Le promoteur immobilier BNP Paribas a pour projet de construire plus de 400 logements en coupant près d'un millier d'arbres à côté de l'ancien bâtiment de l'école de cinéma Louis Lumière à Noisy-le-Grand (93). La mairie a donné son accord. Opposés au projet, des riverains se mobilisent.
Au cœur des enjeux, un petit bois baptisé "Lumière", à deux pas de la gare du RER A Noisy-Champs. Une gare qui sera demain un carrefour important du Grand Paris avec 2 lignes du supermétro d'ici 2030 et du second prolongement de la ligne 11. Une fois terminée, cette gare sera l'une des plus grandes d'Europe.
Ce site aujourd'hui vierge est très attractif pour construire. C'est ce qui a sans doute attiré BNP Paribas Immobilier. En 2019, le promoteur devient le lauréat du concours Inventons la métropole du Grand Paris 2. Il prévoit près de 400 logements (266 en accession, 68 sociaux et 62 d'urgence). Le projet intègre par ailleurs deux crèches de 50 berceaux ainsi que 10 « Soho » (Small Office Home Office), des lieux inspirés des ateliers d'artistes, où chaque appartement est couplé à un espace de travail. La parcelle concernée s’étend sur une surface totale de 3,8 ha.
Le projet "Révélation Lumière" à Noisy-le-Grand tel que présenté sur le site du paysagiste lauréat Land'act.
"Le révélateur", l'ancienne école de cinéma Louis Lumière
Sur cette parcelle verte se trouve un autre édifice : l'ancienne école de cinéma Louis-Lumière, aujourd'hui installée à la Cité du cinéma de Luc Besson à Saint-Denis.
L'école, construite en 1988, est vide depuis son transfert en 2012. Dans le projet global de BNP PAribas Immobilier, le bâtiment sera conservé. Mais comme il a été laissé longtemps à l'abandon, il est désormais en très mauvais état. Il aura donc besoin d'être entièrement réhabilité. Avec des façades végétalisées, il deviendra ce qui est appelé « Le Révélateur », un espace de 6.500 mètres carrés composé d'un tiers lieu avec un café cantine, un incubateur pour les start-up, un atelier de réparation et un mur d'escalade. Au final ce nouveau morceau de ville comportera aussi, au centre, un plan d'eau et des espaces verts. Un verdissement pour répondre aux recommandations des autorités environnementales.
Un projet soutenu par la mairie
Contactée, la mairie de Noisy le Grand défend "ce très beau projet". Brigitte Marsigny, maire LR, confirme que le promoteur devrait déposer cet été le permis de construire. "C’est quelque chose à laquelle je tiens. Ce programme comporte aussi des petites maisons, un bassin, une part de logements sociaux pour des gens en difficulté. Le promoteur l’a aussi adapté aux demandes faites par l’autorité environnementale. Après si les gens s’y opposent, qu’ils s’adressent à la justice", précisait-elle dans les colonnes du Parisien. Par ailleurs, la ville s'est récemment enorgueillie au mois de juin dernier du nombre d'arbres présents sur la commune : très précisément 18 699.
"Le projet immobilier de trop ?"
Mais selon les oppositions politiques, le quartier est déjà très urbanisé. "La maire avait fait campagne en 2014 pour dire qu’il fallait arrêter de construire ; mais il faut voir le résultat depuis son élection", critiquent certains élus.
Vincent Monnier, élu d'opposition, président du Collectif Projet Citoyen, abonde dans ce sens : "Ce projet viendra s'ajouter aux milliers de logements que Mme Marsigny a déjà validés sur les autres quartiers de Noisy : Clos d’Ambert (1000 logements), Palacio-Abraxas, (600 logements), de la ZAC îlot de la Marne (500 logements), de Maille Horizon Nord (1100 logements), du futur quartier des Bas Heurts (900 logements) et du quartier Champy-Butte Verte (1100 logements) etc... Dans 10 ans, Noisy le Grand comptera entre 90.000 et 100.000 habitants sans les équipements publics nécessaires (routes, écoles, gymnases, crèches etc...) ". D'ici la rentrée, les opposants attendent la publication du résultat de l'étude d'impact environnemental afin de savoir si l'autorité environnementale donnera ou non son autorisation de défricher.
Une réserve biologique et un poumon vert
À plusieurs reprises, la maire a indiqué que la parcelle du futur projet était "une friche avec quelques acacias". Mais selon Vincent Monnier : "Ceci est complètement faux ! Sur cette parcelle de 2,2 hectares se trouve un bois, avec un millier d'arbres environ, certains centenaires, comme des chênes ou des aulnes. Cette forêt urbaine n’est pas vide. En 2020, la Direction Régionale de l'Environnement avait relevé de nombreuses espèces d’oiseaux, de mammifères, de reptiles et d’insectes vivant dans ce bois."
Ce que confirment des associations environnementales venues en soutien à travers deux études. La LPO a recensé vingt-quatre espèces d’oiseaux, dont une quinzaine a établi le bois comme lieu de reproduction. « L’analyse des données [...] entre 2003 et 2017 montre que l’épervier d’Europe et le pic-vert sont en fort déclin », avertit la LPO. L’association Renard a quant à elle travaillé sur la présence de chauve-souris. "En juillet 2022, on a posé un détecteur et enregistreur automatique d’ultrasons dans le bois, explique Jean Galvier, vice-président de l’association. Entre 22 heures et minuit, nous avons pu observer la présence de deux espèces de chauves-souris protégées : la pipistrelle commune et la pipistrelle de nathusius". En effet, la ferme située à la lisière du bois est un site où les chauves-souris vivent et se reproduisent, comme le révèle le site Reporterre.
Une pétition est en ligne. Elle a déjà réuni 2 200 signatures. Un collectif de riverains attachés à ce poumon vert s'est créé. "Raser une forêt pour construire des immeubles, c’est un projet digne d’un autre siècle", s’indigne Jean Galvier, l'un des signataires. "C'est vraiment une aberration de ne pas conserver un corridor écologique et un îlot de fraîcheur. C'est devenu si précieux de nos jours."