La cour d'assises de la Sarthe en a terminé hier soir avec l'instruction à l'audience.
Depuis ce matin, les avocats des parties civiles se sont succèdés à la barre pour rappeler l'horreur vécue par Marina pendant presque six ans de sévices.L'occasion aussi de demander au membres du jury de faire de ce procès une audience exemplaire pour garantir la protection des enfants.
"Entendez-moi bien, vous qui êtes sourds à la souffrance. Je vais vous dire que Marina vous aimait. Elle vous aimait tellement qu'elle vous a protégés. Et maintenant, vous vous taisez pour vous protéger." Me Olivier Godard, l'avocat qui représente les enfants des deux accusés, a voulu porter la voix de Marina une dernière fois dans le palais de justice du Mans. "Les frères et soeurs de Marina, on leur a volé leur enfance. Ces enfants s'interdisent aujourd'hui d'être victime parce que ça leur paraît dérisoire comparé à ce qu'a vécu Marina." Le défenseur concluera tout de même sur une note d'espoir en indiquant que les enfants vivent aujourd'hui ensemble, dans la même famille d'accueil, et que les choses se passent mieux pour eux, malgré la souffrance.
On aurait pu sauver Marina
"Il y a des audiences qui font changer la loi. Je veux que vous puissiez vous dire que grâce à cette audience, les choses ont changé. Dans la détection de la maltraitance, dans le suivi..."
Me Pierre-Olivier Sur, avocat de l'association "Innocence en danger", a souhaité porter l'estocade contre l'institution judiciaire. Se tournant vers l'avocat général, représentant le parquet et le ministère public, il s'exclame : "C'est lui qui, normalement, cherche à savoir, qui pose les questions. Ici, ce n'est pas possible car il est dans un conflit d'intérêt." Faisant référence au classement sans suite en 2008 du premier signalement concernant Marina, il dénonce le manque de célérité à traiter l'urgence : "Un signalement, c'est demander à la justice d'intervenir vite. C'est tirer la sonnette d'alarme, c'est appuyer sur le bouton, c'est le "au secours !" Le parquet aurait dû renvoyer le dossier à la gendarmerie. Et on aurait pu sauver Marina. Cette chance, on l'a ratée. C'est plus qu'une faute, c'est presque un crime... "
Un système de protection défaillant
En préambule de sa plaidoirie, Me Vanina Padovani, avocate de l'association "L'enfant bleu - Enfance maltraitée" a indiqué que ce procès donnerait lieu à des propositions de changement de la loi protégeant les mineurs. Par exemple : que les travailleurs sociaux puissent intervenir dans les familles sans préavis de passage. Un dispositif qui aurait peut-être permis, selon elle, de détecter les mauvais traitements subis par Marina.
L'avocate dénonce le procès de l'incompétence : celle du premier médecin scolaire qui n'a pas suivi les inquiétudes des enseignants de Marina. "Ils ont vu les bleus, les coupures, les goûters volés pour se nourrir… Ils se sont battus et n'ont pas été entendus." Procès de l'incompétence aussi de certains médecins "qui ont cherché d'autres explications que la maltraitance pour diagnostiquer les blessures de Marina, malgré les suspicions autour de la famille Sabatier."
Elle évoque aussi le procès de l'irresponsabilité des services sociaux dont elle fustige la succession de mauvais choix, de rendez-vous manqués… Elle parle enfin de la parole des enfants, ceux du couple Darras-Sabatier, ceux qui ont, les premiers, parlé des actes de cruauté dont était victime Marina. C'est grâce à eux, dira-t-elle, qu'aujourd'hui on connait toute l'horreur du calvaire subi par la petite fille…
Le réquisitoire la semaine prochaine
Lundi matin, le dernier avocat des parties civiles, Me Françis Szpiner, prendra une dernière fois la parole au nom de l'association "La voix de l'enfant". Puis l'avocat général mènera son réquisitoire à l'encontre de Virginie Darras et d'Éric Sabatier. Tous deux encourent la réclusion criminelle à perpétuité.