Cyanobactéries : "Avec le changement climatique, la qualité de l’eau va poser de plus en plus problème"

Comme chaque été, la prolifération des cyanobactéries, des bactéries microscopiques qui peuvent provoquer un changement de couleur de l’eau en bleu-vert et une odeur nauséabonde, limite la baignade et les activités dans certaines bases de loisirs. Un phénomène aggravé par le réchauffement climatique.

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Alors qu’un "test event" de triathlon est organisé jusqu’à dimanche sur la Seine à Paris en vue des JO de 2024, les fortes températures attendues ce week-end peuvent également donner envie à de nombreux Franciliens de nager en plein air. Mais en raison d’une trop forte concentration de cyanobactéries dans l’eau, certains lieux doivent fermer ou limiter leurs activités.

C’est par exemple le cas de l’Île de loisirs des Boucles de Seine à Moisson (Yvelines). La baignade mais aussi le paddle, la planche à voile et le wing foil sont interdits "jusqu’à nouvel ordre" dans le bassin, à la demande de l’Agence régionale de santé (ARS) d’Île-de-France. Le dispositif, en place depuis le mardi 8 août, a été maintenu suite à la réception de résultats d’analyses effectuées lundi, prévient la structure sur son site.

Autre cas de figure : au lac de Créteil (Val-de-Marne), où la baignade est déjà interdite en temps normal, l’Île de loisirs restreint également ses activités face à la prolifération de cyanobactéries. Contactée, la structure confirme que seul le kayak est autorisé. La pratique du paddle et de la planche à voile est suspendue.

Comme l’an dernier, des panneaux d’information ont été installés aux abords du lac pour prévenir les promeneurs, explique un membre du collectif du lac de Créteil. Le collectif, qui se donne pour mission de protéger le plan d'eau, alerte chaque année sur la problématique. Une carte interactive, qui permet d’observer sur différents points les amas de micro-organismes accumulés en surface, est disponible sur son site.

"La trop forte présence de cyanobactéries dans un plan d’eau n’entraîne pas uniquement des risques pour d’éventuels baigneurs, ça touche aussi les chiens et la faune sauvage. À Créteil, le problème de la pollution, qui se posait déjà dans les années 1970, n’est pas nouveau. Il y a eu des progrès mais avec le changement climatique et la multiplication des vagues de chaleur, la qualité de l’eau va poser de plus en plus problème", alerte un membre du collectif.

"Le lac, qui est entouré par des zones urbaines et des voies rapides, est alimenté par la nappe phréatique mais aussi par le déversoir du Mont-Mesly. Les eaux de ruissellement se déversent donc dans le lac, mais il y a aussi des déchets et des polluants, en particulier par temps d’orage : les fortes pluies favorisent les rejets d’intrants dans le plan d’eau", poursuit-il.

"C'est un lieu de partage et de détente, mais c’est également un lieu important pour les animaux, les oiseaux notamment. L’eau est précieuse, il faut faire attention", indique le membre du collectif, qui demande "des analyses régulières, une signalétique claire et de faire en sorte que le déversoir arrête d’alimenter le lac".

Quels risques pour les humains et les animaux ?

Sur son site, l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail) rappelle les risques liés aux cyanobactéries. L'établissement public explique que certaines espèces de ces micro-organismes - qui ne sont pas des algues, mais bien des bactéries - produisent des toxines pouvant "représenter un risque pour la santé des humains et des animaux qui consomment de l’eau contaminée, qui sont en contact direct (à travers la baignade ou des activités nautiques par exemple) ou indirect (via la consommation de denrées animales ou végétales elles-mêmes contaminée)".

L’intoxication peut entraîner "des symptômes gastro-intestinaux, des états fébriles et des irritations cutanées" mais aussi "des toxicités hépatiques (problèmes au niveau du foie) et des neurotoxicités (tremblement, fourmillement, paralysie, etc.)". "Les délais d’apparition des symptômes varient de quelques minutes voire quelques heures", ajoute l’Agence.

"Dans certains cas extrêmement rares à ce jour, l’inhalation ou l’ingestion accidentelle de cyanobactéries peut être mortelle", indique l’Anses. L’établissement précise qu’"en France, à date, aucune intoxication humaine létale associée aux cyanotoxines n'a été enregistrée", même si "des épisodes de mortalités de chiens sont régulièrement attribués" aux micro-organismes depuis 2005.

Dans les zones d’accumulation de cyanobactéries, l’Agence conseille ainsi d’"éviter les activités nautiques", de "surveiller les jeunes enfants", de "tenir les chiens en laisse" et de "prendre une douche et consulter son médecin", "en cas d’apparition de signes cliniques suspects (tels que gastro-entérite, démangeaisons, rougeurs, conjonctivite, vertiges, altérations des sensations)" après une exposition. L’Anses appelle aussi à "limiter au maximum la consommation de poissons en provenance de milieux régulièrement concernés par des proliférations".

Au-delà des humains, la trop forte présence de cyanobactéries impacte également "la santé des écosystèmes", en pouvant conduire "à une désoxygénation de l’eau, entraînant une mortalité massive de poissons et d’invertébrés", note l’établissement.

Une prolifération favorisée par "le réchauffement climatique ainsi que l’augmentation des activités humaines"

De son côté, le Muséum national d'Histoire naturelle (MNHN) rappelle que ces bactéries microscopiques, dont l’origine remonte à entre "2,7 et 3,5 milliards d’années", ne doivent pas être réduites à des "nuisibles". "À l’origine de toute la photosynthèse et de l’oxygénation de notre planète", les cyanobactéries, "sans lesquelles nous n’existerions pas", ne produisent pas toutes des toxines, souligne l’établissement. À noter que certaines molécules qu’elles produisent, "trouvent des applications dans le domaine de la santé".

Selon le Muséum, ces micro-organismes sont aussi des "sentinelles". "Fortement liée aux activités humaines qui contribuent à l’eutrophisation des eaux (c’est-à-dire son enrichissement par des nutriments comme le phosphore ou l’azote issus des engrais, NDLR), l’augmentation des proliférations de cyanobactéries partout dans le monde doit nous interpeller sur les menaces qui pèsent sur la qualité de l’eau et la biodiversité", indique l’établissement.

Alors que ces bactéries ont besoin de lumière, de chaleur et de nutriments pour se développer, "le réchauffement climatique ainsi que l’augmentation des activités humaines (agriculture, rejet d’eaux usées insuffisamment traitées…) au cours des dernières décennies ont augmenté la fréquence et l’intensité de ces épisodes", note ainsi le Muséum.

De son côté, l'Anses indique que "l’augmentation globale des températures, mais également les modifications des régimes pluviométriques (multiplication de périodes de grandes sécheresses, épisodes de tempêtes et de pluies violentes…) provoquent des modifications dans le fonctionnement des plans et des cours d’eau", qui "semblent favoriser les proliférations de cyanobactéries". "Cependant, les interactions entre tous ces facteurs et processus sont multiples et encore largement méconnues", nuance l'Agence.

L’ARS, elle, assure qu’elle mène des contrôles sanitaires de l’eau des 18 baignades ouvertes au public en Île-de-France "au minimum une fois par mois", "durant leur période d’ouverture".

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