A Aubervilliers, comme partout en France, c’est le retour sur les bancs de l'école ce 22 juin. Une reprise qui fait des heureux parmi les parents et les enfants. Mais pour certains chefs d’établissements, le ton est différent, épuisés et en colère après cette 3 ième rentrée des classes.
"Toutes les écoles vont rouvrir. Nous appliquons la décision nationale. Le protocole sanitaire est arrivé tardivement mais les écoles sont prêtes. Opposée dans un premier temps à la réouverture des écoles, la mairie d'Aubervilliers l'affirme : "les 9600 élèves que compte la ville seront accueillis comme le demande le gouvernement. Cantine et centre de loisirs en prime. Nous avons dû aménager certains espaces, mais on s’est adapté. Les agents communaux qui travaillent dans les écoles seront présents. Depuis le passage en zone verte, nous étions rassurés", explique t-on à la mairie.
Soulagement des parents et bonheur des enfants
Les 37 écoles d’Aubervilliers rouvrent donc ce matin. Un soulagement pour beaucoup de parents comme Morgan, le papa de Lou, Léo et Loïs qui se réjouit du retour à l’école de ses trois enfants. Contacté il y a déjà quelques semaines, il nous avait expliqué la galère du quotidien, entre télétravail et école à la maison.
C’était un joyeux bordel !
Rosa, scolarisée en grande section à l’école maternelle Saint-Just d’Aubervilliers vient tout juste de retrouver son instituteur et toutes ses copines. "Ma fille a repris l’école depuis deux semaines. Mais ce matin, il y avait tout le monde, tous les enfants. Rosa était surtout ravie de retrouver son instituteur qu’elle n’avait pas revu. C’était l’excitation des jours de rentrée! Devant l’école, c'était un joyeux bordel ! ", sourit cette mère de famille. "Toute l’équipe pédagogique et la directrice étaient mobilisées. Je pense qu’elle espérait que tous les enfants ne viennent pas! Il y avait un véritable attroupement devant l'école. Difficile de faire autrement".
Irène se dit inquiète comme tous parents mais elle n’avait pas le choix, malgré un employeur compréhensif, il fallait qu’elle reprenne le travail." Le protocole sanitaire, je n’y crois pas pour les maternelles. Je pars du principe que la vie doit continuer, je fais confiance à l’équipe pédagogique pour assurer ce qu’il faut en terme d’hygiène. Je ne peux pas mettre ma fille sous cloche. Le confinement a été dur pour Rosa qui était séparée de ses amies. Depuis le déconfinement, elle a commencé à les revoir en bas de la maison donc le brassage se fait. Il faut être honnête", reconnaît-elle.
Allègement du dispositif sanitaire et colère des chefs d'établissements
Ce retour à la normale est possible grâce à l'allègement du protocole sanitaire, qui encadrait jusqu'à présent de façon très stricte les établissements. Désormais, il n'y aura plus de règles de distanciation physique en maternelle. En élémentaire, un espace d'un mètre entre les élèves est simplement recommandé. Et au collège, quand elle n'est pas possible, les élèves devront porter un masque. Le nouveau protocole sanitaire a été reçu mercredi dernier par les chefs d'établissements. Un délai beaucoup trop court selon eux.
Nous sommes un corps de fonctionnaires loyaux, nous allons rouvrir, mais nous sommes une profession au bord de la rupture
Ce principal d’un collège de Seine-Saint-Denis (contacté avant la rentrée et qui a souhaité rester anonyme) est épuisé et en colère. Comme beaucoup d'autres chefs d'établissements. Son collège accueillera tous les élèves qui se présenteront. "La rentrée va bien se passer, le protocole est rodé depuis le 2 juin. La seule difficulté est le nombre d’élèves présents ce lundi. Sens de circulation, gel hydroalcoolique, tout cela est en place. Heureusement que le protocole a été assoupli notamment la règle des 1 mètre, mais ici les élèves devront porter le masque toute la journée car ils sont assis à moins d’un mètre d’écart. Pour les récréations, les élèves iront patienter dans leur salle de cours et ne se mélangeront pas avec les autres classes. Il n’ y a aura pas de brassage. Pareil pour les cours de langue vivante 2 où des différentes classes se mélangent en temps normal. Ces cours ne se feront pas en présentiel. Pour les risques de contamination, je ne suis pas infectiologue, on m’envoie un document me disant que l’on peut asseoir les élèves à moins d’un mètre, je vais l’appliquer."
Mais comme beaucoup des ses collègues, il regrette que le ministère ait envoyé le protocole aussi tardivement. "Il est complexe de faire tous ses changements en aussi peu de temps. Nous avons reçu le nouveau protocole sanitaire mercredi soir. On est dans un rush complet. Le premier protocole a été construit en dix jours avec beaucoup de mal. Et n’aura vécu que trois semaines. On aurait pu continuer avec ce premier protocole sanitaire qui était assez qualitatif. Les élèves présents étaient volontaires, contents d’être là et on va les remixer avec d’autres élèves qui n’auront pas forcément envie d’être là. Alors que l’on sait que traditionnellement, il y a peu d’élèves les deux dernières semaines. Cela risque de créer des difficultés pédagogiques. Et c’est dommage mais nous répondrons à l’obligation de scolarité de tout le monde".
Un sentiment confirmé par Radouane M’Hamdi, principal du collège Evariste Galois à Sevran et secrétaire départemental du SNPDEN-UNSA, qui fustige les méthodes de son ministère de tutelle. "Nous pensons que le retour à l’école est primordiale et nous serons prêts et appliqueront les consignes. Mais nous ne sommes pas d’accord sur l’organisationnel, qui est de la compétence du chef d’établissement. Le protocole est arrivé mercredi soir à 21H46. Et on nous demande d’être prêts pour lundi matin. En moyenne, il y a 600 élèves dans les 130 collèges de Seine-Saint-Denis, 80 personnels à gérer. Pourquoi ne pas continuer avec ce que l’on a mis en place lors du premier protocole de rentrée. Les chefs d’établissements sont en colère".
Malgré le déconfinement mi-mai et la réouverture progressive des établissements scolaires, depuis trois mois de nombreux enfants n'ont jamais repris le chemin de l'école. Selon les derniers chiffres du ministère, seul 1,8 million d'écoliers en France - sur un total de 6,7 millions - y sont retournés, mais rarement à temps complet. Au collège, ils sont 600 000 sur 3,3 millions.
► VIDEO - Ce lundi les élèves faisaient également leur rentrée au Raincy. Après 3 mois de crise sanitaire l'école redevient obligatoire et presque normale. Céline Cabral et Emmanuel Tixier