Sur les pistes d'athlétisme, il est le meilleur Français dans sa catégorie. Pourtant, l'or paralympique lui résiste depuis 8 ans. Portrait d'un compétiteur né qui a dû s'adapter tout au long de sa vie pour continuer à performer.
La médaille d'or en ligne de mire. Pour ses troisièmes Jeux Paralympiques, le natif de Versailles dans les Yvelines, vise la première place sur 100 mètres et 400 mètres. Compétiteur, Timothée Adolphe espère briller devant le public de Paris pour ramener la seule breloque dorée qui manque à son palmarès. Si cet athlète a progressivement perdu la vue, sa volonté de gagner sur les pistes ne l'a jamais quitté. Portrait d'un champion de l'adaptation et des chronomètres.
"Mes entraîneurs ont dû se creuser les méninges"
C'est à l'âge de dix ans qu'il découvre l'athlétisme dans le club de Guyancourt dans les Yvelines. "Au départ, je n'étais pas serein du tout en arrivant là-bas, car à chaque fois que j'avais voulu faire du sport auparavant, on me disait que ce n'était pas possible, qu'on ne voulait pas d'un handicapé", se souvient-il.
À l’époque, les dirigeants du club lui disent qu'ils ne connaissent "ni le handicap, ni handisport mais ils ont fait en sorte que je puisse pratiquer comme n'importe quel gamin", raconte l'athlète. Durant 3 ans, le club va donc trouver des solutions pour lui permettre de pratiquer différentes disciplines. "Ils se sont creusé les méninges pour que je sois capable de faire du sprint sans voir les couloirs, du saut en hauteur sans voir la barre."
A chaque fois que j'avais voulu faire du sport auparavant, on me disait que ce n'était pas possible, qu'on ne voulait pas d'un handicapé
Timothée Adolphe
Par exemple pour les courses, Timothée est placé au couloir 1 pour lui permettre de voir le bord de la piste afin de se repérer. "Cela arrangeait tout le monde car personne ne veut du couloir 1 qui est le plus à l’extérieur de la piste, donc avec la visibilité la moins bonne", ironise-t-il. Pour les courses de haies, des lattes fluorescentes lui permettent d'anticiper les obstacles. À 13 ans, ses parents sont obligés de déménager et l'aventure s'arrête avec son club. "Je n'ai ensuite pas retrouvé de club adapté pendant plusieurs années." Ce n'est qu'à 21 ans qu'il reprend l'athlétisme. Entre-temps, il a perdu la vue.
Des complications médicales et une enfance "casse-cou"
Sa cécité est due à un glaucome congénital. "À la naissance, je voyais flou de l'œil gauche et bien du droit", détaille le champion. "À 3 ans, mon opération de la cataracte se passe mal et rend mes deux yeux particulièrement fragiles."
En outre, il avoue également avoir été un casse-cou durant son enfance. "À 3 ans j'ai échappé à la surveillance d'un proche et me suis pris une baie vitrée dans le visage. Diagnostic des médecins : un décollement de rétine de l'œil droit." A 6 ans, il est victime d'un coup de pied dans l'œil gauche. "Cela a créé un ulcère de la cornée et les médecins m'ont fait comprendre que j'allais perdre la vue progressivement."
A 21 ans, je suis devenu non-voyant
Timothée Adolphe
Enfin, à 13 ans, alors qu'il est en internat, un autre garçon le menace avec un briquet dont une des flammes rentre en contact avec son œil gauche. "Jusqu'à mes 17 ans, ma vue a continué a baissé jusqu'à n'avoir plus qu'une perception partielle de mon environnement. Puis à 21 ans, je suis devenu non-voyant."
Apprendre à courir en étant guidé
Cette nouvelle donne le force encore une fois à s'adapter. "Mon entraîneur m'a fait comprendre que désormais j'allais avoir besoin d'un guide pour courir en compétition. Cela demande un temps d'ajustement car il faut apprendre à courir avec quelqu'un d'autre qui va plus vite que vous."
À partir de 2011, à 22 ans, il concourt dans la catégorie T11. Cette catégorie regroupe les athlètes atteints d'une cécité totale. Timothée Adolphe enchaîne rapidement les succès en championnat de France sur les distances 100, 200 et 400 mètres.
"Grâce aux compétitions, j'ai découvert un nouvel aspect du sport. Bien sûr, le but est toujours de se faire plaisir mais je voulais également gagner." En 2012, il rate de peu la qualification pour les JO de Londres. Deux ans plus tard, il devient champion d'Europe des 200 et 400 mètres. En 2016, il participe à ses premiers Jeux mais la malédiction paralympique se poursuit. "En demi-finale du 100 mètres, je me suis blessé à l'épaule au moment de sortir des starting-blocks. Sur la finale du 400, j'ai été disqualifié à cause d'un appui sur un des couloirs intérieurs", énumère-t-il.
Après ce nouvel échec, il glane plusieurs de ses 20 médailles d'or en Championnat de France et obtient également la première place au 400 mètres lors des Mondiaux de Dubai en 2019. Deux ans plus tard, il revient sur la scène paralympique. Il obtient alors une médaille d'argent sur 100 mètres. "C'était un objectif de ramener la médaille après l'échec de 2016", constate-t-il.
Cependant, il est à nouveau disqualifié sur 400 mètres lorsqu'en pleine course, il perd le lien avec son guide. "C'était une vraie déception, je me sentais prêt et de ne pas pouvoir concourir à cause d'une telle erreur, j'ai trouvé cela frustrant car ce sont 4 ans de travail qui sont gâchés. "
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Enfin l'or paralympique à Paris ?
À l'INSEP, le Versaillais prépare l'Olympiade parisienne. Là-bas, il s'entraîne tous les jours autant sur la piste que dans la salle de musculation. "Je travaille le sprint et la complémentarité avec mon guide et je tente de garder en tête l'importance de la préparation physique. Cela me permet de garder des ambitions au plus haut niveau", explique-t-il au sujet de sa préparation.
Lors des Paralympiques, il aura un seul objectif en tête : "ramener la médaille d'or devant mon public. Ces Jeux seront peut-être mes derniers alors je veux finir en beauté." Il vise donc la première place sur le podium avant de se lancer dans un nouveau chapitre de sa vie.
Ces Jeux seront peut-être mes derniers alors je veux finir en beauté
Timothée Adolphe
"À côté des compétitions, je fais de la musique, je me suis lancé dans le stand-up donc je poursuivrais ces activités." Son autre grand projet, développer le cécibasket en France. "C'est quelque chose que j'ai en tête depuis plusieurs années et je souhaite m'y atteler sérieusement pour permettr aux non-voyants de pratiquer le basket."
Rendez-vous cet été. Les Jeux Paralympiques se dérouleront du 26 août au 8 septembre prochain.