La justice vient d’annuler un arrêté municipal datant de septembre 2019, qui refusait d’autoriser des travaux d'aménagement dans l’ancien immeuble de Panasonic, acquis en 2017 par le mouvement sectaire. "Une décision juste et parfaitement motivée", selon la scientologie.
La scientologie va-t-elle pouvoir finalement s’installer en Seine-Saint-Denis ? Oui, d’après une récente décision de justice. Le tribunal administratif de Montreuil a en effet annulé mercredi un arrêté pris en septembre 2019 par l’ancien maire de Saint-Denis, Laurent Russier (PCF), afin d’empêcher l’ouverture du futur siège de l'Église de scientologie en France.
La municipalité avait en effet refusé – pour des questions de sécurité incendie notamment – d’autoriser des travaux d'aménagement, avenue Wilson, dans l'immeuble acquis en 2017 par la scientologie pour 33 millions d’euros. Le bâtiment, situé à proximité du Stade de France et de l'autoroute A1, comporte une surface de 7 000 mètres carrés, avec une façade en verre. Le site accueillait par le passé les locaux de Panasonic.Un futur siège qui suscite l’inquiétude du voisinage. "Il y a des publics fragiles et surtout moins informés, expliquait ainsi en 2019 à France 3 Paris IDF Antoine Mokrane, un militant socialiste opposé à l’installation de la secte. A partir de ce moment-là, c’est plus facile pour eux d’endoctriner."
Mais dans un communiqué annonçant sa décision, le tribunal administratif de Montreuil avance "qu'un faisceau d'indices concordants établissait en effet que le maire avait exercé ses pouvoirs dans un autre but que la préservation de la sécurité et de l'accessibilité des locaux".
La mairie de Saint-Denis veut faire appel
Egalement opposé à l’installation du siège, la nouvelle équipe municipale menée par Mathieu Hanotin (PS) a annoncé sa volonté de faire appel de la décision. "Au regard du projet présenté, notamment la création d’un Établissement Recevant du Public d’une taille importante, la ville de Saint-Denis, qui a agi pour le compte de l’État, a suivi les avis défavorables des deux services préfectoraux en termes de sécurité incendie et d’accessibilité", explique la Ville dans un communiqué.Et de poursuivre : "Le rôle de la municipalité est de s’assurer que l’ensemble des conditions réglementaires, notamment en matière de sureté et de sécurité, soient scrupuleusement respectées dès lors qu’un Établissement Recevant du Public souhaite s’installer dans sa commune. Dans le cadre des différents éléments évoqués ci-dessus, la ville de Saint-Denis entend interjeter appel de cette décision, comme le droit le lui permet."Le rôle de la municipalité est de s’assurer que l’ensemble des conditions réglementaires, notamment en matière de sureté et de sécurité, soient scrupuleusement respectées dès lors qu’un Établissement Recevant du Public souhaite s’installer dans sa commune
Promue notamment par des stars comme Tom Cruise et John Travolta, la scientologie est un mouvement né dans les années 1950 dans le New Jersey, aux Etats-Unis. Fondé par l’auteur de science-fiction, L. Ron Hubbard, l’Eglise met en avant des méthodes pseudo-scientifiques et des croyances selon lesquelles les humains seraient "des êtres spirituels immortels qui ont vécu avant et vivront après, et que leur bonheur et leur immortalité futurs en tant qu’êtres spirituels dépendent de la façon dont ils se comportent à présent", comme on peut le lire sur le site français de la secte.
Un mouvement sectaire qui existe en toute légalité en France
En France, le mouvement opère en toute légalité sous le statut d’association loi 1901. Si un rapport de la Commission d'enquête sur les sectes datant de 1995 qualifie la scientologie de "mouvement sectaire", le terme de secte n’a pas d’existence juridique en France, pour des questions liées à la laïcité. A noter toutefois que le mouvement a déjà été condamné pour escroquerie en bande organisée en France, en 2013.Aux Etats-Unis, l’organisation – à la tête d’un véritable empire immobilier – a obtenu le statut d’Eglise suite à une longue bataille avec le fisc dans les années 1990 ; ce qui lui permet d'être exonérée d'impôts.
Contactée, l’Eglise de scientologie n’a pas répondu à nos sollicitations.
"Nous pensons que c’est une décision juste et parfaitement motivée"
Suite à la publication de notre article, Eric Roux, vice-président du bureau européen de l’Eglise de scientologie, explique à France 3 Paris IDF sa satisfaction vis-à-vis de la décision du tribunal administratif de Montreuil : "Nous pensons que c’est une décision juste et parfaitement motivée". Eric Roux souligne aussi être "ouvert pour rencontrer la mairie et dissiper tout malentendu, malentendu certainement né de la méconnaissance de ce qu’est la scientologie". "Nous pensons qu’il y a certainement des choses plus importantes qui devraient les préoccuper", estime-t-il également.Le vice-président du bureau européen de l’Eglise de scientologie indique par ailleurs être "particulièrement choqué" de l’utilisation "dès l’en-tête" du terme "mouvement sectaire" dans notre article, "puis de l’emploi du mot secte". "Outre le fait qu’il n’y a pas de définition juridique de "secte", "sectaire", ou de "qualification" de ce type qui soit autre que l’opinion d’une personne ou d’une autre, c’est très gratuit comme affirmation, et pas très respectueux des croyances de gens qui n’ont comme défaut que de ne pas avoir la même confession (ou absence de confession) qu’un autre plus "mainstream"."
Eric Roux juge également que le terme "sectaire" "ne sert finalement qu’à justifier discriminations et parfois persécutions pour de nombreuses religions à travers le monde". La scientologie est, en France, "une religion parmi les autres, "non-reconnue" parce que la République ne reconnait aucune religion", ajoute-t-il, avançant qu’elle "n’a rien à voir avec un mouvement sectaire, de près ou de loin".