Charles Pasqua et André Santini ont-ils détourné des fonds publics lors de la création avortée de la fondation d'art Jean-Hamon? Condamnés en première instance, les anciens ministres ont fait appel et sont rejugés à partir de ce lundi à Versailles.
Charles Pasqua et André Santini, qui devraient être présents à l'audience, avaient été condamnés en janvier 2013 à deux ans de prison avec sursis, assortis respectivement d'amendes de 150.000 et 200.000 euros, mais aussi de deux et cinq ans d'inéligibilité. Charles Pasqua, 87 ans, a mis un terme à sa vie politique, mais André Santini, 73 ans, est toujours député-maire (UDI) d'Issy-Les-Moulineaux, ville cossue des Hauts-de-Seine.
La justice reproche aux protagonistes de cette affaire de détournements de fonds présumés, des surfacturations et l'émission de fausses factures. Parmi les onze personnes jugées en première instance, seul l'architecte Jean-Michel Wilmotte avait été relaxé. Les anciens ministres comparaîtront aux côtés de cinq autres prévenus qui avaient eux aussi fait appel. Parmi eux, le promoteur immobilier et collectionneur d'art Jean Hamon, 79 ans, condamné en première instance à deux ans de prison avec sursis, 200.000 euros d'amende et l'interdiction de gérer une entreprise commerciale pendant cinq ans. Deux proches de M. Hamon, un proche de M. Santini et une ancienne fonctionnairedu conseil général des Hauts-de-Seine seront également sur le banc des prévenus.
«C'était un projet magnifique»
L'affaire remonte à 2001, quand la ville d'Issy-les-Moulineaux et le conseil général des Hauts-de-Seine, alors présidé par Charles Pasqua, créent le syndicat mixte de l'Ile-Saint-Germain (SMISG). Objet de cette structure publique: construire un musée Jean-Hamon pour abriter 192 oeuvres d'art contemporain, d'une valeur estimée à 7,5 millions d'euros, données par le promoteur.
Le temps d'édifier le musée sur cette île de la Seine, le syndicat mixte s'engageait à stocker et entretenir les oeuvres dans la propriété de Jean Hamon à Bullion, dans les Yvelines, en payant charges et loyers. En 2004, coup de théâtre: le projet de musée est enterré après le recours d'associations écologistes. Mais, dès 2003, une enquête est ouverte après des dénonciations du comptable de Jean Hamon. Des charges facturées au syndicat mixte par différentes sociétés gérées par le promoteur et ses proches intriguent la justice. MM. Pasqua et Santini sont poursuivis en tant que, respectivement, président et vice-président du syndicat mixte, dont ils validaient les dépenses vers les sociétés de Jean Hamon en signant des factures.
Lors du premier procès, le procureur avait fustigé "un système organisé" au sein duquel les deux hommes "avaient conscience que M. Hamon s'enrichissait sur le dos du syndicat mixte". "C'est un dossier dans lequel Charles Pasqua a été renvoyé et condamné sans preuves", affirme l'une de ses avocats, Jacqueline Laffont. En clamant son innocence à la barre, M. Pasqua avait regretté que le musée n'ait jamais vu le jour: "C'était un projet magnifique." "La donation était parfaitement licite", insiste Grégoire Lafarge, avocat d'André
Santini. "On a fouillé l'intégralité de la vie de M. Santini, ses comptes bancaires, ses comptes de campagne: il n'a pas détourné un demi-centime".
Comme Charles Pasqua et André Santini, Jean Hamon, comparé par le procureur à "un bernard-l'hermite dans le syndicat mixte, qui va se servir", espère une relaxe en appel.
"M. Hamon se serait appauvri de sa collection de 7,5 millions d'euros pour en récupérer quelques milliers sous forme de fonds publics? Où est la logique?" relève son avocat Philippe Gumery. En première instance, la justice avait accordé au syndicat mixte, partie civile, près de 900.000 euros de dommages et intérêts. Le procès doit durer jusqu'au 3 octobre.