Procès de l'attentat de Magnanville : un seul accusé et de nombreuses zones d'ombre

Il sera le seul à comparaître à partir de ce lundi devant la cour d’assises spécialement composée pour l’assassinat des deux policiers à Magnanville le 13 juin 2016. Mohamed Lamine Aberouz, 30 ans, était un proche de Larossi Abballa, l’assassin des deux fonctionnaires, tué par le Raid. Accusé de complicité, l'homme clame depuis sept ans son innocence.

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Magnanville, le13 juin 2016. Il est 20 heures 20 lorsque les habitants de l’allée des Perdrix sont alertés par les cris de leur voisin. Jean-Baptiste Salvaing, 42 ans, vient d’être poignardé de dix coups de couteau dans le dos et dans le thorax, et gît au sol à quelques pas de sa porte d’entrée. Avant de sombrer, l’adjoint au chef de la sûreté urbaine des Mureaux demande aux passants de prévenir la police. Puis il décède quelques minutes plus tard malgré un massage cardiaque et l’intervention des pompiers.

De son côté, l’auteur des coups de couteau s’est retranché dans le pavillon du policier assassiné. Plusieurs personnes l’entendent crier depuis un velux : "Vous êtes chez nous. On vient chez vous. C’est de la part de l’Etat islamique, j’ai des armes, j’ai des otages."

Une vidéo de 13 minutes

Magnanville 22 heures. Alors que les policiers de la BAC sont déjà sur place, les hommes du RAID arrivent vers 22 heures dans un quartier plongé dans le noir. À l’intérieur du pavillon, aucun bruit, aucun mouvement. Impossible de savoir si Jessica Schneider, la compagne de Jean-Baptiste Salvaing et leur fils de trois ans et demi sont toujours en vie.

En contact avec un négociateur, le terroriste refuse de se livrer et menace de tout faire sauter si quelqu’un approche. Il explique aussi avoir répondu à l’appel d’Abou Bakr Al Baghdadi, l’émir du califat autoproclamé de Daesh, demandant de tuer des "mécréants" chez eux avec leurs familles. Il ajoute, serein, ne pas avoir ciblé des civils, mais des représentants de l’Etat français. Des justifications qu’il a données un peu plus tôt dans la soirée sur plusieurs réseaux sociaux.

Dans une vidéo de 13 minutes postée sur Facebook, le terroriste a appelé à tuer des policiers, des surveillants pénitentiaires, des journalistes, des rappeurs, dressant une liste de personnalités à abattre. Il affirme également qu’il vient de tuer un policier et sa femme, et ne pas savoir quel sort il va réserver à l’enfant. ,

Magnanville 00 heures. À minuit, la décision est finalement prise de déclencher l’assaut. Tandis que les policiers pénètrent dans la maison, le tueur se précipite sur eux en criant "Allahu Akhbar". Touché par une vingtaine de tirs mortels, il s’effondre. À quelques mètres de là, au rez-de-chaussée, le corps sans vie de Jessica Schneider est découvert. La jeune femme a été égorgée. Son petit garçon est quant à lui retrouvé au premier étage, en état de sidération, mutique.

Repérages, filatures : une attaque minutieusement préparée

Très vite, le terroriste est identifié. Il s’agit de Larossi Abballa, 25 ans, un habitant de Mantes-la-Jolie bien connu de la justice. Gérant d’une société de restauration rapide, l’homme a déjà été condamné en 2009 pour des faits de vol, puis en 2013 à trois ans d’emprisonnement dont six mois avec sursis pour participation à une filière d’acheminement de combattants volontaires en zone afghano-pakistanaise.

Si rien n’indique qu’il connaissait ses victimes, plusieurs éléments laissent à penser qu’il avait ciblé le couple depuis plusieurs jours. Que l’attentat avait été minutieusement préparé avec des repérages, des recherches sur les réseaux sociaux, des filatures. Mais l’assassin a-t-il agi seul ? Les policiers ne croient pas dans la thèse du loup solitaire et sont persuadés qu’un complice était présent. Seul témoin des faits, le petit garçon du couple s'est en effet confié à sa tante et à une psychologue en charge de son suivi. Il décrit deux "méchants", deux "monstres" qui hantent ses cauchemars.

Entendus par les policiers, des voisins affirment également avoir vu Larossi Abballa dans les jours précédant le crime, dans une voiture garée à proximité du domicile du couple, parfois accompagné d’individus "porteurs de barbes ou de djellaba". Des individus que les enquêteurs vont chercher à identifier en examinant la liste des contacts de Larossi Abballa. Parmi eux, Saad R., condamné en 2013 à cinq ans de prison dans la même procédure que Larossi Abballa pour son rôle de recruteur, de superviseur religieux et d’entraîneur pour les candidats au djihad. Il y a aussi Charaf-Din A., un de ses amis d’enfance, interpellé en janvier 2011 au Pakistan. Condamné à 5 ans d’emprisonnement, il était en contact régulier avec le tueur depuis sa libération. Mis en examen pour association de malfaiteurs terroriste, ces deux hommes vont finalement bénéficier d’un non-lieu à l’issue de l’instruction, faute de preuves. Tandis que l’enquête s’enlise, un autre homme va faire l’objet d’investigations plus poussées : Mohamed Lamine Aberouz.

Le complice Mohamed Lamine Aberouz

Ancien voisin de la famille Abballa lorsqu'elle vivait aux Mureaux, le jeune homme de 23 ans était un proche du terroriste, un pratiquant rigoriste de l’Islam acquis à l'idéologie de l'Etat Islamique. Il est entendu une première fois en avril 2017, puis relâché. En décembre 2017, coup de théâtre. Déjà impliqué dans une tentative d’attentat, l’affaire des bonbonnes de gaz (NDLR : il sera condamné à cinq ans de prison pour non-dénonciation d’un crime terroriste le 7 juin 2021), son profil génétique vient d'être identifié dans la voiture du tueur mais également sur le repose poignet de l’ordinateur du couple de policiers.

Est-il l’homme que les voisins ont repéré en compagnie de Larossi Abballa devant le domicile du couple ? Était-il en sa compagnie à Magnanville ce 13 juin 2016 ? Les juges d'instruction, sur la base de ce nouvel élément, en sont convaincus. 

Placé en garde à vue puis mis en examen en décembre 2017, Mohamed Lamine Aberouz accepte de collaborer. Il nie toute implication dans ces assassinats qu'il condamne. Et dit ne pas avoir eu connaissance du projet funeste de son ami qu’il n’avait pas vu depuis trois jours, étant resté toute la journée du 13 juin 2016 dans son appartement des Mureaux, excepté pour se rendre dans une salle de prières.

Une déclaration corroborée par ses frères et l'examen de son téléphone géolocalisé à 20 heures 03 aux Mureaux. Il explique aussi aux enquêteurs être monté à plusieurs reprises dans le véhicule de Larossi Abballa et lui avoir serré la main, ce qui pourrait être à l’origine de la découverte de son ADN. "La thèse la plus probable, c’est celle d’un ADN de transfert et qu’en réalité, l’ADN d'Aberouz se trouvait soit sur les gants de Larossi Abballa soit sur ses mains", nous explique son avocat Vincent Brengarth qui s'étonne que l’ADN de son client n’ait été retrouvé nulle part ailleurs dans la maison du couple.

Selon Vincent Brengarth, qui dénonce une instruction biaisée, la fragilité du dossier, une erreur d'analyse de l'ADN est possible. "Notre client clame son innocence depuis six ans. Six ans qu’il est placé à l’isolement, privé de contacts. Il est très inquiet et a un ressentiment grandissant envers l’institution judiciaire pour qui, il est le coupable idéal.

"Des arguments qu'il a déjà faits valoir devant la chambre d'appel de l'instruction. Sans succès. Car à partir de ce lundi, Mohamed Lamine Aberouz comparaîtra seul dans le box des accusés devant la cour d'assises spécialement composée de Paris pour association de malfaiteurs terroristes, complicité d’assassinats sur personnes dépositaires de l’autorité publique et séquestration.

A l’audience, ses avocats plaideront l’acquittement dans cette affaire où de très nombreuses zones d’ombre subsistent. 

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