Le scénario d'une dispute violente basculant dans l'horreur, la décapitation d'un homme et la chute d'un autre du quatrième étage d'un immeuble d'Argenteuil (Val-d'Oise), se dessinait jeudi, au lendemain du drame.
Le procureur de Pontoise a annoncé avoir ordonné la levée de la garde à vue du colocataire des deux victimes, qui a livré des explications cohérentes
sur le drame. Ce témoin-clé, qui avait appelé les secours, "s'est expliqué très précisément", a relaté Yves Jannier. Selon son témoignage, dans la nuit de mardi à mercredi, il a "entendu de l'intérieur de sa chambre le bruit d'une bataille", avant de découvrir ce qui venait de se passer.
Son colocataire Lionel, 27 ans, gît dans la cuisine, décapité. Ce jeune a priori "sans problème", qui avait un emploi et vivait là depuis plusieurs années, a été lacéré d'une quarantaine de coups de couteau. Quatre étages plus bas, à l'aplomb de l'appartement, se trouve Alexandre, un trentenaire qui agonise sur le trottoir. Lui aussi est blessé au couteau, notamment au cou. Il meurt peu après l'arrivée des policiers.
Après de premiers propos incohérents, peut-être dus au traumatisme, le témoin-clé, un Argenteuillais de 29 ans né à Trinité-et-Tobago, avait été placé en garde à vue. Mais les enquêteurs avaient précisé que cela n'en faisait pas nécessairement un suspect. Plusieurs éléments recueillis par la justice sont compatibles avec le scénario d'une bagarre entre colocataires qui vire au cauchemar, bien que pour les enquêteurs toutes les hypothèses restent sur la table.
Pas de sang sur les mains
Alors que plusieurs pièces de l'appartement étaient maculées de sang, dont le couloir et la cuisine, le colocataire qui a prévenu la police ne présentait pas de traces d'hémoglobine sur les mains ni sur les vêtements. "Aucune trace de sang" non plus dans la cage d'escalier de cet immeuble du centre
d'Argenteuil, au nord de Paris, passée au peigne fin par les spécialistes de la police scientifique, a rapporté le parquet.
Difficile donc d'imaginer l'intervention d'une tierce personne, un meurtrier qui aurait fui sans laisser de traces. En garde à vue, le témoin n'a d'ailleurs jamais évoqué d'autre protagoniste. Dans la chambre d'Alexandre, les enquêteurs ont par contre découvert un pantalon taché de sang, qu'il pourrait avoir enlevé après le drame.
La plaie au cou que présentait Alexandre restait relativement superficielle et n'était pas mortelle. Selon les premiers résultats d'autopsie, il a succombé à une "chute de grande hauteur", sans que l'on puisse dire clairement s'il s'est défenestré ou s'il a été poussé. Cet homme, qui semblait connaître des problèmes d'alcool, a pu, même blessé, se battre à l'arme blanche, ont estimé les médecins légistes.
Dans la soirée de mardi, Alexandre avait été interpellé puis relâché pour avoir tenté de voler les clés de voiture d'un automobiliste dans la ville voisine d'Enghien-les-Bains. Ces faits et le drame d'Argenteuil ne sont a priori pas liés, selon le parquet. Lorsqu'Alexandre avait été présenté à un médecin par les policiers, son état de santé avait été jugé incompatible avec une garde à vue, "principalement" à cause des blessures qu'il avait pu se faire en tentant de voler l'automobiliste, a précisé le procureur.
Dès lors, "rien dans son comportement ne nécessitant une mesure de contrainte à son égard", les policiers l'ont laissé libre après l'avoir conduit aux urgences. Selon une source proche de l'enquête, Alexandre est ensuite "parti de l'hôpital sans avoir vu de médecin".