À l'ombre de Paris, Emile Zola et sa maison sanctuaire de Médan

Pour ce dernier épisode consacré aux demeures de personnalités, nous partons dans les hauteurs de Médan, près de Poissy. C'est là qu'Emile Zola s'établit chaque année, de mai à décembre, pour se consacrer à son activité littéraire prolifique, mais également pour recevoir ses amis, loin du tumulte parisien.

La Seine, une ligne de chemin de fer et plus loin, une maison qui ne ressemble à aucune autre. "C'est en 1878, grâce aux droits d'auteur qu'il touche pour l'Assommoir, que Zola achète cette petite maison centrale de Médan, qu'il appelle sa cabane à lapin", confie Martine Leblond-Zola, vice-présidente de l'association Maison Zola-Musée Dreyfus.

Pour l'arrière-petite-fille de l'écrivain et journaliste, ce pavillon proche de Poissy, dans les Yvelines, était un "havre de paix" à seulement une heure de Paris par le train. "Dans sa jeunesse, Zola passait ses étés à Bennecourt, avec ses amis impressionnistes. Il a toujours aimé le contact de l'eau, et c'est pourquoi la proximité de cette maison avec la Seine l'a attiré, détaille-t-elle. Il fuyait les mondanités parisiennes, les critiques de Paris. Il voulait un refuge à l'abri de tout, dans le silence, dans la nature. Un lieu propice à la méditation et à l'imaginaire."

Grâce aux photographies du romancier, la maison a été reconstituée presque à l'identique. "Nous avons eu le privilège de conserver tous les décors, et notamment les lambris, les plafonds, les carrelages et les vitraux", se réjouit Martine Leblond Zola. 

Une maison en expansion

Au fil de ses succès littéraires, Emile Zola va agrandir cette "cage à lapin" pour en faire une véritable maison de campagne, où il recevra amis et artistes. "Avec les droits d'auteur de Nana, il fait construire la tour rectangulaire qui contient la salle à manger, la cuisine, la chambre et au dernier étage son grand cabinet de travail", explique la descendante de l'écrivain. "Avec le succès de Germinal, il fait construire l'autre tour hexagonale, qui accueille son grand salon et au premier étage la lingerie", ajoute-t-elle. En tout, Emile Zola acquiert près d'un hectare de terrain. 

Petit à petit, la propriété s'agrandit : un pavillon pour recevoir les amis, une serre, un potager, un verger, une écurie, une ferme, une basse-cour. Car ici, les animaux sont rois : "Emile Zola a défendu la cause animale. Il était d'ailleurs très attaché à son petit chien, qui s'est laissé mourir de chagrin lors de l'exil de son maître en Angleterre", rapporte Martine Leblond-Zola.

Un amour des bêtes qui lui vient, selon son arrière-petite-fille, de son sens de la justice. "Il disait : 'Je serai toujours du parti des vaincus'. Pour lui, les animaux étaient des êtres faibles, car ils n'ont pas la parole. C'est pourquoi il faut les protéger", explique Martine Leblond-Zola, qui œuvre à la mémoire de l'illustre écrivain et à la sauvegarde de cette maison depuis 40 ans.

Ce parti des plus faibles, Emile Zola continuera de le prendre toute sa vie, au travers de son œuvre ou de ses engagements politiques, et notamment en défendant avec son texte "J'accuse" l'officier Alfred Dreyfus, condamné à tort de trahison. "Il a dénoncé toutes les iniquités sociales pour que la société prenne conscience qu'il fallait changer la donne. C'était un humaniste et un républicain convaincu", déclare fièrement son arrière-petite-fille.

Une revanche sur la misère

Dans cette maison cossue et très moderne pour son époque, deux pièces marquent particulièrement les esprits. Le vaste salon, d'abord, où les vitraux qui "annoncent le style art déco" font entrer la nature environnante dans la maison. "Zola a presque transformé cette pièce en jardin d'hiver", s'émerveille Martine Leblond-Zola.

Au centre de la pièce, un grand palmier et sur les murs, des instruments de musique, des armes ou encore un portrait d'Emile Zola, avec ses parents. Issue de la bourgeoisie provençale, la mère de l'écrivain rencontre des difficultés financières après le décès de son mari. "Ils partent d'Aix-en-Provence et montent à Paris. C'est là que Zola va véritablement rencontrer la misère. Il va au mont-de-piété pour s'habiller, pour manger il troque des morceaux de laine de son matelas. Et c'est parce qu'il a vécu cette misère qu'il peut la raconter", raconte la vice-présidente.

Devenu célèbre, Emile Zola va renouer avec la tradition bourgeoise et accumuler beaucoup d'objets venus du monde entier. "Il n'aime pas spécialement les objets de luxe mais il aime l'aspect universel des choses. Il achète un vase japonais, il a aussi beaucoup de poteries, le buste d'un moine alors qu'il n'est pas du tout religieux. C'est sa revanche sur la misère".

"Nulla dies sine linea"

Mais la pièce maîtresse de cette maison reste le bureau de l'écrivain, son sanctuaire, où personne n'était autorisé à monter. "Il faut dire qu'ici, il habite déjà avec tous les personnages de ses romans", s'amuse Martine Leblond-Zola.

Car c'est en effet dans cette pièce que l'artiste a rédigé une grande partie du cycle des Rougon-Macquart, avec rigueur et méthode. "Zola montait ici tous les jours, de 9h à 13h, avec son petit chien. Au-dessus de la cheminée, il y a la devise latine de Pline l'Ancien 'Nulla dies sine linea', ce qui veut dire pas une journée sans ligne", explique sa descendante. Il écrivait tous les jours quatre à cinq pages de manuscrit, ce qui peut sembler peu, mais il pensait ses œuvres comme une grande symphonie musicale".

"Admirative et très fière"

Dans cet espace, propice à la réflexion, Martine Leblond Zola confie son respect pour cet arrière-grand-père au destin hors-norme : "C'est un homme exceptionnel qui s'est sacrifié pour sauver un innocent de la mort (Alfred Dreyfus, ndlr). Je suis admirative et très fière, c'est pour cela que je m'investis, pour transmettre ses valeurs morales de fraternité et de vivre ensemble."

Après le décès d'Emile Zola en 1902, sa femme, Alexandrine Zola, va progressivement vendre le terrain et la maison pour faire face aux difficultés financières. La maison sera par la suite la propriété de l'assistance publique, et deviendra une pouponnière pour les enfants convalescents de l'hôpital Necker.

En 1984, une association est créée afin de permettre la réouverture de la maison de l'écrivain. Grâce au mécénat de Pierre Berger, des travaux de rénovation d'ampleur ont pu être réalisés, avec pour condition d'ouvrir un espace dédié à l'affaire Dreyfus. En octobre 2021, la Maison Zola rouvrait, après dix ans sans public. Au bonheur des Médanais. 

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