"Le Choeur des esclaves" de Nabucco de Verdi, "La Symphonie du Nouveau monde" de Dvorak ou encore "L'Hymne à la Joie" : 300 musiciens et 150 choristes se sont rassemblés place de la République pour fêter le premier mois d'existence de Nuit Debout.
Un frisson parcourt la place de la République quand s'élève dans la nuit parisienne le "Choeur des esclaves" de l'opéra Nabucco de Verdi: un "Orchestre debout" de 300 musiciens et 150 choristes a célébré en musique samedi 30 avril le premier mois d'existence du mouvement Nuit debout.
Partitions éclairées à la lampe frontale ou au portable, doigts des violonistes engourdis par le froid et les acclamations d'un public enthousiaste de quelques milliers de personnes, quand résonnent les premiers cuivres de la symphonie du nouveau monde de Dvorak. Cet "orchestre debout", surnom que se sont donné ces musiciens réunis via les réseaux sociaux, faisait son retour à République dix jours après une première prestation au soir du 20 avril, quand il avait remporté un franc succès avec son interprétation de cette célèbre pièce d'Anton Dvorak.
Samedi, ils ont étoffé leur répertoire et reçu le renfort de choristes pour jouer l'"Hymne à la joie" de la symphonie n°9 de Ludwig van Beethoven, puis le "Choeur des esclaves" du Nabucco de Giuseppe Verdi, avant de reprendre leur succès fondateur du "Nouveau monde" et, pour finir, un bis de Verdi en rappel. Une demi-heure de concert, saluée spontanément par un Bella ciao improvisé.
"C'est majoritairement des amateurs, donc il n'y a pas vraiment d'exigence artistique. On fait en sorte que ça tienne debout", explique Guillaume Durand, choriste professionnel de 29 ans. "La répétition s'est faite de manière plutôt efficace, contrairement à ce qu'on entend sur ce mouvement qui ne sait pas s'organiser", sourit le jeune homme, qui se dit "écologiste" et que les thématiques lancées par le mouvement Nuit debout "touchent".
Des morceaux choisis par sondage
Le 30 avril marque le premier mois d'existence de ce mouvement citoyen, lancé le 31 mars sur la place de la République à Paris avant de se propager dans plusieurs dizaines de villes de France.Les morceaux ont été choisis par un sondage sur la page Facebook. "L'idée était que, dans le corpus de ce qui était faisable, on trouve des oeuvres symboliques", explique Sylvain Haderlé, pianiste de 24 ans venu chanter avec son ami Guillaume. La Symphonie du nouveau monde, qui évoque initialement l'Amérique, "prend une résonance particulière" sur le lieu de rassemblement d'un mouvement qui cherche des alternatives au système existant, souligne le violoniste.
Créé en 1842 à la Scala de Milan, la capitale lombarde alors sous domination autrichienne, l'opéra Nabucco et son "Choeur des esclaves" (également connu sous le nom de "Va pensiero") célèbrent la sortie du peuple hébreu de sa captivité babylonienne et sont aussitôt devenus des chants de ralliement patriotique du Risorgimento, le mouvement pour l'unité italienne. En 2011, lors d'une représentation de l'opéra à Rome pour les 150 ans de l'unité italienne, le célèbre chef d'orchestre Ricardo Mutti avait pris la parole à la fin de ce mouvement pour fustiger les coupes budgétaires du gouvernement Berlusconi qui "assassinent" la culture, avant de "bisser" le chant en le faisant reprendre par le public, debout dans la salle.
Et l'Hymne à la joie, devenu hymne de l'Europe, incarne l'universalité clamée par les partisans du mouvement. Pour le violoniste anonyme, "ça montre une autre image de ce mouvement, trop souvent réduit à des violences ou du vandalisme".