"Ça met en danger les élèves en situation de handicap" : des enseignants protestent contre le manque de moyens dans le Val-de-Marne

À Arcueil, l’ensemble de l’équipe enseignante d’une école élémentaire a décidé d’exercer son droit de retrait. Ils dénoncent les conditions de scolarisation des élèves en situation de handicap, et les conséquences sur leur sécurité.

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Les 229 élèves de l’école élémentaire Henri Barbusse "n’ont pas été accueillis" ce lundi matin, explique Jean-Baptiste Bennoit, le directeur de cet établissement situé à Arcueil, dans le Val-de-Marne, qui assure que "les familles sont compréhensives". Les 11 enseignants ont appliqué leur droit de retrait pour pointer du doigt "les problèmes autour de l’accueil des élèves en situation de handicap".

Alors que l’école en compte 10 au total, huit d’entre eux "censés bénéficier d’un accompagnement individuel n’ont pas leur AESH" - les personnels chargés d’accompagner, aider et veiller à la sécurité des élèves concernés. "Les enseignants doivent assurer la surveillance des classes en plus des élèves en situation de handicap. Quand un élève court dans un couloir par exemple, ça entraîne des problèmes de sécurité et d’encadrement, avec des risques d’accident", déplore Jean-Baptiste Bennoit, par ailleurs co-secrétaire départemental du syndicat FSU-SNUipp 94.

"Les enseignants avaient déjà alerté leur hiérarchie lors des premiers jours de classe", raconte de son côté Magalie Trarieux, également co-secrétaire départementale du syndicat, alors qu’une Unité localisée pour l'inclusion scolaire (Ulis) a été ouverte au sein de l’établissement d'Arcueil à la rentrée. "Il n’y avait pas de coordinatrice pour le dispositif Ulis. Ce dispositif, annoncé en mars dernier, est censé permettre d'accueillir des élèves en situation de handicap, qui vont ensuite dans des classes ordinaires, selon les besoins et les possibilités. Les conditions ne sont pas réunies pour accueillir les élèves", poursuit-elle.

"Il n’y a pas d’enseignant spécialisé. Il y en a de moins en moins, les conditions de travail sont très compliquées. Des contractuels ont été nommés à la rentrée, mais il n’y a aucun personnel stable pour ouvrir le dispositif. Il n’y a pas eu non plus de recrutement d’AESH dédié au dispositif", toujours selon Magalie Trarieux. "Le manque de moyens, ça met en danger les élèves en situation de handicap et a pose problème pour leur inclusion. Quand ils ne sont pas accompagnés, ils ne peuvent pas suivre. Il y a aussi des dangers physiques liés au bâti scolaire, par exemple dans les escaliers", explique-t-elle.

"Les enseignants sont épuisés, les AESH démissionnent"

"Pour éviter un accident et obtenir des moyens, la mobilisation des enseignants et des parents d'élèves - ce n’est pas encore le cas à Arcueil - est nécessaire. À Ivry-sur-Seine, au sein de l’école Makarenko, il y a eu une mobilisation cette année avec des blocages et une occupation, et trois AESH ont été recrutés pour le dispositif Ulis. Fin mai, un élève s'était enfui et retrouvé devant la mairie. Il avait alors été renversé, et en était heureusement ressorti indemne. Ça avait secoué la communauté éducative", indique Magalie Trarieux.

"Le manque de moyens, c’est fréquent dans les établissements. Les enseignants sont épuisés, les AESH démissionnent", souligne-t-elle. Laurana, une AESH au sein d’un établissement de Bonneuil-sur-Marne, explique ainsi être "toute seule avec cinq enfants à accompagner".

"Deux des élèves sont censés être suivis individuellement, et pour les trois autres c’est mutualisé. Un enfant qui entre en CP a un trouble assez lourd, il ne peut pas suivre le programme, je dois sortir de la classe avec lui faire d’autres activités… Et je ne peux pas gérer tout le monde, ça met en difficulté les élèves. Les enfants peuvent faire des crises s’ils ne sont pas canalisés, et déranger les autres. Ils peuvent aussi se retrouver seuls. Et pour moi, c’est une grosse charge de travail, sans planning fixe. Je gagne 1050 euros par moi pour 24h par semaine", déplore-t-elle.

"Il n’y a pas de solution miracle à court terme"

Concernant le dispositif de l’école d’Arcueil, l’académie de Créteil répond que "l'enseignant coordinateur a été nommé et a pris ses fonctions à la rentrée" et qu’il est "accompagné pour cette prise de fonctions par le service départemental École inclusive". "L'école accueille par ailleurs 4 AESH pour accompagner les élèves" concernés "et une AESH supplémentaire recrutée prendra ses fonctions le 16 septembre", ajoute l’académie.

Une rencontre entre les enseignants et l'inspecteur de circonscription a eu lieu ce lundi matin. "La direction précise que le droit de retrait n’est pas justifié, parce qu’il ne concerne pas directement les agents. La hiérarchie demande de reprendre le travail. La réunion a tout de même permis de mettre les choses à plat", indique Jean-Baptiste Bennoit.

"Il n’y a pas de solution miracle à court terme, avec les problèmes de recrutement et d’attractivité pour les classes inclusives. L’académie n’a pas de personnel à envoyer. Donc il ne reste que du bricolage. À  défaut, les contractuels ne sont pas formés", déplore le directeur, qui précise qu’une réunion entre les enseignants était prévue cet après-midi, avec la possibilité d’un appel à la grève ce mardi.

Plusieurs syndicats - FSU-SNUipp, CGT éducation et Sud éducation - organisent un mouvement de grève au niveau national le 10 septembre, pour réclamer notamment de meilleures conditions de travail pour les enseignants.

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