Alors que plusieurs hommages sont prévus vendredi 15 et samedi 16 octobre, un an après la mort de Samuel Paty, comment se sentent les enseignants face aux difficultés rencontrées pour aborder certains sujets comme la religion ? Paroles d’une prof.
C’était il y a un an : le 16 octobre 2020, Samuel Paty a été assassiné près du collège où il enseignait, à Conflans-Saint-Honorine (Yvelines). Le professeur d'histoire-géographie de 47 ans a été poignardé et décapité par un terroriste islamiste âgé de 18 ans, qui lui reprochait d'avoir montré des caricatures de Mahomet issues de Charlie Hebdo lors d'un cours d'enseignement moral et civique sur la liberté d'expression.
"Un an après, quand on se parle, on se rend compte qu’on n’a pas digéré. Non pas parce qu’on est dans le déni, mais parce qu’on n’accepte pas ce qui a pu arriver à Samuel Paty", explique Christine Guimonnet, enseignante et secrétaire générale de l’Association des professeurs d’Histoire-Géographie, dans le bureau où elle prépare ses cours depuis 30 ans. Elle est l’illustration d’une profession bousculée par les croyances religieuses qui surgissent en classe.
Débat autour du port de signes religieux, risques d’auto-censure… Comment font les profs quand quand il s’agit d’évoquer les sujets qui fâchent ? "Il y avait déjà des difficultés avant, raconte Christine Guimonnet. Et il ne faut ni les généraliser, ni les minimiser, lorsque des parents d’élèves disent par exemple : "Je ne comprends pas bien pourquoi dans le programme il y a un chapitre sur l’islam, ce n’est pas notre religion." Ou quand un élève dit, lorsqu’on veut visiter une cathédrale : "Non, je n’ai pas envie, le christianisme n’est pas ma religion"."
"On va entrer dans une discussion, poursuit l’enseignante. Et il faut aussi que les parents comprennent que ce ne sont pas eux qui décident ce qui se trouve dans les programmes scolaires." Et d’ajouter : "On peut critiquer une religion. Et il faut faire la différence entre critiquer un dogme, une pratique qui peut être rigoriste, et injurier des individus."
"On peut avoir des élèves un peu sensibles sur certaines questions"
"On peut avoir des élèves qui sont un peu sensibles sur certaines questions, note-t-elle. Mais dans l’échange qu’on va avoir avec eux, on peut travailler très sereinement aussi. Par contre quand un élève me dit "madame, de toute façon quand on parle de la guerre d’Algérie, les harkis ce sont des traîtres", je vais l’interroger pour savoir ce qu’il veut dire, et on passera après deux heures avec une spécialiste de la question harki. Et ça change beaucoup de choses."
Les profs sont engagés aujourd’hui sur une ligne de crête : enseigner l’histoire sans oublier la moindre page, en s’efforçant plutôt de désamorcer les crispations. "On ne va pas travailler en pensant systématiquement qu’on est en danger, explique Christine Guimonnet. On est déterminé à faire le métier pour lequel on a été formé. Par contre, on est plus vigilant et on sait qu’on doit être solidaire."
On est plus vigilant et on sait qu’on doit être solidaire
Plusieurs hommages à Samuel Paty ont été annoncés. Sont notamment prévus une minute de silence et des échanges dans tous les établissements scolaires ce vendredi.
Suivront samedi un hommage dans le collège du Bois d'Aulne où l’enseignant assassiné travaillait, une cérémonie à Eragny-sur-Oise, où la victime vivait, une autre à Conflans-Sainte-Honorine, l’inauguration d’un square Samuel-Paty à Paris. Une plaque doit également être présentée au ministère de l'Education nationale.