Le tribunal administratif de Nantes a suspendu en référé l'exécution du dernier arrêté préfectoral de surveillance de l'usine Aprochim à Grez-en-Bouère (Mayenne), au coeur d'une affaire de pollution aux PCB (polychlorobiphényles).
L'arrêté incriminé, tenant compte de la diminution de la pollution autour de l'usine, spécialisée dans la décontamination et le retraitement des transformateurs électriques, l'avait autorisée à augmenter de nouveau son rythme de production et à se passer notamment de la surveillance des herbages voisins pendant la période hivernale, provoquant l'émoi des associations environnementales et de riverains.
"Le suivi des herbages est le meilleur indicateur de l'évolution de la pollution. Une telle suppression n'a aucun sens et entraine un risque de pollution indétectable pendant l'hiver", explique dans un communiqué Roger Godefroy, coprésident de la Fédération pour l'environnement de la Mayenne, l'une des trois organisations à avoir contesté l'arrêté en référé devant le tribunal administratif.
"Cette décision du juge valide à 100% notre argument qui est de dire qu'Aprochim est incapable de garantir le respect des normes réglementaires d'émission, faute de maitriser son process industriel. C'est bien son mode de traitement qui en cause", se réjouit Me Benoit Busson, l'avocat des trois associations qui ont demandé au préfet de Mayenne de limiter "l'activité de l'usine à un rythme pour lequel aucun dépassement n'a jamais été constaté".
"Au Coderst (Conseil de l'Environnement et des Risques sanitaires et technologiques) du 23 octobre prochain, le préfet proposera un arrêté de prescriptions complémentaires, incluant les mesures sur l'herbe, pendant l'année entière, conformément à la demande du tribunal administratif", a dit Philippe Vignes, le préfet de la Mayenne, dans un communiqué mardi.
Spécialisée dans le traitement des déchets industriels contenant des PCB, l'usine Aprochim (groupe Chimirec) de Grez-en-Bouère est sous surveillance depuis janvier 2011, après la détection de taux anormalement élevés de PCB dans la production de plusieurs fermes voisines (lait, viande et oeufs).
Plusieurs troupeaux ont été abattus à la suite de cette pollution.
"Alors que 11 exploitants étaient implantés sur la commune en 2011, ils ne sont plus que 4 aujourd'hui, dont un vient d'entamer une grève de la faim pour enfin obtenir indemnisation", soulignent les associations requérantes. "Les riverains attendent du préfet qu'il impose à la société des conditions garantissant l'absence de pollution. Pourtant, des dépassements sont constatés depuis 2011".
Une information judiciaire a été ouverte fin 2011 à Laval pour pollution environnementale et mise en danger de la vie d'autrui, et transmise depuis au pôle santé du tribunal de grande instance de Paris.
Dans une autre affaire, le 18 décembre dernier, le tribunal correctionnel de Paris a condamné à 15 mois de prison avec sursis et 30.000 euros d'amende le PDG de Chimirec, maison-mère d'Aprochim, pour des fraudes sur l'élimination d'huiles polluées au pyralène.
Trois sociétés du groupe, dont Aprochim, ont également été reconnues coupables et condamnées en tant que personnes morales dans cette affaire.