Des stages de citoyenneté pour les mineurs au très symbolique musée Alfred Dreyfus

Faire un stage de citoyenneté dans un lieu mémoriel. A l'automne prochain, le musée Dreyfus de Médan, dans les Yvelines pourrait accueillir des mineurs ayant commis une infraction relative à des faits à caractère raciste, antisémite, sexiste ou bien encore homophobe.

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C’est un lieu paisible, à quelques kilomètres de Paris. Une grande bâtisse en pierre, entourée d’un jardin de verdure. Si les murs pouvaient parler, ils raconteraient sans doute les soubresauts de l’histoire, des siècles passés jusqu’à notre époque.  

Aujourd’hui lieu de mémoire, cette demeure fut la résidence secondaire du grand écrivain Emile Zola, le romancier et journaliste, auteur de « Germinal », mais aussi du célèbre « J’accuse », tribune dont le texte publié dans « l’Aurore » orna la première page du journal. Emile Zola y prenait alors la défense du capitaine Alfred Dreyfus, accusé à tort de trahison à la fin du XIXème siècle sur fond d’antisémitisme.

À côté de sa demeure, un musée Dreyfus a été érigé. 

Des profils ciblés : des jeunes entre 13 et 18 ans

Et c’est précisément dans ce lieu hautement symbolique, situé à Médan dans les Yvelines, que des stages de citoyenneté vont être proposés. Public visé : des jeunes entre 13 et 18 ans, auteurs d'infractions à caractère raciste, antisémite, homophobe ou encore sexiste. « L’objectif de ces stages de citoyenneté, c’est avant tout la prise en charge de ces mineurs qui ont commis une infraction pénale », explique Philippe Toccanier, procureur adjoint auprès du tribunal judiciaire de Versailles.

Ce type de stage pourra également être envisagé pour des jeunes ayant commis des atteintes aux valeurs républicaines, ou bien « des actes répréhensibles vis-à-vis de personnes dépositaires de l’autorité publique, comme des policiers dans le cadre d’outrage, de rébellion, ou encore des personnes chargées de mission de service publique, par exemple des enseignants, ou des médecins », poursuit-il.

Ces formations pédagogiques à destination des mineurs ont été rendues possible, grâce à la signature d’une convention. C’était le 1er juin dernier. Une première étape pour ce projet. « Cette convention a été signée dans le cadre du plan mis en place par le Comité départemental contre le racisme et l’antisémitisme. L’une des priorités était de lutter contre ce type de phénomène lié à la haine, au racisme, à l’antisémitisme… ». éclaire Philippe Toccanier.

Ce contrat englobe dans ce projet à la fois la maison Zola-musée Dreyfus, le parquet de Versailles et la Délégation Interministérielle à la Lutte Contre le Racisme, l'Antisémitisme et la Haine anti-LGBT (Dilcrah). « L’idée c’était de mettre en place au niveau des Yvelines, un stage dans ce lieu mémoriel que sont la maison Zola et le musée Dreyfus. C’était l’un de nos objectifs, de faire en sorte que ce lieu mémoriel serve aussi de lieu de prise en charge de mineurs qui commettent ce type de délit », assure le procureur.

Des ateliers pédagogiques

Pour ce qui est du programme des stages, dans un premier temps, la journée devrait débuter par l’intervention d’un magistrat du parquet ou l’un de ses délégués. Puis un exposé devrait être fait sur l’affaire Dreyfus et des échanges pourraient avoir lieu autour de l’antisémitisme. Enfin, la formation pédagogique devrait se poursuivre par la visite de la maison Zola et du musée Dreyfus.

Quant à l’après-midi, des tables rondes devraient être organisées avec différents intervenants. « Il pourrait y avoir des sociologues, des philosophes qui ont réfléchi à ces questions-là et avec lesquels on va monter des projets très précis. Et pourquoi pas aussi avec des journalistes », précise l'historien Philippe Oriol, qui dirige la maison Zola-musée Dreyfus. Il tient à souligner que tous ces ateliers sont encore « modulables ».

« Un stage à vocation républicaine »

Côté thématiques, « les infractions en matière de presse, le harcèlement, la haine en ligne, l’impact que peut avoir une atteinte à caractère homophobe, sexiste, antisémite, ou raciste », espère l'historien. Une réflexion collective et qui vise notamment à renforcer la citoyenneté de ces jeunes, et à déconstruire tous leurs préjugés. « Nous souhaitons faire travailler ces jeunes ensembles autour de questions qui vont les amener justement à réfléchir et à reconsidérer la portée de leur acte », tient à souligner Philippe Oriol.

« L’objectif est d’accroître chez eux tous les sentiments relatifs à la tolérance, au respect d’autrui, aux valeurs républicaines. C’est un stage à vocation républicaine », précise M.Toccanier. « L’idée est de tenter d’expliquer à ces jeunes ce que peut générer ces actes. Il faut insister sur le fait que c’est inacceptable. Il faut conforter ces jeunes dans leur rôle de citoyen, ou les inciter à le devenir. Nous avons de grandes difficultés parfois à expliquer à ces jeunes que ce sont des actes répréhensibles », note le procureur adjoint. Ces stages devraient se dérouler sur une journée.

Une mission éducative dans ce lieu mémoriel

Adultes, enfants, retraités, scolaires… Dans ce lieu rempli de souvenirs d’un passé pas si lointain, les visiteurs se succèdent pour découvrir ces morceaux d’histoire qui restent à jamais gravés dans notre mémoire collective. Et pour l’historien Philippe Oriol, ces « parcours pédagogiques », en direction de ces différents publics, dont bientôt ces mineurs, font partie intégrante de la mission du musée Dreyfus. Il s'agit ici de s’imprégner du passé pour éclairer le présent : « Nous sommes un musée citoyen et engagé. L’idée à travers le devoir de mémoire est de ne pas oublier. Et voir ces mécanismes du passé peut parfois nous faire réfléchir aussi sur un certain nombre de comportements. On est dans une époque aujourd’hui qui est extrêmement violente. Quand vous voyez certains dessins dans ce musée, vous avez l’impression de retrouver certains dessins dans une certaine presse aujourd’hui. Pareil pour certains discours ».

Faire réfléchir ces jeunes sur leur rapport au passé et à la mémoire, c’est bien l’un des enjeux de ces ateliers. « On souhaiterait également que les parents viennent accompagner ces jeunes. On ne peut pas les obliger, mais on peut fortement les inciter à visiter le musée et la maison Zola », insiste M.Toccanier.

Un stage pour les mineurs quel que soit le stade de la procédure

L’idée est de proposer ce type de sanction, c’est-à-dire ce stage de citoyenneté, à tous les stades de la procédure judiciaire. « En fonction de la gravité des faits, on va pouvoir le faire soit en alternative des poursuites, dans ce cas c’est le parquet qui le pilote avec un délégué du procureur. On peut le faire aussi à titre de peine complémentaire prononcée par un tribunal pour enfant ou un juge pour enfant, ou bien dans le cadre de l’exécution des peines, prononcée cette fois par un juge pour enfant, mais statuant comme juge d’application des peines », précise M. Toccanier.

La protection judiciaire de la jeunesse est, bien entendu, associée à ce projet. Ces stages s’inscrivent dans la prise en charge de ces jeunes faite par les éducateurs de la PJJ. Un accompagnement qui peut durer de 6 à 18 mois. « Cela va être un élément parmi d’autres pour permettre une réinsertion qui est souhaitable pour tout le monde. L’idée c’est de faire comprendre à des jeunes que leur comportement doit évoluer», précise M. Toccanier. Le parquet espère que cinq à six sessions, comprenant de huit à dix jeunes, aient lieu chaque année dans ce lieu mémoriel des Yvelines.

Les premiers stages de citoyenneté devraient débuter à l’automne prochain.

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