En Seine-Saint-Denis, les communes de Saint-Denis et de Pierrefitte comptent se rapprocher. Une ville nouvelle d’environ 150 000 habitants pourrait naître de ce regroupement. D'autres villes franciliennes ont déjà fusionné. Quelles sont les conséquences pour les administrés ?
En Île-de-France, huit communes issues de rapprochements existent aujourd’hui, dénombre l’association des maires d’Île-de-France. C'est le cas par exemple de Moret-Loing et Orvanne en Seine-et-Marne. Evry-Courcouronnes en Essonne, et de Saint-Gearmain-en-Laye qui a fusionné avec Fourqueux dans les Yvelines.
Plusieurs précédents dans la région
Une des pionnières en la matière est Evry-Courcouronnes. Les deux communes ont entamé ce rapprochement en 2018, avant de l’officialiser en 2019. Les administrés ont pu profiter de cette union, de l’avis de Medhy Zeghouf aussi bien sur le plan administratif que culture par exemple. "Evry comptait 55 000 habitants, quand Courcouronnes en comptait 15 000. Avant, les habitants de Courcouronnes devaient se rendre à Evry, pour faire les papiers d’identité. À la faveur du rapprochement, ils peuvent désormais se rendre dans leur mairie, puisque des bornes biométriques y ont été installées", indique le maire adjoint d’Evry-Courcouronnes (Sans étiquette). Il ajoute aussi que "les Courcouronnais peuvent ainsi profiter de médiathèques supplémentaires".
Côté budget, ne faire qu’une seule commune permet d’obtenir davantage de fonds publics. "Avec la raréfaction des crédits de l’Etat pour les collectivités publiques, cela nous a permis d’obtenir plus de moyens pour développer par exemple des services publics. Notre fusion a entraîné l’obtention de crédits supplémentaires pendant quelques années", continue Medhy Zeghouf. La ville nouvelle a pu aussi investir dans d’autres domaines : "Nous avons investi 280 millions d’euros sur 6 ans, pour financer entre autres les rénovations de 14 des 50 écoles de la commune, ou encore celle du centre commercial régional."
Autre exemple dans les Yvelines, dans l'ouest de l’Île-de-France, avec le Chesnay-Rocquencourt. "Le Chesnay comptait 29 000 habitants, soit quasiment 10 fois plus que Rocquencourt. Les habitants de cette commune ont pu bénéficier avec la fusion des services publics d’une grande ville, notamment au niveau des crèches ou de l’éducatif", pose Richard Delepierre, maire (MoDem) de cette ville.
Les fusions, courantes en France
Au-delà de la région, ce mouvement de fusion entre plusieurs communes est courant. "La disposition est prévue dans le Code général des collectivités territoriales. Il existait déjà une loi en 1970, mais elle n’est jamais vraiment entrée en application", rappelle Bernard de Froment. L’avocat spécialisé en droit public à Paris ajoute que "les habitants de l’ouest de la France sont plus enclins à accepter ces rapprochements, qui sont fortement encouragés par les pouvoirs publics".
Les communes peuvent en tirer deux avantages, de l’avis du spécialiste : "La mutualisation des services publics, qui entraîne des économies de gestion, mais aussi des budgets plus importants qui permettent d’avoir des équipements publics mieux dimensionnés par rapport à ces agglomérations créées." Tout en émettant quand même deux réserves : "La commune la plus importante en absorbe une autre, donc certains citoyens vont rester attachés à celle qui va être absorbée. Il ne faut pas oublier que cette frustration de la population va aussi générer plus de contentieux pour la commune née de cette fusion."
Saint-Denis et Pierrefitte, bientôt main dans la main
Au nord de Paris, les villes de Saint-Denis, 113 000 habitants et de Pierrefitte, 31 000 habitants sont en réflexion pour se rapprocher elles aussi. Si ce projet se réalise, la nouvelle commune pourrait naître en 2025 avec au total 144 000 habitants.
Le conseil municipal a émis un vœu ce jeudi 20 avril : rapprocher les deux communes. Voté à la majorité selon le maire (Parti Socialiste) de Saint-Denis, Mathieu Hanotin. "Sur 94 conseillers municipaux, 71 ont approuvé l'idée et il y a eu 3 abstentions que les abstentionnistes ont qualifiées eux-mêmes de bienveillantes", indique l'élu. Il reste tout de même des opposants à ce projet, à l'image du député de Seine-Saint-Denis (PCF-Nupes), Stéphane Peu.
"Elle s'appellera Saint-Denis et comprendra en son sein une commune déléguée de Pierrefitte, sur le périmètre actuel de cette commune. Le processus commence, il va durer au total une vingtaine de mois. La fusion sera effective au 1er janvier 2025", assure le maire.
L'élu municipal pointe plusieurs avantages, en particulier pour les habitants de Pierrefitte. "Les habitants de Pierrefitte y trouveront immédiatement leur intérêt, par exemple avec la police municipale 24 heures sur 24, à partir du 1er janvier 2025. Ce n'est pas le cas aujourd'hui. Dès le début 2025, on aura des services publics qui vont s'améliorer : sur la lutte contre l'habitat indigne, parce qu'il y a plus de moyens à l'échelle de Saint-Denis, qu'à l'échelle de la commune de Pierrefitte. Le 1er septembre 2025, on va amorcer la cantine gratuite", détaille Mathieu Hanotin, maire (PS) de Saint-Denis. En revanche, la population de Saint-Denis ne verra pas trop d'évolutions. "Le premier jour de la fusion, pour le Dyonisien d'aujourd'hui, ça ne changera pas grand-chose. Ses impôts ne vont pas augmenter, cela sera assez neutre pour lui".
Il faut faire preuve d'un peu de patience, d'après l'élu, pour voir du changement sur le territoire du nouvel ensemble : "Sur le moyen terme, c'est toute la grande commune qui va y gagner, parce que notre capacité à investir, à préparer l'avenir va être démultipliée. On a des défis qui sont devant nous, qui sont gigantesques pour organiser nos villes face aux défis climatiques, de créer une ville résiliente. Tout cela nécessite beaucoup d'investissements, pour faire des villes harmonieuses avec beaucoup de services publics. On sera beaucoup mieux armés pour le faire dans une commune réunie à 150 000 habitants", ajoute l'élu.
Durant la mise en place de cette commune nouvelle, la ville percevra des aides temporaires de l'Etat. "Ces dispositifs d'accompagnement sont avantageux pour les deux communes, disons-le. Ils sont transitoires : ce n'est pas pour avoir les aides que l'on fait cette commune nouvelle. On la fait parce qu'on est certain que c'est la bonne échelle pour répondre aux problématiques politiques devant nous. Néanmoins, toute aide qu'on peut prendre, on sera là pour la prendre. À l'évidence, les impôts des Pierrefittois vont baisser : ils ont un taux qui est très largement supérieur à celui des Dyonisiens, probablement de 20% à peu près", termine Mathieu Hanotin.
L'élu Dyonisien poursuit : "Il n'y aura pas de hausse des impôts locaux pour financer la ville nouvelle. Ni en 2025, ni en 2026. Je m'étais engagé à ce qu'il n'y ait pas d'augmentation d'impôts entre 2020 et 2026. Après, je souhaite que nous continuions la logique d'effort que la ville de Saint-Denis a entamée, à l'échelle du périmètre global pour essayer de ne pas augmenter les impôts dans le futur. S'ils devaient augmenter, qu'ils ne soient pas liés à une problématique financière liée à une ville nouvelle, mais à une politique nouvelle. Il s'agirait alors d'un nouveau contrat qui sera passé avec les électeurs, le moment venu."