REPORTAGE. "Les gens ne peuvent pas se déplacer, alors on vient à eux pour distribuer de l'aide alimentaire", un bus du Secours Populaire en campagne

Dans le Vexin Français, dans le Val-d'Oise, le Solidaribus du Secours Populaire fait sa tournée. Ce camion distribue des paniers alimentaires à des habitants en difficulté dans des zones rurales, et qui n'ont pas ou plus les moyens de se déplacer.

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Stationné à proximité des camions rouges de la caserne des pompiers de la commune de Bray-et-Lû à la limite de l'Eure, le camion blanc de sept mètres de long, trois mètres de haut, habillé aux couleurs du Secours populaire détonne. Jacques et Pascal, retraités, la soixantaine débonnaire, ont enfilé leurs chasubles. Les deux bénévoles du Secours populaire se faufilent habilement dans le camion, entre les rayonnements surchargés de denrées alimentaires. Des légumes, des fruits, des conserves, du lait de l'huile... Toute une épicerie est soigneusement conditionnée à bord.

"On propose ce qu'on a et les gens nous disent, j'en veux ou non", explique Pascal. "À Bray-et-Lû, on connaît tous les bénéficiaires ( ...) il n'y a que sept familles qui viennent au camion. Certaines sont là depuis le début et on ne fait pas que de la distribution alimentaire, on s'occupe aussi de leurs besoins autres, leurs recherches de travail ou leurs problèmes administratifs...", précise Jacques.

Patrick, 69 ans, vêtu d'une polaire et d'un short, deux grands sacs vides dans les mains, surgit soudainement dans la cour de la caserne. Patrick est un habitué du Solidaribus. Jacques et Pascal lui adressent un salut amical : "Moi, j'habite à trois kilomètres, dans un hameau, dans une ancienne ferme pédagogique dans laquelle je travaillais auparavant (...) j'ai une petite retraite qui va peut-être augmenter donc ça va aller mieux. Mais bon là, je suis à peu près à 830 euros par mois quand même. Mais j'ai beaucoup de dépenses fixes avec des remboursements de crédit".

Tout compte fait, il ne reste à Patrick que sept euros par jour pour s'alimenter. "Faut que, je me débrouille avec ! Je ne suis pas sous les ponts, je ne suis pas dans la misère totale mais, au moindre problème, je ne peux rien faire, pour parler clairement. Ce qui fait que je suis éligible ici pour le panier alimentaire".

Yves Duplat, référent qui coordonne la mission Solidaribus dans le Val-d'Oise explique : "pour chaque famille, on regarde les revenus et les dépenses. Et on détermine le reste à vivre alimentaire. Avec 200 euros par mois, 7 euros seulement par jour, ils peuvent bénéficier de paniers alimentaires". En échange de cette aide ponctuelle, les bénéficiaires doivent donner à chaque fois un euro symbolique, voire deux euros, si deux personnes composent la famille.

Des débuts timides

"Tu veux de l'huile ? Sinon, j'ai de la semoule. Je t'ai mis trois fruits, mais ils sont un petit peu abîmés", fait remarquer Jacques. Rewatee, mère de deux enfants, acquiesce : "Je fais des compotes et je suis adepte de légumes parce que je cuisine beaucoup aussi". Rewatee habite dans un petit village de 180 habitants à quelques kilomètres de là. Elle n'a pas de voiture. Cet après-midi, elle est venue jusqu'ici grâce à un proche qui l'a transportée.

L'aide fournie une fois par semaine par Solidaribus est pour Rewatee, un complément alimentaire nécessaire. "Je touche l'allocation de solidarité spécifique et une petite part de RSA avec mon fils. J'ai des charges. Ma maison va être saisie. J'ai cherché à travailler dans des crèches, mais j'ai 58 ans. Je ne suis plus toute jeune !"

Face au camion du Secours populaire, Rewatee garde le sourire. Encouragée par Jacques et Pascal. "Avec eux, on se marre bien", sourit Patrick, maintenant lesté de deux gros sacs de provisions. Autour du véhicule, l'ambiance est plutôt bonne enfant, mais ça n'était vraiment pas le cas au début de la tournée du Solidaribus il y a trois ans, se souvient Yves Duplat.

"Il a fallu quelques semaines avant que les personnes viennent au camion (...) les gens se disent : 'si je vais au camion dans mon village forcément, on va me reconnaître et on va dire : comment se fait-il que je demande de l'aide alimentaire ?'" Jacques, le bénévole, confirme : "c'est très difficile le relationnel. Il faut à la fois qu'on soit visible que l'on sache qu'on est là, mais il faut qu'on soit un petit peu caché pour que les autres ne les voient pas."

Les gens sont dans leur petit coin et il faudrait presque aller les chercher

Jacques, bénévole au Secours populaire

En s'installant au sein de la caserne de Bray et Lù, Yves a trouvé, avec l'aide du maire de la commune, la solution "à l'abri des regards". Le Solidaribus s'arrête ici pendant quelques heures, puis prend la direction en début de semaine de trois autres communes de cette partie du Vexin Français à l'ouest du Val-d'Oise. Aujourd'hui, 80 familles s'approvisionnent auprès du camion.

À Magny-en-Vexin,"il y a 60 familles qui viennent chercher de l'aide", détaille Yves. "Elles viennent aussi des communes environnantes... Des familles monoparentales, des retraités, des gens qui travaillent mais qui n'arrivent pas à joindre les deux bouts."

Un état de la pauvreté en zone rurale

"Depuis l'épisode du Covid, la demande de bénéficiaires a pratiquement doublé", estime Yves. Une enquête - un baromètre de la perception de la pauvreté en France - publiée ce jeudi par le Secours populaire fait état des difficultés financières croissantes vécues par plusieurs catégories de population.

En zone rurale, 45 % des personnes interrogées affirment avoir déjà connu une situation de pauvreté. 

L’inaccessibilité aux services essentiels est par ailleurs "logiquement plus forte en zone rurale", selon ce baromètre. À la question : "pour chacun des services suivants, diriez-vous que vous pouvez y accéder facilement ou difficilement depuis votre lieu d’habitation ?" 44 % des personnes interrogées pour les services de santé et 59 % pour les transports en commun répondent par l'affirmative. 

A lire aussi : le 18e baromètre de la pauvreté et la précarité du Secours populaire 2024

Globalement, selon ce baromètre, la population interrogée en zone rurale perçoit plus intensément toutes sortes de difficultés financières. Pour se loger, prendre soin de son apparence physique ou se procurer une alimentation saine "leur permettant de faire 3 repas par jour".

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