Sept parties civiles ont témoigné aujourd'hui devant le Tribunal correctionnel des Sables d'olonne.. Des témoignages très émouvants comme celui d'Ahmed Bounaceur qui a perdu sa mère, sa femme et deux de ses enfants dans le drame.
"Venir devant ce tribunal c'est une épreuve" .
Aujourd'hui, Ahmed Bounaceur est "dépressif, sous médicaments, je remonte la pente très difficilement" a-t-il expliqué aujourd'hui au tribunal. Ses deux enfants survivants restent profondément traumatisés.La nuit du 28 février 2010, Ahmed Bounaceur, 51 ans, a perdu sa mère, sa femme et deux de ses quatre enfants lors de la tempête à La Faute-sur-Mer.
Tout habillé de noir, tremblant à la barre, le docteur Bounaceur est très ému. "Depuis deux semaines j'ai recommencé à avoir des cauchemars, des insomnies", explique-t-il avec difficulté. Dans la salle règne un silence respectueux.
"J'entend les cris, les pleurs de mes enfants... et être incapable de les sauver... voir ma femme, ma mère, mourir sous mes yeux...", égrène-t-il.
Il résidait dans le lotissements des Voiliers, celui qui a connu le plus de morts, sept, dans cette catastrophe, dont quatre de la famille Bounaceur. L'eau est montée dans ce lotissement jusqu'à 2,80 m dans les maisons. Les sept membres de la famille Bounaceur se sont retrouvés pris au piège par l'eau dans l'habitation qui ne comprenait qu'un rez-de-chaussée, surpris dans leur sommeil.
"J'avais froid, j'étais angoissé... cette angoisse de mort qui était là", se souvient-il. A bout de forces, il parvient cependant à casser une fenêtre et à se hisser avec son fils sur le toit, pour casser les tuiles et tenter de sauver par le plafond le reste de la famille, prisonnière de la maison.
Il arrive à hisser sa fille. Elle "était en hypothermie." lâche-t-il dans un souffle. "Ma vie ne sera plus comme avant".
"J'ai essayé de réchauffer ma fille, j'ai passé ma nuit l'oreille collée contre son coeur... J'entends encore les cris de mes enfants, les pleurs de mes enfants", répète-t-il. "J'ai vu des corps flotter... Jusqu'à me rendre compte que c'était ma mère et ma femme..."
Son visage va alors se planter à sa droite, vers le banc des prévenus."Les gens qui nous ont mis en danger sont là, juste à côté.", lance-t-il cette fois avec plus d'assurance.
"Un cadre idéal pour passer les vacances"
En 2007, alors qu'il cherchait une maison de vacances où il aurait pu loger sa mère, il contacte l'agence de Philippe Babin qui lui propose des terrains dans le lotissement des Voiliers. Ces anciens marais inondables, récemment remblayés, sont la propriété de la mère de l'agent immobilier, Françoise Babin, première adjointe à l'urbanisme.L'agent immobilier lui présente le village comme le "cadre idéal pour passer les vacances. A aucun moment on n'a parlé de risques", explique le médecin.
"Philippe Babin m'a envoyé vers Patrick Maslin en me disant que c'est le meilleur constructeur", continue le Dr Bounaceur. Le médecin, même s'il n'a pas connaissance des risques de submersion marine sur son terrain, veut une maison à étage. Mais "M. Maslin m'a dit que ce n'était pas possible car il y avait des remblais" sur ce terrain "et la maison risquait de bouger".
Alors qu'il tente de contacter d'autres constructeurs, "M. Babin m'a appelé pour me dire qu'il fallait construire rapidement". M. Maslin, qui est aussi conseiller municipal, va déposer le permis de construire qui sera obtenu "en deux semaines, très rapidement, je ne comprenais pas pourquoi", avoue le docteur.
"J'ai fait confiance aux professionnels", regrette-t-il, "j'avais une totale confiance en M. Babin et M. Maslin".
"Je ressens de la culpabilité, je me dis que j'ai fait confiance à des gens qui sont incompétents" et à un maire "qui n'a pas alerté la population" le soir de la tempête. "Un maire qui n'a rien fait", lâche-t-il.
Cinq prévenus, dont l'ancien maire de la commune René Marratier, mais aussi Patrick Maslin ainsi que Françoise et Philippe Babin, comparaissent, principalement pour homicides involontaires, dans ce procès qui réunit plus de 120 parties civiles.
Le procès doit durer jusqu'au 17 octobre, avant le jugement attendu le 12 décembre.