Contrats précaires, manque de personnel... Dans le Val-de-Marne, un maire dénonce une "situation invraisemblable". De leur côté, des syndicats d'enseignants, des parents d'élèves se mobilisent pour réclamer des moyens.
Une situation "ubuesque", s'exclame Hervé Gicquel, le maire LR de Charenton-le-Pont. Lors de la rentrée, "j'ai trouvé des enfants désorientés, accrochés littéralement à la directrice du centre de loisirs et tous les animateurs AESH (Accompagnants des Élèves en Situation de Handicap) étaient en face, à quelques mètres d'eux, complètement statiques ! Ils ne pouvaient pas eux-mêmes intervenir auprès des enfants... faute de contrat.".
Selon une loi récente, datant de mai 2024, c'est désormais l'État qui doit prend en charge la contractualisation et le financement de ces animateurs spécialisés sur la pause méridienne. Auparavant, sur ce temps périscolaire, leur recrutement et leur financement étaient du ressort de la ville.
Lors de la rentrée, la municipalité de Charenton-le-Pont a relevé que 13 AESH intervenant sur la pause méridienne "étaient toujours en attente de leurs contrats", sans visibilité sur leurs salaires".
Dans l'attente d'une régularisation de leurs situations, la municipalité a décidé sans tarder de se "substituer à l'État" et de financer sur ses fonds propres ces AESH. "Je continue d'interroger l'État sur cette situation et pour l'instant, je n'ai pas de réponse, mais je leur transmettrai la facture de la rémunération (...) je trouve invraisemblable que l'administration de l'Éducation nationale ne mette pas en œuvre les textes que son ministre a pu signer", dénonce le maire de Charenton-le-Pont.
"On voit bien qu'il n'y a pas les moyens"
"Il y a des discours qui montrent que les différents gouvernements souhaitent développer une école inclusive. Mais sur le terrain, on voit bien qu'il n'y a pas les moyens", résume Jean-Baptiste Bennoit, co-secrétaire départemental du SNUIPP 94, syndicat des instituteurs, professeurs des écoles.
Son syndicat, mais aussi la FCPE 94, la Fédération des parents d'élèves du Val-de-Marne, organisent mercredi à 14 heures un rassemblement intersyndical devant la DSDEN, la direction des services départementaux de l'éducation du Val-de-Marne à Créteil. Représentants syndicaux, parents d'élèves dénoncent les conditions de rentrée que subissent les élèves en situation de handicap dans le département.
Jean-Baptiste Bennoit, par ailleurs directeur d'une école à Arcueil, témoigne. "Dans mon établissement, j'ai six élèves (en situation de handicap) qui n'ont pas d'aide d'AESH. Dans d'autres écoles, il y a parfois une AESH seulement, pour six élèves (...) et par conséquent, il faut faire des choix. On priorise les élèves qui ont le plus besoin. Mais quand l'enseignant se retrouve seul dans la classe sans accompagnement. Il fait de son mieux et il n'a pas le temps, pas les moyens de s'occuper de tous ses élèves et du coup, la scolarisation est catastrophique."
"Un gros problème de recrutement"
Manque d’AESH, manque d’enseignant.es spécialisé.es, ouverture de dispositifs unités l'Inclusion Scolaire sans moyens humains, manque de places dans les classes et structures spécialisées… L’intersyndicale déroule sa liste des moyens manquants.
"On a un gros problème de recrutement, l'administration n'arrive pas à recruter suffisamment pour combler tous les besoins, toutes les notifications", explique Jean-Baptiste Bennoit. C'est-à-dire des droits attribués par la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH) à des familles qui leur permettent d'obtenir, pour leurs enfants, des aides comme un aménagement scolaire, une aide individuelle ou un placement en structure spécialisée.
Rassemblement intersyndical mercredi 9 octobre à 14h devant la DSDEN de Créteil : des moyens pour la scolarisation des élèves en situation de handicap ! https://t.co/Rnfpvq0Hrr pic.twitter.com/q3if5kooec
— Fsu-Snuipp 94 (@FsuSnuipp_94) October 3, 2024
Pour l'Intersyndicale, le manque de candidatures est à l'origine de ce problème de recrutement. Malgré les campagnes de recrutement répétées par l'Education nationale, la profession d'AESH attire peu.
Et pour cause, explique le co-secrétaire du syndicat SNUIPP. "On leur propose des contrats à temps partiel sur du 26 heures sur 36 semaines et c'est payé environ 66 % du SMIC, de l'ordre de 700 euros par mois."
Parmi leurs revendications, l'intersyndicale demande de "rendre le métier d’AESH attractif" avec pour objectif une revalorisation salariale, mais aussi dans les établissements scolaires le recrutement de psychologues, de médecins scolaires et d'infirmières.
"On sait que les services de l'administration sont débordés, en sous-effectif. Mais voilà, dans les écoles. La situation est explosive. Quand il y a un élève en situation de handicap et qu'il n'y a pas son accompagnateur. Il peut mobiliser toute l'attention de son enseignante et du coup, c'est l'ensemble des apprentissages de la classe qui ne sont plus possibles", insiste le représentant du syndicat SNUIPP 94.