Confluences Pénales d'Angers : les confidences de Philippe Bilger, avocat général dans le procès du gang des barbares

Philippe Bilger a représenté l'accusation dans le cadre des affaires Christian Didier, François Besse, Bob Denard ou encore Émile Louis.

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Tout au long de votre carrière, vous avez pu noter l'évolution du rapport presse/justice ?

"Il me semble que sur un certain nombre d'années, ces deux institutions fondamentales pour la démocratie ont appris à mieux se connaître, à mieux se comprendre et à être peut-être plus indulgentes l'une envers l'autre. Les journalistes, bien sûr, quel que soit le support connaissent mieux la logique de la justice, en respectent davantage les règles. Ils comprennent que, pour être fondamentaux pour la démocratie, ils doivent tout de même respecter les dispositions légales.  Et de l'autre côté, les magistrats s'ouvrent peu à peu à la société, comprennent qu'on ne peut pas prétendre à expliquer aux citoyens ou justifier son action sans aller vers les journalistes qui sont des intercesseurs fondamentaux. Donc il y a une double action réciproque qui permet à la République , dont la justice est une partie intégrante, de progresser."

Vous êtes devenus médiatique, pourquoi ce choix ?

"Je n'ai pas créé une sorte de parler libre, il fait partie de mon être, je n'ai jamais sollicité les médias. J'ai été sollicité par eux et c'est vrai j'ai toujours répondu positivement. (...)J'ai toujous eu envie d'exprimer ce que je pensais, de tenter de faire comprendre la justice, de la faire connaître pour qu'elle soit mieux jugée elle-même et plus globalement pour exister. Et donc j'ai toujours eu la chance d'être invité par les médias en tant qu Bilger, être humain, dont ils à peu près étaient sûrs qu'il dirait  la vérité, qu'il dirait peut-être des erreurs mais au moins ils étaient assurés que jamais rien de malsain ne viendrait entraver le cours de mon expression. Et donc ça a créé beaucoup de problèmes, car contrairement aux habitudes où on invite un procureur, je n'étais pas à un poste dominant, j'étais invité en tant qu'être qui parle librement."


Un avocat général qui parle, vous êtes presque une exception ?

"Parce que j'aime passionnément c'est faire comprendre, c'est m'exprimer, c'est développer, c'est défendre et surtout c'est me lancer dans une médiatisation qui m'est proposée et qui sert à faire connaître l'institution ou plus globalement tout ce à quoi je crois. Ce n'est pas, en dépit des reproches qui m'ont été faits, une médiatisation pour le personnage.
Quand j'ai commencé la magistrature en 72 il est vrai qu'en tant que juge d'instruction, le pouvoir politique était si fort, exerçait une telle emprise sur la justice qu'on pouvait être tenté parfois de demander aux médias de vous aider en quelque sorte en devant une sorte d'élément important de la procédure. Aujourd'hui,  ça n'est plus le cas. La justice est libre, indépendante, avec des entraves comme sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy et depuis François Hollande, objectivement, je crois que la gestion des affaires sensibles est totalement libre. Donc elle n'a pas besoin de faire appel aux médias comme élément constitutif de  l'établisssement ou de la manifestation de la vérité. Mais je trouve tout à fait normal et je dirais même plus irremplaçable la fonction des médias comme, non pas chien de garde de la démocratie, mais comme cette sorte de témoin vigilant, intelligent, lucide sur le cours d'une justice et le fait qu'il nous faut des intercesseurs."


Vous vous êtes déjà dit : " je n'aurais pas dû parler?"

"Je n'ai jamais parlé d'une affaire en cours dont j'avais la charge. Même aux Assises durant 20 ans, je détestais les avocats qui, lors des pauses, venaient parler aux journalistes et qui, d'une certaine manière, trahissaient l'oralité des  débats. Moi, j'étais là, je réservais tout aux jurés. Alors ensuite quand j'étais attaqué ou que la justice était attaquée, le procès terminé, lorsqu'on me demandait de venir, je disais, oui. Je n'avais pas peur de le faire."



Dans l'affaire du gang des barbares, par exemple, est-ce que les médias ont apporté quelque chose à l'instruction et plus tard au procès ?

"Rien mais ce n'est pas leur faute, mais c'est parce que le procès s'est fait dans une publicité restreinte. Alors je ne voudrais pas parler trop longuement de ce procès  parce qu'à la fois je l'ai trouvé exemplaire mais c'est le seul procès où je me suis trouvé confronté, je pourrais presque le dire,  à une véritable haine d'une partie au procès qui normalement a une sorte d'alliance naturelle avec le ministère public. Et les médias ont joué un rôle, mais qu'on leur a fait jouer en réalité parce que, tel ou tel avocat allait les voir quand c'était terminé pour dire pis que pendre de l'avocat général que j'étais. Mais le procès lui-même, pour moi était formidable. Je n'ai jamais connu un jury aussi exemplaire et une présidente de haut niveau."


Et l'entrée de Twitter en salle d'audience pendant les procès ?​

"Au fond tout ce qui est de nature à favoriser l'expression de la justice dans son allure et sa vérité  je suis pour."

Propos recueillis pas Xavier Collombier et Fabienne Béranger, le 18 avril 2013 à Angers.

 





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