Les personnels et enseignants du lycée de Cachan, dans le Val-de-Marne, estiment être en danger. Ils exercent depuis mardi leur droit de retrait face à une vétusté prononcée de plusieurs bâtiments. Les élus locaux de "tous bords politiques" ont exprimé leur soutien.
"Il pleut dans les salles de cours et dans les couloirs", confie une enseignante excédée par la situation. Elle dépeint un lycée de près de 2 500 élèves meurtri par sa vétusté. Alarmes et sonneries défaillantes, lignes téléphoniques coupées, infiltrations d’eau et plafonds qui s'effondrent… et une présence de rats. La liste est longue. "Quand il pleut fortement, nous sommes obligés d’utiliser les poubelles de recyclage du papier", ajoute-elle.
"Hier, une dalle est tombée du plafond dans une salle de classe", s'exaspère-t-elle, estimant que personne ne s’y trouvait grâce au droit de retrait exercé par près de la moitié du personnel de l’établissement – enseignants, CPE et assistants d’éducation – depuis ce mardi 27 février.
Quand il pleut fortement, nous sommes obligés d’utiliser les poubelles de recyclage du papier
Une enseignante du lycée polyvalent de Cachanauprès de France 3 Paris Île-de-France
Le lycée polyvalent de Cachan est issu de la fusion en 2017 de deux anciens établissements, dont plusieurs projets de rénovation avaient été annoncés aux enseignants. "La fusion a retardé encore davantage les rénovations prévues", juge Mylène Blavet, enseignante de français et membre du Syndicat national Force ouvrière des lycées et collèges (SNFOLC).
Amiante, infiltrations, rats... "Ce n'est plus tenable"
Elle pointe des travaux "qui ont coûté extrêmement cher" sur le bâtiment Vinci, où seuls l’intérieur et les faux-plafonds ont été refaits, laissant toitures et huisseries sans rénovation.
"Les faux-plafonds sont gorgés d’eau et il y a régulièrement de l'eau au sol." Si des solutions temporaires ont été mises en place par la Région en janvier, Mylène Blavet regrette qu’il pleuve "de nouveau" dans les salles.
Les faux-plafonds sont gorgés d’eau et il y a régulièrement de l'eau au sol
Mylène Blavet, enseignante et syndiquée SNFOLCauprès de France 3 Paris Île-de-France
Or, en dix-huit ans de cours dans cet établissement, Mylène Blavet l’a vu se dégrader "petit-à-petit". Les enseignants font face à un lycée vétuste où les fenêtres à simple vitrage "ne ferment plus" et les salles de classe ne dépassent pas les 12 degrés. "D’habitude, nous ne sommes pas mobilisés à ce point, mais là, ce n’est plus tenable", se désole-t-elle.
"Cours de sciences économiques et sociales, sans chauffage. Lycée public - France - 2023." Il s'agit des mots d'Ilan, un ancien élève de l'établissement, dans une publication vue plus de 30 000 fois sur le réseau social X en janvier 2023. "On avait parfois nos bonnets en cours", ajoute-il aujourd'hui dans une nouvelle publication.
Plus inquiétant, l’enseignante note la présence d’amiante dans "certaines colles" de lino au sein des bâtiments. "Il ne s’agit pas d’amiante volatile, il ne faut pas non plus dramatiser", tient-elle à rassurer. "Mais cela peut poser problème pour les personnels de service qui pourraient être amenés à passer une brosse pour nettoyer le sol ou à percer, détaille-t-elle. Cela ne met pas en danger directement les élèves lorsqu’ils marchent dessus."
Le matin tôt, ainsi que le soir, lorsque les assistants d’éducation sont à la grille, les rats leur montent sur les chaussures
Mylène Blavet, enseignante et syndiquée SNFOLCauprès de France 3 Paris Île-de-France
À l’extérieur, des "colonies de rats" ont envahi l’enceinte de l’établissement, plus particulièrement un passage régulièrement emprunté par les élèves et les enseignants, non loin de l’emplacement des poubelles du lycée. "Il y a énormément de rats à cet endroit-là. Le matin tôt, ainsi que le soir, lorsque les assistants d’éducation sont à la grille, les rats leur montent sur les chaussures", raconte-elle.
Un soutien d'élus locaux "de tous bords politiques"
Selon l’enseignante, la direction de l’établissement "essaie", mais "cela ne dépend pas d’eux". Les enseignants et le personnel en droit de retrait demandent désormais des comptes à la Région. "Des élus de tous bords politiques nous soutiennent, et pour certains, nous ont rendu visite", se réjouit Mylène Blavet.
La députée Génération-s du Val-de-Marne, Sophie Taillé-Polian a apporté son soutien aux enseignants et personnels du lycée dès mercredi, relevant alors un état d’insalubrité qui "met en danger les personnels et a des conséquences déplorables sur les conditions d’étude des élèves", a-t-elle précisé.
L'état d'insalubrité du bâti met en danger les personnels et a des conséquences déplorables sur les conditions d’étude des élèves
Sophie Taillé-Polian, députée Génération-s du Val-de-Marnedans un communiqué
Hélène de Comarmond, maire socialiste de Cachan, et conseillère régionale d’opposition avait alerté la majorité régionale de Valérie Pécresse, arguant une vétusté des locaux "incompatible avec un enseignement de qualité en faveur des élèves".
Face à la dégradation du lycée polyvalent de Cachan, @HdeComarmond était mobilisée ce matin auprès des agents et des enseignants qui exercent leur droit de retrait depuis hier.
— Groupe Socialiste, Écologiste et Radical (@GroupeSER_idf) February 28, 2024
Nous porterons leurs revendications pour que @vpecresse et l'@iledefrance agissent au plus vite ! pic.twitter.com/FNM7B7epV0
Elle s’est rendue mercredi matin au sein de l’établissement pour échanger avec les enseignants, à l’instar du conseiller municipal de Cachan Les Républicains (LR) Sébastien Trouillas qui a également apporté son soutien au personnel.
"J'ose espérer que notre droit de retrait sera reconnu par la commission FS et que des mesures urgentes vont être prises", nous témoigne une enseignante à propos de la réunion exceptionnelle de la formation spécialisée en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail (FS-SSCT) académique, ex-CHSCT, qui s'est tenue ce vendredi au rectorat de Créteil.
L'établissement a également reçu la visite d'un inspecteur santé et sécurité au travail (ISST) du rectorat ce jeudi "pour faire les premières constatations", ce qui a eu pour conséquence la fermeture de certaines salles du lycée.
Quant à la Région, elle affirme être consciente de l’urgence et annonce "une seconde opération de rénovation globale" dès 2026 auprès de nos confrères du Parisien.
Elle reconnaît que l'établissement souffre "d'une vétusté importante et d'une organisation à repenser", a-t-elle précisé dans un communiqué. Également, les agents du lycée auraient depuis retiré "les dalles gorgées d’eau" et un budget total "sera soumis au vote" concernant la toiture du bâtiment Vinci.