Faouzi Lamdaoui, ancien maire-adjoint d'Argenteuil, devenu conseiller de François Hollande, est mis en examen. Ainsi que deux commissaires de police, dont l'ancien commissaire d'Argenteuil Abdelhafid Chraiet. Ils auraient tenté de nuire à Mohamed Belaid, ex-militant du PS argenteuillais.
C'est l'histoire du pot de terre, contre le pot de fer.
Depuis plus de dix ans, un ancien militant socialiste d'Argenteuil, Mohamed Belaïd, se bat en justice contre Faouzi Lamdaoui pour faire reconnaître ses droits.
Sa patience, son acharnement diront ses détracteurs, ont payé.
L'ancien conseiller de l'Elysée, ainsi que deux hauts gradés de la police viennent d'être mis en examen.
"Ces trois mises en examen, c'est une première victoire. C'est l'une des premières fois que l'on prend mon client Mohamed Belaïd au sérieux. Il est longtemps passé pour un fou qui délirait. Là, un juge d'instruction, estime que ce qu'il dit est sérieux" se réjouit son avocate, Maître Pauline Baudu-Armand.
2012 : Première plainte contre François Hollande et Faouzi Lamdaoui pour travail dissimulé
L'histoire de Mohamed Belaid commence au parti socialiste d'Argenteuil. Il y entre comme simple militant en 2007.
Rapidement, il se rapproche de Faouzi Lamdaoui, qui lui propose de devenir son chauffeur.
Parachuté dans la 5ème circonscription du Val d'Oise, ce proche de François Hollande a perdu les élections législatives de 2007 mais s'est imposé comme 2ème adjoint du nouveau maire socialiste d'Argenteuil, Phililppe Doucet.
Le militant dévoué, originaire comme Faouzi Lamdaoui d'Algérie, devient un peu son homme à tout faire : il le conduit partout, va lui acheter des cigares, chercher ses vestes au pressing....et devient aussi chauffeur de François Hollande, alors premier secrétaire fédéral du Parti Socialiste.
Faouzi Lamdaoui me promettait de me payer. Il me disait que j'aurais un contrat, se rappelle Mohamed Belaïd.
Mais Mohamed Belaid ne voit rien venir.
Le "chauffeur non déclaré", durant 6 mois, de François Hollande et Faouzi Lamdaoui prend alors ses distances en 2009.
En 2012, il dépose plainte pour "travail dissimulé" contre les deux hommes.
Mais François Hollande est protégé par son immunité présidentielle.
L'affaire est finalement classée sans suite.
Reportage Tania Watine/ Stéphane Lisnyj France 3 Paris Île-de-France - Décembre 2014
"Faouzi Lamdaoui a proposé de l'argent à ma femme pour être gérante fantôme de sa société"
En déposant sa plainte, Mohamed Belaïd vérifie le registre du Tribunal de commerce de Paris car Faouzi Lamdaoui est également chef d'entreprise.
Il découvre alors la "signature immitée" de sa femme sur le document d'une entreprise créée par celui qui est alors devenu Conseiller à l'égalité et à la diversité de l'Elysée, Faouzi Lamdaoui.
L'ex-chauffeur se remémore cette proposition surprenante quelques années auparavant.
"Faouzi Lamdaoui avait appelé ma femme. Il lui avait proposé de lui verser, chaque mois, 500 euros si elle acceptait d'être gérante de son entreprise. Elle avait refusé car elle trouvait bizarre de toucher de l'argent en restant à la maison", Mohamed Belaïd.
Il dépose alors plainte pour "faux et usage de faux".
Cette fois, l'enquête avance et permet de mettre à jour un système frauduleux.
Le Parquet de Paris parlera même de "pratique de voyou".
Les enquêteurs suspectent Faouzi Lamdaoui d'avoir déclaré au fisc beaucoup moins d'argent que ce qu'il a perçu en realité, en changeant régulièrement de nom de societé et de statut.
Mis en examen, Faouzi Lamdaoui démissionne de son poste de conseiller de l'Elysée fin 2014.
Jugé en correctionnelle en 2015 pour «abus de biens sociaux», «blanchiment d'abus de biens sociaux» et «faux et usage de faux», l'ami de François Hollande est relaxé en 2018 par la Cour d'appel de Paris pour vice de forme.
"Ils ont voulu me faire taire"
En déposant plainte contre Faouzi Lamdaoui en 2012, Mohamed Belaïd ne pensait pas mettre le pied dans un tel engrenage.
Ses amis lui avaient déconseillé de s'attaquer ainsi "à des gens puissants".
Car, en plus de se battre sur le front judiciaire, l'ancien militant et ex-cadre de la grande distribution, fait parler de lui dans les médias.
Même le Sunday Times s'interesse au "chauffeur de François Hollande".
Forcément, cela n'a rien de bon pour le pouvoir.
C'est alors que commence le troisième acte du combat judiciaire entre Mohamed Belaïd et Faouzi Lamdaoui.
Un acte mouvementé qui va de l'internement en hôpital psychiatrique de Mohamed Belaïd à la mise en examen de hauts gradés de la police.
Reportage Tania Watine/ Louise Simondet France 3 Paris Île-de-France - Mai 2019
Divulgation d'informations confidentielles
Alors que la police et la justice tirent le fil de la pelotte des entreprises de M. Lamdaoui, les journalistes qui s'apprêtent à écrire sur cette affaire reçoivent des mails et appels très surprenants.
L'un d'eux reçoit, sans l'avoir demandé, le fichier STIC de Mohamed Belaïd.
Le Système de traitement des infractions constatées (STIC) est un fichier de police confidentiel qui regroupe les informations concernant les auteurs d'infractions interpellés par la police nationale.
Ayant un passé houleux de dépôt de plaintes avec Faouzi Lamdaoui et son entourage, le STIC de l'ancien militant compte quelques lignes.
Ce qui est censé prouver qu'il est "un dangereux délinquant multirécidiviste" comme le laissent à penser Faouzi Lamdaoui et ses proches.
Ce que l'intéressé conteste formellement. Casier judiciaire vierge à l'appui.
Trois mises en examen
Informé de ces divulgations d'informations confidentielles, Mohamed Belaïd dépose plainte à l'IGPN, puis au Parquet de Paris.
Fin 2018, Dominique Serniclay, commissaire de police du 12ème arrondissement, est mis en examen pour "violation du secret professionnel et détournement de finalité d'un traitement de données à caractère personnel".
Des journalistes, du "Monde" et de "20 Minutes" affirment avoir reçu, en 2012, des appels d'un homme qu'ils n'avaient pas sollicité et qui se présente comme le commissaire d'Argenteuil.
Il les aurait appelés pour prendre fait et cause pour M. Lamdaoui, leur dire à quel point M. Belaïd était "peu fiable" et "mythomane".
Des appels vécus par ces journalistes comme un "coup de pression" alors qu'ils s'apprêtaient à sortir leur article.
Mediapart : Deux commissaires mis en examen pour avoir aidé un ex-conseiller de l'Elysée
Quelques mois plus tard, le patron de la Sûreté urbaine d'Argenteuil, le commissaire Abdelhafid Chraiet va selon l'IGPN "faire preuve d'une implication peu ordinaire pour un chef de service".
Le 20 juin 2013, il organise l'interpellation de Mohamed Belaïd qui, après un passage éclair chez un psychiatre, se retrouve interné au service psychiatrique de l'Hôpital d'Argenteuil pour "trouble délirant".
Il y passera 6 jours avant d'être "libéré" par un psychiatre qui ne comprend pas ce que M. Belaid fait dans son service.
Selon une source proche du dossier, le commissaire Chraiet aurait transfèré à Faouzi Lamdaoui l'expertise psychiatrique à l'origine de l'internement de Mohamed Belaïd.
Un fait qu'aurait reconnu le conseiller de l'Elysée, arguant l'avoir demandé au policier parce qu'il se sentait "en danger" à cause de M. Belaïd.
Ce qui lui aurait permis de justifier ensuite une demande de protection rapprochée.
Fin 2018, Abdelhafid Chraiet, qui a momentanément quitté la police et travaille dans la sécurité privée à Londres, a été mis en examen pour "violation du secret professionnel".
Faouzi Lamdaoui, actuellement directeur des relations institutionnelles et publiques de Veolia pour la zone Afrique-Moyen-Orient, est lui aussi mis en examen pour "complicité par instigation de violation du secret professionnel".
Nous avons contacté les avocats des trois hommes mis en examen.
Même réponse à chaque fois :
Nous réservons nos explications à la justice, l'instruction est encore en cours, nous ont répondu, en substance les avocats des trois hommes mis en examen.
Après une première plainte à l'IGPN, Mohamed Belaïd a déposé plainte avec constitution de partie civile au Parquet de Paris en janvier 2017.
Début 2018, un juge d'instruction est nommé.
L'enquête s'accélère avec ces 3 mises en examen.
Mais cela ne signifie pas encore qu'il y aura un procès.
Il faut attendre la fin de l'instruction et les réquisitions du juge, d'ici à plusieurs mois.
En attendant, c'est une première victoire pour Mohamed Belaid, dont la vie professionnelle et personnelle ont été bouleversées par ces douze années de combat pour retrouver son honneur.
J'irai jusqu'au bout, conclut d'une voix douce et déterminée Mohamed Belaid. Moi je n'ai rien à me reprocher.