Sans touristes internationaux l’été s’annonce compliqué pour les professionnels parisiens

Hôtels, restaurants… Les acteurs du tourisme, durement touchés par la crise sanitaire, vont devoir compter sur une clientèle francilienne et française cet été. De quoi limiter les dégâts, du côté des réservations ?

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5 millions d’euros pour le tourisme. Lundi, lors de la dernière session extraordinaire du Conseil de Paris, la mairie de Paris a présenté son plan de soutien face à la crise sanitaire, prévoyant une enveloppe spécifique pour les acteurs de ce secteur durement touché. Exonérations, "Mois d’août de la culture" pour attirer du public, possibilité "offerte aux restaurateurs et cafetiers d'étendre la surface de leurs terrasses gratuitement jusqu'en septembre prochain grâce notamment à des options d'extension sur des places de stationnement ou devant des vitrines des commerces"… La municipalité espère relancer le tourisme, malgré des critiques à droite – les groupes LRI et PPCI ayant préféré s’abstenir.

Il est plus compliqué d’accueillir avec le sourire quelqu’un derrière un masque ou une visière

"5 millions d’euros, c’est très faible et assez ridicule, réagit Jean-Marc Banquet d'Orx, président de l'Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (UMIH) Île-de-France, et gérant de plusieurs hôtels en France. La maire de Paris n’est pas très généreuse et c’est une faible reconnaissance, alors que sa ville est considérée comme la première destination touristique au monde. Nous avons énormément souffert, certains vont se retrouver dans des situations très compliquées. Il faut rappeler que les loyers sont très importants dans l’hôtellerie et la restauration." Le professionnel dit regretter des "objectifs tristement électoraux" : "Le personnel des hôtels vient bien souvent de banlieue… Nous sommes les parents pauvres de ce plan, alors que nous faisons partie des acteurs qui font vivre la capitale et qui apportent de l’emploi."D’après Jean-Marc Banquet d'Orx, le métier – "tourné par nature vers la clientèle et l’accueil" – va demander de nombreuses adaptations. Marquage au sol pour assurer la distanciation sociale, gestes barrières, port du masque… "Bien sûr, il faut que tout ça se fasse en respectant la protection du public, reconnaît le président de l’UMIH IDF. Le cahier des charges est prêt. On a travaillé sur une limitation des créneaux pour recevoir les visiteurs, des circuits d’arrivées et de départs, ou encore le matériel comme les gants ou le gel hydroalcoolique. Ce seront des conditions difficiles, il est plus compliqué d’accueillir avec le sourire quelqu’un derrière un masque ou une visière. Mais les hôteliers et les restaurateurs se battent pour faire repartir la machine."

On fait face à un tsunami, l’eau s’est retirée et les plus gros dégâts restent à venir

L’hôtelier estime par ailleurs que la région parisienne "restera une destination porteuse si les musées et les sites touristiques rouvrent, afin de proposer une offre qui continue de susciter l’intérêt des visiteurs nationaux et internationaux". Mais il craint "une catastrophe pour les très petites entreprises" : "J’ai une peur bleue. Si on n’y met pas les moyens, la conséquence sera le dépôt de bilan pour de nombreux professionnels, et il va falloir les accompagner. On fait face à un tsunami, l’eau s’est retirée et les plus gros dégâts restent à venir."

"Cet été, on va cibler la clientèle francilienne et française"

Face à la crise, Edouard Philippe avait présenté la semaine dernière un plan de soutien pour la filière du tourisme, avec "18 milliards d'euros d'engagements". Recours à l'activité partielle, et accès au fonds de solidarité prolongés… Le Premier ministre avait même annoncé que "les Français pourront partir en vacances en France au mois de juillet et au mois d'août, en France, en métropole et en Outre-mer", "sous réserve de l’évolution de l’épidémie".

La crise va provoquer une perte de 15 millions de touristes, et de 7 milliards d’euros de retombées économiques

De quoi limiter les dégâts cet été ? Pour l’instant, Christophe Décloux, directeur général du Comité Régional du Tourisme (CRT) Paris Île-de-France, note encore "beaucoup d’inquiétudes" : "Il n’y a pas du tout de touristes actuellement, en plus du fait d’être en zone rouge et de ne pas encore avoir de date de réouverture pour les cafés et restaurants. Cet été, on va cibler la clientèle francilienne et française, alors qu’en temps normal, nous sommes surtout une grosse destination pour les touristes internationaux à cette période." Alors que la région a accueilli 50,3 millions de visiteurs en 2019, soit un "nouveau record de fréquentation" et "une année de référence" selon le CRT, Christophe Décloux déplore déjà d’importantes pertes pour le secteur : "La moitié de ces 50 millions de touristes provient du tourisme d’affaires, et sans tourisme international cet été, ça ne sera pas contrebalancé. Du 1er janvier en projetant jusqu’à fin juin, on estime que la crise va provoquer une perte de 15 millions de touristes en volume, et de 7 milliards d’euros de retombées économiques – hors transports aériens. On ne les récupérera pas, avec des frontières fermées."Dans son baromètre de l'activité touristique du mois d’avril, réalisé du 11 au 13 mai auprès de 300 hébergeurs, le Comité rappelle qu’avec le confinement, l’activité est restée "quasi-inexistante". Au niveau de l’Île-de-France, 77% des professionnels ont fermé leur établissement au public au cours du mois. Les pertes de chiffre d'affaires dues à l'épidémie sont, elles, estimées à 59% en mars, 90% en avril et 86% en mai. Et alors qu’un tiers des acteurs disent ne pas encore savoir quand ils rouvriront (43% annoncent mai et 19% juin), 86% des professionnels jugent "mauvais" l’état des réservations pour la période estivale, de juin à août. Un peu plus d’un tiers espèrent un retour à la normale dans les 4 à 6 mois, comptant à terme sur la venue de nos voisins européens, d’Allemagne, de Belgique, d’Espagne, du Royaume-Uni et d’Italie. "La Région met aussi en place un plan pour le tourisme en Île-de-France, pour mettre à jour régulièrement la situation de l’offre touristique, pour savoir qui ouvre et avec quelle capacité", indique par ailleurs Christophe Décloux.

Les autocaristes, oubliés du plan de soutien au tourisme ?

Si les réservations repartent à la hausse pour certains, notamment du côté des gîtes, d’autres estiment avoir été oubliés jusqu’ici par les autorités. Lundi, plusieurs dizaines d’autocars ont ainsi organisé une opération escargot sur le périphérique. Les autocaristes – professionnels du secteur touristique au même titre que les hôteliers – réclament plus d’aides pour leur survie. Du côté de Poincy (Seine-et-Marne), Bertrand Bernini, cofondateur de l’entreprise Viabus, se dit lui "très inquiet à plusieurs niveaux" : "On sait déjà que notre activité va tourner au ralenti jusqu’au 1er septembre". Sans centre de loisirs ni colonies de vacances, l’entrepreneur ne se fait pas d’illusions : le transport des enfants représente l’essentiel de son activité à cette époque de l’année.
Mis à part quelques lignes de trains de la SNCF à remplacer, ses 80 véhicules ne roulent désormais que très peu. Deux tiers d’entre eux sont même complètement à l’arrêt avec la crise. Séjours linguistiques, clubs de sport, activités scolaires et périscolaires… Ses autocars transportent d’habitude des dizaines de milliers d’enfants chaque année, et la société travaille avec 400 à 500 écoles. Sans visibilité sur son avenir, Bertrand Bernini alerte sur la situation de son entreprise, créée en 2008 avec son frère, et qui rassemble aujourd’hui 150 employés. La crise sanitaire et économique aura probablement des conséquences sociales très dures : si le dispositif de chômage partiel n’est pas reconduit après juin (la moitié des salariés de Viabus sont concernés à ce jour), le professionnel explique qu’il devra se préparer à licencier une bonne partie de son effectif.
 
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