,21 %, la Seine-Saint-Denis enregistre le plus fort taux d'abstention de la région et de France Métropolitaine. Le politologue Stéphane Rozès nous en explique les raisons.
Les habitants de Seine-Saint-Denis ont boudé les bureaux de vote dimanche 10 avril lors du premier tour de l'élection présidentielle. Le département séquano-dionysien enregistre le plus fort taux d'abstention en Île-de-France et en France métropolitaine.
Ainsi, 30,21 % inscrits ne se sont pas déplacés contre 27,51% en 2017. En Île-de-France, l'abstention s'élève à 24 %.
L'abstention a atteint 26,31% des inscrits au niveau national, soit le plus haut niveau pour un premier tour d'une présidentielle après les 28,4% de 2002.
De nombreux facteurs expliquent ce désintérêt pour la politique
Faible pouvoir d'achat, difficultés socio- économiques, enclavement et sous-équipement de certains quartiers, éloignement des services publics, sentiment d'exclusion ... Les raisons de ce désintérêt sont multiples comme nous l'explique le politologue Stéphane Rozès. "C'est un département dont les résidents sont moins intégrés socialement et dans les problématiques politiques, avec notamment de faibles niveaux de diplômes. Les préoccupations des habitants sont donc habituellement plus prosaïques que l'élection présidentielle", explique-t-il.
Le professeur à Sciences Po Paris précise en outre que "Le fait de s'intéresser aux rites politiques du pays demande de vivre dans un environnement socio-culturel stable or la mobilité sociale est trop importante dans le département et le climat socio-culturel ne permet pas aux habitants de développer un intérêt pérenne pour les questions politiques".
Le spécialiste pointe également du doigt le manque de mixité sociale. "C'est un département qui connait une crise d'intégration républicaine. La faible mixité a tendance à enclaver les populations et les laissent dans des situations qui encouragent le développement des communautarismes. Ceci éloigne donc d'autant plus les populations des problématiques politiques", conclut-il.
Ecouter le silence des urnes et entendre ce que ça dit.
Dorian Dreuil, co-président de l'ONG A Voté
L'ONG A Voté ! alerte sur ce taux record d'abstention et appelle à sa prise en compte par les élus. "On aurait tort aujourd'hui de penser que finalement, on ne bat pas les records de 2002 et que comme on n'est pas autour des projections de 30%, finalement on s'en sort pas trop mal et on a limité la casse et que tout va bien. Non, tout ne va pas bien", assure Dorian Dreuil, le co-président de l'ONG A Voté !
"Il y a une rupture entre le citoyen et le vote", ajoute-t-il. Pour lui c'est "surtout une rupture générationnelle dans la jeunesse". Ainsi, il faut "écouter le silence des urnes et entendre ce que ça dit et ça signifie, et ce que ça impose au prochain chef de l'Etat", analyse le co-président de l'ONG A Voté !.
Stains proche de 40% d'abstention
Trois villes du département dépassent une abstention de 35%. À Stains, ce sont 39,09 % des électeurs qui n'ont pas mis un bulletin dans l'urne. L'abstention est également forte à Bobigny avec 38,27% d'abstention. Enfin, les habitants d'Aubervilliers ont eux aussi boudé les urnes puisque 36,51% d'entre eux ne se sont pas déplacés pour voter.
À l'échelle de l'Île-de-France, le Val-d'Oise est le deuxième département où l'abstention est la plus importante cette année avec 26,29% sur ce premier tour. Pour la deuxième élection de suite, le 93 affiche le plus fort taux d'abstention au premier tour.
Pour rappel, le leader de la France Insoumise est arrivé en tête en Seine-Saint-Denis avec 49,1 % des suffrages.