La troisième journée du procès de Tony Meilhon, accusé d'avoir enlevé et tué Laëtitia Perrais en janvier 2011 avant d'en démembrer le corps et d'en dissimuler les éléments, était consacrée aux rapports des experts, psychologues et médecins psychiatres décrivent tous une personnalité psychopathique
Les cinq experts qui se sont succédés à la barre des assises de Loire-Atlantique ce 3ème jour du procès décrivent à quelque chose près la même personnalité. Certains ont rencontré Tony Meilhon durant ses séjours en hôpital psychiatrique, d'autres en prison. Certains ont pu nouer de véritables conversations avec lui, avec d'autres il s'est réfugié dans un silence mutique...
Tony Meilhon qui s'est vanté en prenant la parole au premier jour de son procès de s'être fait passer pour fou aux yeux des experts !
Ce qui pose la question de la réalité ou de la simulation de son comportement. Les cinq experts pas dupes, mais avec des motivations diverses sont d'accord pour affirmer, que s'il y a souffrance psychique, il n'y a pas de maladie mentale !
Tony Meilhon accepte l'idée d'un accident de la circulation, que Laëtitia ait pu être tuée dans ces circonstances, mais refuse d'accepter la suite, en affirmant tantôt, qu'il y avait un comparse, ou qu'il était halluciné, dans un état second provoqué par l'alcool et les drogues...
Pas de comportement réellement halluciné
Bruno Millet professeur de psychiatrie à Rennes : "Le patient présente une psychopathologie atypique. Difficile d'affirmer un système psychotique hallucinatoire sans possibilité d'en vérifier l'authenticité. D'évidence, il manifeste un refus de l'autorité, un complexe de frustration. Il est impossible d'éliminer un complexe psychotique délirant..." "Tony Meilhon ne présente pas devant les personnels soignants d'un comportement réellement halluciné".Vincent Alric, médecin psychiatre à Saint-Nazaire a eu plus de chance que ses collègues, "J'ai pu conduire plusieurs entretiens avec Mr Meilhon. Pas facile au début, puis au fur et à mesure du temps, il se livre. Mr Meilhon présente une vision idéalisée de la vie avec sa mère, une vie qui se serait dégradée avec l'arrivée d'un beau-père violent selon lui. L'examen ayant été conduit à l'âge de 30 ans dont 13 passés en prison, le souvenir de l'enfance est altéré".
"Il présente une image valorisée de lui même, il a une bonne image de lui même, et il évoque un rapport aux femmes particulier.
Il dit de lui : je suis beaucoup émotionnel, j'aime pas le mensonge, et quand j'ai bu, je peux devenir méchant !
Il projette sur les autres ses propres difficultés, il fait preuve de comportement violent, de sadisme, ne semble plus avoir de moralité et de remords..."
Une personnalité victime des autres
Fulbert Jadech a eu l'occasion à plusieurs reprises depuis 1999 et dans plusieurs affires de rencontrer Tony Meilhon : "il est dans cette persuasion ou auto-persuasion qu'on a saboté son existence". "J'en veux à ma mère et à mon beau père de ne pas m'avoir aidé et de m'avoir fait placer. Devant le juge, ma mère pleurait cette conne, et par derrière elle s'en foutait". "Difficile de savoir si c'est la réalité mais c'est son vécu" !"Mr Meilhon sait que lorsqu'on agit dans la transgression grave, on risque de se faire réprimer. Lorsque je rencontre le Tony Meilhon de 2011, je n'ai pas le sentiment qu'il ait eu aucun changement d'avec celui de 1999... Qu'est-ce que j'aurais pu mentionner... que ce n'est pas idéal, mais de quel moyen dispose t-on pour rectifier la trajectoire insatisfaisante, d'un adulte qui ne ne coopère pas" !
Roland Coutanceau, médecin psychiatre des Hôpitaux de Paris a beaucoup travaillé sur ces cas d'amnésie du passage à l'acte, et donne une explication du comportement de Tony Meilhon : "Cette séquence rare en criminologie, on agresse sexuellement, on tue la victime parce que le viol implique de nouvelles difficultés, ensuite on démembre le corps, à plusieurs reprises je l'ai vu, les sujets disent je tue tout, je fais tout disparaître ou je me fais tuer par les policiers pour ne pas revenir en prison". La prison dans laquelle Tony Meilhon ne veut retourner à aucun prix.
Existe t-il une possibilité de réadaptation ?
Loïc Villerbu est psychologue, c'est le dernier expert intervenant de la journée, d'un ton monocorde il brosse un portrait psycho-social de l'accusé."J'ai rencontré Tony Meilhon deux fois, il m'a dit qu'il n'avait rien à me dire, il avait l'air las, il est reparti vers sa cellule j'avais l'impression d'avoir à faire à un fantôme..."
"Alors j'ai regardé son parcours de vie, à 11 ans la rupture avec sa mère du fait de l'arrivée de son beau-père, à 18 ans, incarcéré, il n'a pas pu se rendre à l'inhumation de son père qu'il dit qu'il ne connaît pas..."
"Dans l'ensemble des récits qu'il fait sur lui même, il dit je ne sais pas et il ajoute toujours un, ça ne vous regarde pas, et puis de toutes façons je vais porter plainte. Tout ce qui touche à son histoire le met en difficulté, en situation d'implosion sur lui même. Dans l'incapacité de parler de sa propre intimité".
Le vieux monsieur, 74 ans, marque une pose, puis poursuit, terrifiant et glaçant : "Le milieu d'extrême violence dans lequel cet enfant a grandi a construit un comportement psychopatique."
"Est-il possible de le réadapter ? On ne peut envisager actuellement de changement, et sans doute entrera t-il dans un processus suicidaire si on ne le protège pas". Et de conclure laconique :
"Il vient de trop loin pour vivre au diapason des autres".
Fin de cette troisième journée d'assises.