La colère gronde dans les Ehpad Korian touchés de plein fouet par l’épidémie

Ils naviguent en pleine tempête depuis deux mois. Les salariés de Korian, leader européen des maisons de retraites, se sont mobilisés ce lundi pour demander de meilleures conditions de travail, la revalorisation des salaires et le versement de primes. Reportage à Poissy. 
 


Ils sont une trentaine ce lundi matin, regroupés devant la maison de retraite L’île de Migneaux de Poissy (Yvelines). Des salariés du groupe Korian qui disent n’en plus pouvoir de leurs conditions de travail. Parmi eux, Vanessa Illy, auxiliaire de vie, jamais loin des larmes lorsqu’elle raconte ses 12 heures de travail quotidien pour 1 150 euros net par mois. Et surtout son impuissance à s’occuper au mieux des personnes âgées, faute de personnel en nombre suffisant.

Tout le monde est responsable de ces décès


Ici, sur les 100 résidents, dix sont décédés depuis le début de l’épidémie. Une hécatombe qu’elle impute au groupe Korian qui n’aurait rien fait, selon elle, pour inverser la tendance. "C’est traumatisant de voir une personne qui souffre sans que l’on ne puisse rien faire. Ça a été très dur surtout au niveau du matériel car on n’avait rien. On s’est tous mis en danger parce qu’on ne pouvait pas les laisser. Si ces personnes sont décédées du Covid, c’est parce que nous leur avons transmis. Tout le monde est responsable de ces décès, que ce soit Korian ou n’importe quel Ehpad. Parce qu’on n’avait pas les moyens."

Un discours partagé par Nicolas Pruvost, le seul animateur présent sur le site durant ces deux derniers mois. "On veut plus de moyens humains, plus de budget pour accompagner les résidents. On veut une reconnaissance du métier et du travail qu’on effectue au quotidien. On veut une reconnaissance de l’Etat mais aussi de nos dirigeants qui viennent trop rarement sur le terrain et ne comprennent pas nos problématiques." Des revendications qui se lisent, devant cet Ehpad, sur des pancartes en cartons : "Nous ne sommes pas des héros", "La vie avant le profit" ou encore "Nous ne voulons pas de médailles mais de meilleurs salaires et plus de moyens". A peine remis au goût du jour. Car sur les cinq dernières années, cette maison de retraite a déjà connu quatre mouvements sociaux.
 

Avec l’épidémie, beaucoup disent que la situation s’est encore détériorée. "Si on avait été plus nombreux et si nous nous étions activés plus vite, on n’en serait pas là. On a attendu la dernière minute pour s’organiser. Il a fallu qu’on se batte pour obtenir du matériel. Les masques, on ne les a que depuis le 24 mars", regrette Nadia Boutmar, déléguée du personnel de la maison de retraite. 

"Un projet de soin individualisé"

Des discours qui tranchent franchement avec les publicités pour cette résidence. Sur son site internet, le leader européen des maisons de retraite privées promet, à Poissy, une prise en charge qui repose sur "un projet de soin individualisé, qui permet un accompagnement quotidien fondé sur le respect de la personne âgée, de ses habitudes, de ses volontés et de son rythme de vie". Bien éloigné de la réalité selon les salariés de Korian qui, à l’appel de trois syndicats, ont décidé de faire grève dans une soixantaine d’établissements ce lundi.

Parmi leurs revendications, il y a les effectifs, la revalorisation de salaires, le versement de la prime de 1 000 euros promise par l’employeur et de celle du gouvernement. "La prime de la direction, on devait l’avoir en avril, puis en mai. On parle maintenant de juin, déplore Albert Papadacci, délégué syndical à la CGT, interrogé sur France Info. On nous disait qu’elle serait de 1 000 euros. On nous explique aujourd’hui qu’elle peut aller jusqu’à 1 000 euros. Mais on n’a toujours pas les critères. Quant à la prime de 1 500 euros promise par Olivier Véran, le décret n’est pas sorti donc on ne sait pas si on va l’avoir parce qu’on ne nous en parle pas." Le délégué syndical souhaiterait que l’Etat, qui accorde des aides aux Ehpad privés lucratifs, exerce un contrôle plus strict sur les dépenses de ce groupe. Un groupe dont les bénéfices nets ont culminé à 136 millions d’euros l’an passé et qui, sous le feu des critiques, a renoncé à verser 54 millions d’euros de dividendes à ses actionnaires le 29 avril.

Pour tenter d’apaiser les tensions avec ses salariés, Korian promet de nouveau qu’une prime sera versée. De 1 500 euros pour tous en juillet "au-delà du dispositif prévu par le gouvernement" selon Nadège Plou, la directrice des ressources humaines. Pas sûre qu’elle contente les grévistes. A bout.

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