Ce lundi 4 janvier s'ouvre, pour un mois, devant le tribunal correctionnel de Paris, le procès d'une colossale évasion fiscale, pour l'instant estimée à près de 600 millions d'euros, sur fond de règlements de comptes familiaux.
Des héritiers qui se déchirent dans des palaces pour des tableaux et des pur-sang, un héritier principal, chef de la famille, 70 ans, Guy Wildenstein, successeur de trois générations de marchands d'art mondialement connus qui risque jusqu'à 10 ans de prison, et le fisc français qui réclame au moins 550 millions d'euros hors amende et pénalités: le procès qui s'ouvre aujourd'hui, lundi 4 janvier, devant le tribunal correctionnel de Paris est totalement hors-norme.
Ce procès de la fraude fiscale de très haut vol n'aurait sans doute jamais eu lieu sans le désir de vengeance de trois femmes qui ont voulu "régler des comptes" avec le clan.
L'excentrique Jocelyne d'abord, première épouse d'Alec Wildenstein (le frère de Guy et autre héritier, mort en 2008), surnommée la "fiancée de Wildenstein" pour ses excès de bistouri, force la taiseuse famille à lever un coin de voile sur son patrimoine lors d'un divorce houleux en 1998.
Viennent ensuite deux veuves, épousées en secondes noces, qui s'estiment lésées dans les successions: Sylvia, femme de Daniel Wildenstein, le père de Guy et d'Alec, mort en 2001, elle-même décédée en 2010; et Liouba, femme de son fils aîné Alec, entrée dans la bataille en victime et qui en sort mise en examen pour complicité de blanchiment aggravé.
Ces trois femmes ont livré des informations décisives sur les montages offshore utilisés pour cacher les fraudes.
Il est aujourd'hui reproché à Guy Wildenstein d'avoir dissimulé au fisc une immense partie de la fortune de son père Daniel, décédé en 2001 à Paris, et d'avoir persisté après la mort en 2008 de son frère aîné Alec.
Toiles de Fragonard et de Bonnard, chevaux aux couleurs célèbres sur tous les champs de course, immobilier luxueux dont un gigantesque ranch au Kenya où fut tourné le film "Out of Africa": les biens des Wildenstein ont majoritairement été enregistrés dans des paradis fiscaux, dans de discrètes structures appelées "trusts".
L'un d'eux, "Delta", est propriétaire de tableaux valant ensemble un milliard de dollars, qui se trouvent en réalité aux Etats-Unis et en Suisse.
Guy et Alec ne déclarent pourtant que 40,9 millions d'euros d'héritage en 2002 et payent en bas-reliefs sculptés pour la reine Marie-Antoinette des droits de succession de 17,7 millions d'euros.
Tout au long de ses auditions, Guy Wildenstein n'a cessé de répéter qu'il n'était "ni juriste ni fiscaliste mais marchand de tableau" et qu'il ne comprenait rien à la fiscalité. Une explication qui sera sans doute un peu courte dans une telle affaire.
Trois des héritiers Wildenstein sont attendus sur le banc des prévenus du tribunal correctionnel, pour un procès prévu jusqu'à fin janvier: Guy Wildenstein, le patriarche du clan, son neveu Alec Junior, accusé de fraude fiscale, et la veuve de son défunt frère Alec, Liouba.
A leurs côtés un notaire, deux avocats, deux sociétés gestionnaires de trusts, l'une des Bahamas, l'autre de Guernesey.